Chapitre 38

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21 novembre, Carei

Elle volait. Elle volait au-dessus d'un paysage magnifique. Des montagnes verdoyantes, des torrents d'un bleu profond, puis des plaines fertiles, des villages, et une grande ville, immense, chargée de ruines et d'histoire... Rome ? Un grand bruit la fit sursauter et elle ouvrit les yeux. Rien, juste le plafond de sa chambre, et Louise qui respirait paisiblement dans le lit d'à côté. Elle poussa l'ordinateur qui était resté sur ses genoux, et se leva. Alors qu'elle se dirigeait vers leur salle de bain, elle crut entendre des cris étouffés. Inquiète, elle sortit discrètement et se glissa dans le couloir sombre. Le bruit venait de l'étage en dessous. Elle descendit les escaliers sur la pointe des pieds, et s'immobilisa tout à coup. En bas des escaliers, se tenaient Vlad, Radu, et Swann, l'air très en colère. Décébale flottait nerveusement à leurs côtés, et devant eux, maintenu par deux gigantesques hommes dont le dos seul était intimidant, se tenait une silhouette mince et musclée dont la tignasse blonde lui était familière...

- Stefan, souffla-t-elle.

Tous les regards se tournèrent vers elle, et la scène explosa sous ses yeux. Tous lui hurlèrent des paroles qu'elle ne comprit pas, Swann se précipita vers elle, mais elle fut plus lente que Stefan, qui se défit avec une facilité déconcertante de ses deux gardes-gorilles. Elle recula, mais oubliant qu'elle était toujours dans l'escalier, buta sur une marche et s'écroula. A quelques mètres d'elle, ce fut le moroï blond qui s'écroula à son tour. La sorcière en profita pour la rejoindre et Radu la suivit de près.

- Va-t-en Cat, remonte dans ta chambre, s'écria la jeune femme.

Cat ne pouvait détacher les yeux de son ravisseur, dont la jambe gauche avait pris un angle tout à fait inquiétant. Il se releva tant bien que mal, et voulut continuer son chemin vers elle en boitant.

- Allons princesse, susurra-t-il, ce sont tous des menteurs. Ils veulent tes pouvoir pour leur propre intérêt, et tu le sais très bien. Viens avec moi, et je t'apporterai toutes les réponses que tu cherches...

- Un pas de plus, gronda Vlad, et je brise le reste de tes os, un par un.

Cat détacha ses yeux du regard vert étincelant du traître, et les planta dans ceux du moroï. Ses prunelles noires brûlaient d'une rage destructrice. Son corps entier était tendu, et il semblait qu'une ombre gigantesque émanait de lui pour emplir tout l'espace. La jeune fille se releva tant bien que mal, en le regardant toujours. Précédé des deux hommes géants, il monta les marches jusqu'à arriver en face de Stefan.

- Tu n'aurais jamais dû revenir ici. Tu sais le sort qu'on réserve aux traîtres.

- Je préfère être un traître qu'un pantin, ricana le moroï blond. Tu crois que tu pourras sauver cette petite merveille ?

Il désigna Cat d'un signe de tête, tandis que les deux inconnus l'immobilisaient de nouveau.

- Elle finira sacrifiée sur l'autel de l'Ordre, pour le bien commun, comme beaucoup d'autres avant elle. Et toi, Vlad ? Toi tu ne feras rien. Parce que tu n'es qu'une marionnette, qui tuerait la chair de sa chair si on lui demandait.

Le poing s'envola, et heurta l'arcade du moroï de plein fouet. Le sang jaillit. Stefan cracha et ricana en même temps. La moitié de son visage noyée dans le sang, il se tourna vers Cat.

- Penses-y ma jolie, tu ne les connais pas plus que moi, pourquoi choisir de placer ta confiance en eux ?

- Emmenez-le en bas ! Ordonna Radu. Swann, accompagne-le, et scelle sa cellule.

- Radu, l'interrompit Décébale, ne vaut-il pas mieux le garder intact pour le ramener à Dracul ?

- Non, le coupa Vlad, il est dangereux. Il aura bien assez d'énergie pour attendre la visite de Sigismond.

Un éclair de peur passa dans les yeux verts de Stefan, mais il ne se débattit pas.

- Qu'est-ce que vous allez faire ? Chuchota Cat.

- En scellant sa cellule, Swann va le couper complètement de l'énergie des limbes, et il va mourir, répondit gravement Décébale.

- Pour l'instant, rectifia Radu, il va simplement s'affaiblir. Pour la mort, on attendra Sigismond.

- Je veux lui parler !

Un silence de plomb accueillit sa déclaration. Stefan lui lança un regard insondable avant de disparaître de sa vue, traîné par les deux inconnus. Il paraissait ridiculement frêle entre eux, boitillant tant bien que mal sur sa jambe cassée. Elle voulut descendre les marches, mais Vlad lui agrippa le bras et la força à se retourner.

- Il faut que je lui parle, protesta-t-elle.

- Tu as perdu la tête ?

- Je dois entendre ce qu'il a à me dire avant qu'il...

Vlad secoua la tête et la traîna presque jusqu'en haut de l'escalier.

- Vlad arrête ! Cria-t-elle en se dégageant. Pourquoi tu m'empêcherais d'y aller ? Si sa cellule est scellée je ne risque rien !

- Stefan est dangereux ! lui répondit-il sur le même ton, C'est un tueur, un manipulateur, et un expert dans l'art de l'évasion et de la fuite ! Il est hors de question de le laisser s'approcher de toi !

- Je crois que j'ai déjà prouvé que je savais me défendre contre lui !

- Oh oui, bien évidemment, c'est vrai que si tu fais encore exploser la moitié du château, ça fera avancer les choses !

- Tu préfères que je passe mon temps à me demander s'il n'avait pas raison ? Si ce n'est pas vous qui manipulez depuis le début ?

Vlad ne répondit pas immédiatement. Elle repoussa rageusement des mèches de cheveux qui lui retombaient devant les yeux.

- J'ai besoin d'entendre ce qu'il a à me dire ! S'il te plaît Vlad.

Le visage du moroï se ferma, et ses yeux s'assombrirent. Il lui attrapa de nouveau le poignet.

- Ça m'est égal, tu n'approches pas ce traître, même s'il faut t'enfermer jusqu'à son exécution. Je te l'ai dit, Cat, je suis égoïste.

La jeune fille le dévisagea interdite, mais les yeux bruns du moroï fuirent les siens. Il ouvrit sa chambre et la poussa à l'intérieur, avant de claquer la porte.

- Cat ? Tu vas bien ? J'ai voulu sortir quand j'ai entendu des cris mais la porte était verrouillée de l'extérieur, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Elle ne répondit rien et secoua la tête, sentant sa gorge se serrer. Elle s'appuya contre la porte, le regard perdu au loin.

- Je ne suis plus sûre de comprendre ce qui se passe ici, souffla-t-elle.

L'Ordre du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant