Chapitre 26

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7 novembre, château de Bran.

La fête battait son plein dans la salle de réception. La centaine d'invités, après s'être réunie autour d'une table pour écouter le discours grave de Vlad, et boire une coupe de vin, s'était dispersée dans la pièce, picorant dans les buffets somptueux, ou ondulant au rythme de la musique feutrée. L'assemblée était pour le moins... Etonnante. Encore une fois, les moroïs ne semblaient pas avoir la volonté de suivre la mode. Des robes empires côtoyaient costumes trois pièces, mini-jupes et talons aiguilles. Cat aperçut même une crinoline, et sa propriétaire qui semblait peiner à se mouvoir dans la foule. Elle ne comprenait pas bien le but de cette soirée : célébrer « l'anniversaire » de Stefan, vérifier la présence, et surtout l'absence des membres de l'Ordre, d'accord. Un repas aurait été nécessaire. En revanche, cette soirée guindée et pompeuse lui semblait absolument superflue. D'autant qu'elle avait été obligée de s'habiller pour l'occasion. Heureusement pour elle, elle avait pu dénicher dans toutes les tenues extravagantes et très décolletées de Swann une robe qui ne la mettait pas trop dans l'embarras. Certes, elle semblait tout droit sortie des années folles avec sa taille basse et ses broderies de perles, mais au moins, elle ne laissait pas la moitié de son corps à découvert. Et puis de toute manière, vu le style général, elle était loin de détonner.

Son problème immédiat, contre toute attente, était qu'elle s'ennuyait comme un rat mort. Tout le monde se connaissait, et des groupes s'étaient très vite formés, et tandis que certains chuchotaient furieusement entre eux, d'autres riaient franchement, dansaient, ou s'empiffraient joyeusement. Elle s'était donc réfugiée dans le coin d'un buffet, et observait l'assemblée d'un air morne. Ce fût Stefan qui vint lui sauver la vie.

- Alors miss Daisy, on se tourne les pouces ?

Cat sourit à la référence au roman de F. Scott Fitzgerald, qu'elle avait dévoré plusieurs fois avec grand plaisir.

- Je crois bien. J'attends toujours que Gatsby vienne pimenter cette fête ennuyeuse !

- Vlad n'est pas là ? s'étonna le moroï.

- Non, pas que je sache.

Sans qu'elle comprenne pourquoi, un sentiment d'agacement l'envahit. En réalité elle savait très bien que Vlad était là-bas, à gauche, non loin des musiciens. Et qu'il parlait à la même femme depuis des heures. Non pas qu'elle soit jalouse, non, il pouvait bien parler à qui il voulait. Mais ces derniers jours, ils s'étaient quelque peu rapprochés, et elle avait pensé pouvoir compter sur lui, en tant qu'ami, pour ne pas la laisser planter là pendant toute la soirée.

En effet, après avoir failli détruire la moitié du château, il avait fallu le remettre en état, ce qui avait été beaucoup plus long que prévu. Avec l'aide de Swann, puis de Tatiana qui les avait rejoints après l'attaque, ils avaient réussi à tout remettre en état, avant que les villageois ne puissent s'inquiéter de quelque chose (quoi que le bruit en avait interpellé plus d'un, mais étrangement, aucun curieux ne vint aux nouvelles). Après quoi, il avait fallu préparer l'anniversaire de moroï de Stefan, que Dracul n'avait voulu repousser sous aucun prétexte. Ils avaient donc eu trois jours pour tout préparer, commander, décorer. Ces trois jours furent si intenses que même Radu, l'odieux Radu, dut se mettre au travail. Cat avait décidé volontairement d'aider en cuisine, car elle se débrouillait plutôt bien derrière les fourneaux. Elle s'était donc retrouvée entre Vlad et Stefan, qui pouvaient se montrer incroyablement drôles lorsqu'ils s'y mettaient. Elle avait passé ces trois jours tantôt à rire avec eux, tantôt à les questionner, des étoiles plein les yeux, sur leurs époques respectives, leurs coutumes, leurs croyances. Enfin, la soirée de la veille avait été passée avec Vlad, à essayer de comprendre ce qui s'était passé, trois jours auparavant, lorsqu'elle l'avait soigné ; son pouvoir, si elle pouvait l'appeler comme ça, semblait en effet lui avoir été transmis. Intégralement. Après avoir entièrement carbonisé une marmite en ordonnant aux flammes d'augmenter un peu, le moroï avait dû se rendre à l'évidence : sa puissance avait désormais doublé et cela pouvait s'avérer très dangereux. Cat avait tout essayé, la concentration, la méditation, elle avait de nouveau serré les mains de Vlad, touché son front, mais rien n'y avait fait. Il lui semblait qu'elle avait aujourd'hui autant de pouvoir qu'une huître. Ce qui les faisait donc arriver à la conclusion que son don avait été transféré intégralement au jeune homme. Et cela ne plaisait ni à l'un, ni à l'autre. Cat avait fini par s'endormir durant une énième tentative de concentration, et lorsqu'elle s'était réveillée, il était l'heure de se préparer pour la fête. Et elle n'avait pas revu Vlad depuis.

L'Ordre du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant