L'Ordre du dragon

Chapitre 17

   " Le vieux fantôme ne répondit pas, et disparut entraversant la porte. "  

Tatiana se tourna vers Cat, qui souriait de toutes ses dents.

- Décébale est un allié de choix.

Cat ne répondit pas. Pouvait-elle dire que le fantôme était son allié ? Elle en doutait. Il défendait avant tout les intérêts de l'Ordre.

- Vlad en revanche est un ami à avoir.

Ah intéressant, cette nuance. La sorcière était très fine, et confirmait son ressenti. Le fantôme avait beau être bienveillant, il valait mieux compter sur Vlad pour l'aider. Il le ferait au détriment de l'Ordre. Il l'avait déjà fait en voulant la laisser partir avant que Radu n'intervienne, et il avait récidivé en laissant Louise filer.

- Pourquoi Vlad a-t-il trahi l'Ordre autrefois ?

La sorcière lui lança un coup d'œil inquisiteur. Elle se déplaça rapidement vers la porte, l'ouvrit, laissant apparaître un homme portant un plateau garni de nourriture. Elle le lui prit, claqua la porte, et vint s'assoir prêt de Cat, dans un tourbillon de satin. Elle plaça le plateau sur ses genoux. Malgré elle, Cat saliva, un énorme chocolat chaud crémeux l'attendait, ainsi que des croissants, des petits pains ronds, de la confiture, des céréales, des pancakes et un grand verre de jus d'orange. Elle se savait incapable de manger autant de victuailles d'un coup, mais se promit de remercier celui qui avait préparé tout cela dès qu'elle le pourrait.

- Qui t'a parlé du passé de Vlad ?

- Décébale l'a seulement évoqué, il voulait me dissuader de faire des choses stupides qui seraient considérées comme acte de trahison.

- C'est une histoire qu'il est interdit de révéler.

Cat ne répondit rien, et souffla sur son chocolat, déçue.

- Par conséquent, je n'en connais que les grandes lignes.

Elle releva la tête, ravie. La curiosité était l'un de ses plus gros défauts.

- Lorsque Vlad est rentré dans l'Ordre, il avait à peine vécu la moitié de sa vie. A la différence de son père, qui est mort vieux, et de son frère, qui lui n'a quasiment pas vécu de vie humaine, lorsqu'il est mort, il a tout perdu. Son statut, son peuple, et sa famille. Or, lorsqu'on rentre dans l'Ordre, il est obligatoire de renoncer à sa vie passée, et de se consacrer à servir l'Ordre. C'est l'une des sept lois, ceux qui l'enfreignent sont exclus, et meurent.

- Quelles sont les autres lois ? Demanda Cat.

- Tu le sauras en temps voulu, mais ce n'est pas à moi de te l'apprendre.

- Et Vlad, il n'a pas renoncé à sa vie passée ?

- Vlad était marié à une femme qu'il aimait plus que tout. Ils avaient eu un fils, son seul descendant. Vlad ne comprenait pas pourquoi il devait renoncer à sa vie d'avant, il refusait d'abandonner sa femme, de la voir se remarier, vieillir, puis mourir, sans pouvoir être à ses côtés.

Cat resta silencieuse. Il lui était difficile d'imaginer Vlad en amoureux transi.

- Il a donc décidé de braver l'interdit. Evidemment, Dracul l'a su immédiatement. En tant qu'aîné d'un des bras droits de Sigismond, Vlad était destiné à occuper un poste important dans l'Ordre. Il a été immédiatement déchu, et Radu a pris sa place.

- Pourquoi n'a-t-il pas été exclu et tué ?

- Malgré son effraction, il n'y avait aucun risque que l'existence de l'Ordre soit révélée au grand jour.

- Pourquoi ? Sa femme ne l'a pas cru ?

Tatiana se leva.

- Comme je te l'ai dit, je ne connais que les grandes lignes. Toujours est-il que depuis ce jour, Vlad est relégué à un poste de serviteur, pendant que son frère se pavane en endossant un rôle qui n'est pas le sien. Mange pour reprendre des forces, il est bientôt temps d'aller annoncer la nouvelle à Dracul.

- La nouvelle ?

Sa question resta sans réponse, car Tatiana ferma les yeux et s'évapora soudain, laissant derrière elle quelques étincelles violettes. Cat grommela. Elle commençait à en avoir assez de ces gens qui disparaissaient ou traversaient les murs. Etait-ce si dur de passer par la porte ? Pensive, elle trempa son croissant dans son chocolat. Elle n'avait aucune idée de ce que pouvait bien être la nouvelle, mais elle pressentait qu'il allait lui falloir des forces pour l'encaisser. Il ne restait plus qu'à espérer qu'elle ne soit pas de trop mauvais augure.