Chapitre 32

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Plusieurs passants lui avaient demandé si elle avait besoin d'aide, ou du moins c'est ce qu'elle supposait, car elle ne comprenait pas un mot de hongrois. Elle avait couru à s'en arracher les poumons pendant ce qui lui avait semblé être des heures, tournant au hasard, le plus souvent possible. Elle avait tout fait pour brouiller les pistes, et elle s'était tellement bien débrouillée qu'elle était elle-même complètement perdue. Elle avait voulu s'éloigner du centre, qui semblait être un refuge évident pour tout fuyard qui se respecte. Après une course interminable, elle avait donc fini par s'arrêter dans une rue déserte, entourée d'immeubles, où un seul un petit café miteux semblait animé. En frissonnant, elle avait continué à s'enfoncer plus loin dans les quartiers résidentiels de Budapest, sursautant au moindre bruit, scrutant chaque passant avec appréhension. La météo n'avait pas décidé de lui faciliter la tâche. En même temps que la nuit, de grosses gouttes glaciales s'étaient mises à tomber, la trempant jusqu'aux os. Et autour d'elle, il lui semblait que sous chaque capuche rabattue, elle entrevoyait un éclat argenté, annonçant que son agresseur l'avait retrouvée. Finalement, épuisée, abattue, elle fini par se recroqueviller dans un petit renfoncement, entre deux énormes poubelles noires. C'était cliché, certes, mais il devait y avoir des millions de poubelles dans cette foutue ville, et si Stefan avait la chance de tomber sur elle, elle n'y pouvait plus rien.

Stefan. Comment était-ce possible ? Il semblait être l'homme de confiance de Dracul, plus même que Vlad ou Radu ! Depuis quand les trahissaient-ils ? Et surtout de qui tenait-il ses ordres ? Cat regretta un instant de ne pas avoir essayé d'en savoir plus. Connaissait-il les aruspices ? Elle renifla bruyamment. Elle ne croyait que moyennement à cette histoire de dieux vivants venus semer le chaos sur terre pour quelque obscure raison. Cependant les faits étaient parlants. Elle avait des pouvoirs extraordinaires, hérités de sa grand-mère, et quelqu'un la faisait rechercher, quelqu'un prêt à tuer tous ceux qui se mettraient en travers de son chemin, à en croire la violence du poison qui avait failli avoir la peau Vlad. Cette pensée éveilla un soupçon de colère en elle. Si cet idiot n'avait pas fait sa tête de lard, rien de tout cela ne serait arrivé ! Elle se figea un instant. Si Stefan ne lui avait pas parlé d'Iléana, Vlad et elle n'auraient probablement pas eu ce malentendu. Elle pesta intérieurement. Peu importait à quel point elle détestait Stefan de l'avoir trahi, elle devait reconnaître qu'il était fin. Et il avait son téléphone avec lui, il pouvait donc mentir à tout le monde en prétendant qu'elle allait bien, et personne ne saurait jamais ce qui lui arrivait. Vraiment, très fin.

La pluie tombait désormais drue, traversant son pull, son jean, et même ses chaussures. Des mèches de cheveux trempées lui collaient au front, et dégoulinaient sur ses joues. Etait-il possible que la situation empire ? Des voix masculines, rauques et traînantes, se firent entendre. Il semblait que oui, c'était possible. Cat se recroquevilla, espérant presque rentrer dans le mur. Peut-être ne la verraient-ils pas ?

Trois hommes marchaient d'un pas lourd et mal assuré. L'un d'eux s'arrêta à son niveau, visiblement pour uriner. Ses yeux rouges s'arrêtèrent sur elle, et un sourire malsain étira ses lèvres. Il interpela ses acolytes dans une langue inconnue. Cat bondit sur ses pieds, et tenta de leur fausser compagnie. Mais les deux autres hommes la repoussèrent sans aucun ménagement contre le mur. Ils sentaient l'alcool et le tabac, et leurs regards torves s'attardaient sur ses formes qu'on distinguait sous ses vêtements trempés. Cat frissonna, mais cette fois ci de terreur.

- Laissez-moi ! Cria-t-elle.

Ils éclatèrent d'un rire gras et l'apostrophèrent. Elle n'avait pas besoin de connaître leur langue pour savoir qu'ils ne la laisseraient pas s'en tirer ainsi.

- Arrêtez ! A l'aide ! S'il vous plaît, hurla-t-elle, Est-ce qu'il y a quelqu'un ?

Sa voix se brisa quand l'un des hommes, qui souriait de toutes ses dents de travers, la frappa à l'estomac. Le souffle coupé, elle se plia en deux. Elle tenta de répliquer, mais son coup fut intercepté, et rendu. Le poing d'un second homme heurta sa pommette, et sa tête rebondit violemment contre le mur derrière-elle. Des points noirs dansèrent devant ses yeux, et des larmes d'impuissance rejoignirent la pluie qui baignait son visage.

L'Ordre du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant