Chapitre 5

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"L'hôtel le plus proche est à plusieurs km d'ici, il faut attendre !"

La petite vendeuse entra de nouveau dans la pièce, munie d'une petite radio à pile. Cat songea avec amusement qu'il n'y avait sans doute qu'en Roumanie qu'on utilisait encore ce genre de gadgets. Pendant que la jeune fille et leur guide écoutait attentivement les infos, les quatre jeunes filles continuèrent à regarder par la fenêtre. Elles avaient rarement vu d'intempéries aussi violentes. Les coups de tonnerre raisonnaient si fort qu'ils couvraient leurs voix. Il était à peine 17h, mais il faisait déjà presque nuit, et le château paraissait beaucoup moins accueillant, beaucoup plus menaçant.

- L'orage est prévu pour durer.

La voix de leur guide interrompit le cours de leurs pensées.

- La météo craint que les vents d'altitude ne le fassent empirer. Je vais appeler les propriétaires.

- Appeler les...

Elena n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'il filait déjà.

- Nous sommes coincés dans ce château moisi, par une nuit d'orage, et lui veut appeler le propriétaire ? Il veut quoi, refaire la toiture ?

- Du calme Elena, il va probablement demander si l'on peut rester ici en attendant une accalmie.

- C'est probable, renchérit Louise, mais ça ne va pas être du grand luxe, à part des tables en bois et des coffres, il n'y a vraiment pas grand-chose.

Cat ne dit rien. Elle savait qu'une aile du château était privatisée, et donc sûrement habitable, leur confort dans les heures à venir ne l'inquiétait donc pas outre mesure. En revanche, passer la nuit dans un château dont les pierres avaient été taillées au XIIIe siècle, ça, c'était quelque chose d'intéressant. Peut-être pourrait-elle profiter de la soirée pour visiter des endroits privés, ou jeter un coup d'œil aux archives ?

Leur guide fit éruption dans la pièce.

- Nous pouvons rester ici jusqu'à ce que les routes soient de nouveau praticables.

Il se retourna pour échanger quelques mots avec la jeune fille de l'accueil.

- Je vais raccompagner Sanda jusqu'au village avant que le chemin ne soient trop inondé, je serais de retour dans une dizaine de minutes. Je nous ouvrirais l'aile du château qui est habitable, ne vous en faites pas.

Les filles acquiescèrent en silence, et les regardèrent s'éloigner.

- Je ne sais pas ce qui est le plus drôle, commença Elena, de rester enfermées pour une nuit dans le mythique château de Dracula à 10 jours d'Halloween, ou bien le fait d'y être enfermées avec un beau roumain ténébreux et quasi vampiresque !

Chloé leva les yeux au ciel.

- Oublie ça, Elena, ce gars-là n'a pas l'air d'être du genre à entrer dans ton jeu !

- Je n'ai aucune envie de passer la nuit dans ce château, râla Louise, je déteste les endroits sinistres.

- Je ne pense pas que l'aile habitable soit sinistre, répondit doucement Cat. Cela a longtemps appartenu à la famille royale, et ils y séjournaient régulièrement.

- Tu veux dire qu'on va passer gratuitement notre nuit dans une suite royale ? s'exclama Chloé.

- Je n'irais pas jusque-là, mais ça sera largement confortable, c'est certain.

La grêle, qui n'avait pas cessé depuis, sembla tomber moins fort. Par la fenêtre on distinguait maintenant le paysage, et le résultat était impressionnant. Le ciel, noir d'encre, semblait abattre sa colère sur les montagnes. Les quelques éclairs qui le déchiraient éclairaient le village, dont les toits étaient blancs, figés dans la glace. L'atmosphère s'était considérablement refroidie. Le bruit de la grande porte leur indiqua que leur guide était de retour. Trempé jusqu'aux os, il leur fit signe de le suivre. Elles durent retraverser la cour, sous la grêle, qui semblait percer leur peau comme des aiguilles. Ils arrivèrent devant une porte en bois massif, mais d'aspect plus récent que celles qu'elles avaient vu jusque-là. Il l'ouvrit, et elles le suivirent dans un escalier en colimaçon. Après l'avoir grimpé tant bien que mal (les semelles mouillées sur des marches en pierre, ça n'avait jamais fait bon ménage), ils débouchèrent dans une pièce ronde. Nichée au cœur de la tour est, elle avait été aménagée en petit salon. Des canapés en cuir usé y trônaient, sur un énorme tapis qui couvrait presque tout le sol de pierre. Au centre, il y avait une table basse, sur lequel un écran plat, très anachronique, était installé. Le mur était tapissé de bibliothèques, ainsi, que de quelques vieux tableaux et portraits.

- Voilà, vous pouvez vous installer ici en attendant que l'orage se calme.

Il indiqua une porte, juste à droite de l'escalier dont elles venaient.

- Par ici, il y a des chambres. Vous pouvez prendre celles que vous voulez, plus personne n'habite ici depuis plusieurs années. Je vais essayer d'allumer un feu dans la cheminée du salon. On m'a dit au village que l'électricité avait sauté ici aussi.

Il redescendit chercher du bois. Les filles regardèrent autour d'elles. Cat, les yeux plein d'étoiles, admirait les livres.

– Il a fallu évidemment qu'on tombe sur une famille royale qui collectionnait les vieux grimoires ! S'exclama Elena. J'en connais une qu'on ne va pas voir de la soirée.

– Tu plaisantes, je ne me permettrais jamais d'y toucher !

– Vous pouvez pourtant, l'interrompit leur guide, qui entrait de nouveau dans la pièce, plus trempé encore qu'auparavant (si encore c'était possible!), ces livres prennent la poussière depuis des années, ils n'attendent que vous !

Cat se mordit la lèvre d'un air coupable, et commença à examiner les ouvrages. Elle se maudit de ne pas avoir tenté plus sérieusement d'apprendre le roumain.

– Vous parlez roumain ? Lui demanda Virgil.

– Hélas non...

– Ces livres vous auraient intéressée dans le cas contraire, fit-il en indiquant les plus vieux bouquins de l'étagère. C'est la retranscription de l'histoire dynastique des principautés de Valachie. Très peu objectif, mais vraiment enrichissant. Ils ont été presque intégralement écrits par des contemporains.

– Si seulement j'avais appris...

– Cat !

Tous deux se tournèrent vers Louise, qui appelait son amie depuis le couloir.

– Viens voir, vite !

Il était rare de voir Louise aussi agitée, aussi Cat la rejoignit sans se poser de questions. Louise couru presque vers la porte à sa droite. En entrant à sa suite, Cat compris vite son excitation. Toutes les petites filles, et mêmes les jeunes femmes après tout, rêvaient de passer une nuit dans une chambre de princesse. Et incontestablement, ces chambres mises à leur disposition étaient des chambres de princesse. Un énorme lit à baldaquin, où elles auraient pu facilement dormir à trois, trônait dans le fond de la chambre. Un tapis moelleux protégeait la moitié du parquet. Une grande porte fenêtre laissait entrevoir l'enfer qui se déchaînait dehors, sur les montagnes. A sa droite, un petit secrétaire ainsi qu'un siège travaillé terminait ce magnifique tableau. Malgré la lueur des chandelles qui donnait un aspect un rien lugubre à ces meubles majestueux, l'ensemble était épatant.

– Je dors ici ! S'exclama Elena. Cette tempête était sûrement la meilleure chose qui pouvait nous arriver, oui vraiment !



L'Ordre du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant