L'Ordre du dragon

Chapitre 21

3 Novembre, Bucarest

Cat n'arrivait pas à dormir, elle tournait en rond depuis plusieurs heures déjà. Cette journée avait été sans conteste la plus longue de sa vie. Elle regarda une énième fois l'heure sur son téléphone : 5:34. Elle repensa à ce que Stefan est Vlad avaient tenu à lui annoncer, et ne put retenir un ricanement. Peu d'ordres de moroïs avaient une fée à leurs côtés, à vrai dire il n'y en avait qu'un seul autre, à leur connaissance. Mais ce qui était sûr, c'est que les fées étaient importantes, et très respectées. Tellement respectées que selon eux, sous ce toit, seul Dracul avait véritablement autorité sur elle. Elle pouvait donc théoriquement donner des ordres à tous les autres personnes qu'elle croisait, eux compris, et ils auraient obligation de lui obéir. Théoriquement toujours. Cela lui faisait une belle jambe ! Elle soupira, et se résigna à renoncer au sommeil, du moins pour cette nuit-là. Elle se leva, enfila un gros pull et se glissa dans le couloir. L'interdiction d'y circuler la nuit ne devait plus tenir, vu qu'elle était quasiment la personne la plus importante de cette maison ! Elle sursauta en voyant que Décébale montait la garde dans le couloir.

- Je suis surveillée ? Chuchota-t-elle furieusement.

- Protégée conviendrait mieux, la corrigea le vieux fantôme. Tu as besoin quelque chose peut-être ?

- De sommeil, rétorqua-t-elle.

- Où vas-tu ? Paniqua Décébale en la voyant s'éloigner.

Elle leva les yeux au ciel, contenant difficilement son envie d'incendier le vieux spectre.

- Je cherche une bibliothèque !

Le soulagement se lut sur le visage marqué de l'esprit.

- Suis-moi, c'est au troisième étage.

Le fantôme fit volteface, et elle le suivit tranquillement jusqu'à l'étage suivant. Ils s'arrêtèrent devant une double porte en bois, richement travaillée. Cat inspira et ouvrit la porte. La lumière s'enclencha automatiquement, et lui révéla une bibliothèque gigantesque, couvrant les murs de multiples ouvrages. Au centre, entre les quelques rayonnages que l'on pouvait encore qualifier de « petits », il y avait une grande table de travail, ainsi que plusieurs fauteuils.

- C'est la bibliothèque ouverte au public. Celle de Dracul en revanche est privée, bien évidemment.

Cat acquiesça vaguement en s'aventurant entre les étagères. Il y avait énormément de livres en français, ce qui l'arrangeait grandement. Cela ne l'étonna pas outre mesure, vu que tout le monde dans l'Ordre semblait parler couramment le français. Elle jeta son dévolu sur un vieux Sherlock Holmes, et se lova dans un fauteuil. Elle parcourut distraitement les premières pages. Ce livre lui rappelait sa grand-mère, qui adorait les aventures du célèbre détective et de son compère Watson. Sa grand-mère qui n'était plus parce qu'elle lui avait sauvé la vie. Etrangement, si cette nouvelle lui avait brisé le cœur quelques heures plus tôt, penser à cela l'apaisait désormais. Elle s'était sentie coupable pendant des mois d'avoir survécu sans raison, mais il n'en était rien. Quoi que cela implique d'être une fée, elle suivrait le chemin de sa grand-mère. Mais pour cela, il allait falloir qu'elle trouve quelqu'un pour lui raconter ce qu'elle avait fait exactement. S'allier avec l'Ordre, OK. Coopérer avec un peu tous les moroïs, et les sorcières comme Tatiana, OK. Mais c'était de bien maigres indices. Quelles étaient ses convictions ? Sa ligne de conduite ? Cat avait peur qu'avec les bien maigres informations dont elle disposait sur ce monde surnaturel, elle ne fasse très vite fausse route.

- Décébale, tu as connu ma grand-mère ?

Le fantôme sursauta, si encore il était possible de sursauter lorsqu'on était immatériel et que l'on flottait dans le vide. Toujours est-t-il que sa voix sembla le surprendre.