Chapitre 35

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20 novembre, Carei

La fête battait son plein. Le grand hall du château était bondé, et Cat peinait à s'extirper de la foule joyeuse. Elle parvint enfin à gagner le couloir, et s'engouffra dans les toilettes les plus proches. Elle croisa son reflet dans la glace, et se dévisagea un instant. Ses joues habituellement pâles avaient rosi à cause de la chaleur ambiante, ses yeux bruns brillaient d'excitation, et un sourire irrépressible étirait ses lèvres. Cette fête traditionnelle ne ressemblait à rien de ce qu'elle avait pu voir auparavant. De nombreux roumains, venus des villages alentours, s'étaient réunis autour d'un orchestre, et mangeaient, buvaient et dansaient, à grand renfort de rires et de plaisanteries. Mais c'est l'ambiance qui par-dessus tout fascinait Cat. Tout le monde, jeunes, vieux, femmes ou hommes, familles ou loups solitaires, tous sans exceptions s'amusaient ensemble. Il n'y avait plus aucune barrière entre les individus. Peut-être était-ce même trop conviviale, pour quelqu'un d'aussi réservé qu'elle. Elle s'était échappée après qu'un troisième jeune homme ait commencé à engager la conversation avec elle (en roumain bien sûr). Elle jeta un dernier coup d'œil dubitatif à son reflet, déplorant de n'avoir rien trouvé de plus seyant dans les affaires de Louise qu'un débardeur blanc triste de simplicité, et un jean noir délavé. Ses valises à elle ayant été perdues, elle devait faire avec ce que son amie lui prêtait, et malheureusement pour elle, cette dernière la dépassait d'une bonne demi-tête. Elle ouvrit la porte et heurta de plein fouet un torse, qu'elle reconnut très vite comme étant celui de Vlad. Elle recula précipitamment.

- Pardon, grogna-t-il.

- Non c'est moi, répondit-elle très vite.

Elle resta une seconde dévisager le visage dur du moroï.

- Je vois que je ne suis pas le seul à tenter de m'isoler ! Lança-t-il.

- Les gens sont très accueillants, un peu trop peut-être...

Il lui jeta un coup d'œil mi- sévère mi- intrigué. Elle haussa les épaules, n'ayant pas envie de s'étendre sur le sujet. Vlad haussa les épaules et entreprit de se laver les mains. Elle s'appuya contre le mur frais et le regarda à la dérobée, songeuse. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à la dernière fête à laquelle elle avait assisté avec l'Ordre. Non seulement, elle avait bouilli intérieurement toute la soirée à cause de la Báthory, mais en plus elle avait terminé en beauté en se faisant presque insulter par Vlad, et en l'insultant à son tour. Elle n'avait jamais vraiment eu l'occasion de revenir sur ce petit incident avec lui, car après cela il avait disparu soudainement, et elle était partie en Autriche avec Stefan.

- Je suis désolée pour la dernière fois.

Ces paroles lui avaient échappé, et elle fixa le moroï, l'air presque aussi étonné que lui. Il fronça les sourcils et souffla, l'air agacé. Il se séchait les mains et s'apprêtait à sortir lorsque que les mots fusèrent :

- Moi aussi, j'ai causé la mort de quelqu'un !

Vlad s'immobilisa instantanément, et se retourna lentement vers elle. Ses yeux noirs plissés semblaient brûler. La mâchoire contractée, il gronda :

- Je n'ai pas causé la mort d'une personne, Catalina, j'ai massacré des centaines d'hommes dont le seul crime était d'obéir aux ordres de leurs maîtres. Je ne sais pas où tu veux en venir, mais si c'est un concours de meurtres que tu veux faire, je gagnerai haut la main, alors abandonne et fiche moi la paix une bonne fois pour toute !

Cat grogna, et s'exclama :

- Je ne parle pas de ça, tu le sais très bien !

- Non, je viens de te le dire, je n'ai aucune idée d'où tu veux en venir !

La jeune fille réfléchit un instant. Se pouvait-il que Décébale n'ait rien raconté de ce qu'il savait d'elle à Vlad ? Elle avait pensé que le vieux spectre aurait eu à cœur de rapporter à l'Ordre tout ce qu'il savait sur elle, mais il semblait qu'il ne l'ait pas fait.

- Je voulais simplement dire que moi aussi, j'ai causé la mort de quelqu'un que j'aimais. Pas directement, mais si j'avais pris une autre décision, il serait toujours de ce monde.

Les prunelles noires brûlantes semblèrent s'adoucir l'espace d'un instant, et Vlad croisa ses bras sur sa poitrine.

- Je... Je ne sais pas pourquoi je te dis ça, je voulais juste m'excuser pour la dernière fois je suppose, mais peu importe.

Cette fois-ci Vlad fronça les sourcils.

- T'excuser ? Il ne me semblait pas que ce soit à toi de t'excuser pour quoi que ce soit, tu n'as fait qu'énoncer une vérité après tout.

- Non, je ne connaissais pas toute l'histoire, je croyais que tu avais agis en sachant que cela tuerait... Iléana. Mais je me trompais.

- Je ne vois pas vraiment en quoi ça change la donne.

- Moi je le vois !

- J'estime être responsable de mes actes et de leurs conséquences. Et cela fait de moi un tueur, n'est-ce pas ?

- Je... n'en sais rien. J'aime à penser que non.

- Moi je pense que oui.

- Alors ça fait de nous des monstres, au même titre qu'un assassin ?

- Non. Il hésita un instant. Non, ça fait de nous des monstres involontaires, je suppose.

L'expression fit sourire Cat.

- Même dans la monstruosité, je reste une victime alors.

- Pauvre biche.

- Je te signale que toi aussi ! Ca me donne le droit de te qualifier de biche ?

- Je n'aime autant pas non.

- Tout à l'heure, tu m'as dit que ce n'était pas à moi de présenter des excuses, alors à qui ?

Un sourire moqueur étira les lèvres du moroï.

- A moi, sans aucun doute.

- Alors ?

- Je ne me rappelle pas avoir dit que j'allais le faire.

Cat leva les yeux au ciel.

- Navré, mais je ne m'excuse jamais. Et puis après tout, tu es une gamine ?

- En effet, déplora-t-elle, je ne rivalise pas avec tes 800 ans.

- Tu es fouineuse ça c'est un fait, acquiesça-t-il, et pour ce qui est de la stupidité, je suis absolument sûr que tu ne m'as pas encore prouvé ton intelligence, bien au contraire.

La jeune fille grimaça, et sortit des toilettes la tête haute, non sans lui donner un coup d'épaule au passage, ce qui ne manqua pas de lui faire mal. Non de Dieu, cet homme était-il en granit ? Elle continua sa route en se massant l'épaule, se retourna une dernière fois, et face au sourire qui éclairait le visage de Vlad, lui tira la langue de façon très puérile. Elle faillit heurter Swann, dont les yeux passèrent d'elle au moroï. La sorcière lui jeta un regard étrange, auquel elle répondit par un haussement d'épaules. Elle traversa de nouveau la foule pour rejoindre Louise qui, assise sur un banc, écoutait les musiciens d'un air rêveur.

Bonsoir, bonsoir, voici encore un petit chapitre, désolée de ne pas poster plus souvent, mais les vacances arrivent bientôt, et j'espère qu'elles me permettront de poster la suite et fin de cette histoire ! 

Bonne lecture ! :)

L'Ordre du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant