Chapitre 41

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Cat volait de nouveau. Elle surplombait les paysages italiens qui lui semblaient désormais familiers. Elle arriva aux abords de Rome, et descendit en douceur vers les toits. Au-dessus d'elle, les nuages étaient gris et gonflés, et semblaient prêts à se déchirer. Dans les rues, une clameur retentit. Les pavés étaient noirs de monde. La jeune fille se posa doucement au milieu d'une immense place, ornée en son centre d'une fontaine. Personne ne sembla la remarquer. Autour d'elle, les gens échangeaient des regards interrogateurs. Les visages semblaient ennuyés, au mieux perplexes. Soudain, la jeune fille remarqua des silhouettes encapuchonnées massées devant un grand palais. Elle voulut pousser deux hommes qui lui barraient le passage, mais elle les traversa. Elle n'avait aucune consistance. Après tout c'était un rêve. Elle courut donc à travers la foule (littéralement) et parvint devant le grand bâtiment. Elle eut un mouvement de recul quand elle vit que toutes les silhouettes portaient des masques argentés. Ils étaient au moins une centaine, peut-être plus. Ils se tenaient la main et formaient arc de cercle autour de l'entrée du bâtiment, psalmodiant à voix haute des paroles d'une langue inconnue de tous. Sauf d'elle. Soudain, une personne sortit du bâtiment, interrompant leur litanie. Cat sentit immédiatement que c'était un moroï. L'homme semblait avoir 35 ans, peut-être 40. Ses cheveux poivres sels étaient coiffés à la perfection, son visage était viril, sa mâchoire carrée, et son costume luxueux, impeccable. Ses yeux argentés envoyaient des éclairs. Il hurla quelque chose en italien. Les silhouettes reprirent leur formule. La jeune fille tenta de comprendre ce qu'ils disaient, mais la foule était de plus en plus bruyante. D'autres moroïs rejoignirent le premier, et l'une d'entre eux sortit une arme. Elle n'eut cependant pas le temps de s'en servir, car une explosion phénoménale la souffla, elle, ses compagnons, mais aussi toutes les silhouettes masquées et une bonne partie des gens agglutinés sur la place. Cat ferma les yeux et se boucha les oreilles en hurlant. Lorsqu'elle les rouvrit, elle n'était plus à Rome. Mais elle n'était pas non plus dans son lit. Elle tourna un instant sur elle-même, avant de reconnaître l'endroit où elle se trouvait. En face d'elle, la façade rouge du Temple Bar lui indiquait qu'elle se trouvait désormais dans la capitale irlandaise. Autour d'elle, une multitude d'Irlandais se pressait en vociférant. Elle courut encore une fois dans le sens de la foule, mais avant qu'elle n'ait pu dépasser le coin de la rue, elle entendit une déflagration, et des hurlements. Un battement de paupière, et le décor avait encore changé. Elle déglutit. C'était désormais la Seine qui s'écoulait sereinement sous ses yeux. Elle chercha autour d'elle, essayant de repérer d'où viendrait la prochaine explosion, car il y en aurait une, elle le savait, elle le sentait. Soudain, un masque argenté surgit en face d'elle et la traversa. Elle fit volte-face et le suivit. Plus ils marchaient, plus de nombreux groupes de gens marchaient sur leurs pas, parfois curieux, parfois effrayés, mais surtout en colère. La jeune fille tentait de comprendre pourquoi ces gens les suivait, mais personne ne la voyait ni ne l'entendait. Après ce qui lui sembla des heures à sillonner les rues de Paris, plusieurs hommes masqués se rejoignirent, tous suivi d'une foule énorme. Ils s'arrêtèrent devant une belle bâtisse, et le rituel recommença. Cat fit demi-tour avant d'assister à la troisième explosion, mais les hurlements de terreur et d'agonie envahirent ses oreilles alors qu'elle réapparaissait dans une nouvelle ville. Prague, Londres, Vienne, St Pétersbourg, et d'autres lieux qu'elle ne reconnut pas. Partout, le chaos régnait. Partout, des hommes et des femmes masqués attaquaient des sièges moroï, entraînant avec eux des civils innocents qui les suivaient comme ensorcelés. Le souvenir d'un conte que son père lui lisait lorsqu'elle était enfant refit soudain surface. Elle revit le joueur de flûte d'Hamelin, ensorcelant les rats grâce à sa musique, et les entraînant sans aucun mal vers une mort certaine. Ce groupe auquel appartenait Stefan utilisait les simples mortels comme de la chair à canon pour faire pression sur les moroïs ? C'est ce qui s'était passé à Bucarest, et si son rêve était prémonitoire, c'est ce qui allait se passer partout en Europe. Mais quand ?

L'Ordre du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant