Chapitre 41 :

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Un long silence s'ensuit. Nous nous fixons dans le blanc des yeux, essayant, non, ne serait-ce que... que tentant de comprendre. Pourquoi n'avons-nous pas été élevés ensemble ? Pourquoi a-t-il grandit à la CIA alors que j'étais avec des guépards ? Et comment M. Jamal, de tous, le sait-il ?

J'ai l'impression de m'effondrer par parties comme un iceberg. Mon cœur hyper-ventile, ma tête ne sait plus quoi penser, mes yeux passent rapidement d'un homme à l'autre. Je butte contre la table. Cet homme, cet agent de la CIA, ma cible, est...

- Mon frère, je lâche dans un souffle trop faible pour être entendu.

Nael lève un regard hébété sur moi et répète ces deux mots qui se frayent lentement un chemin dans ma tête. Un sourire se dessine lentement sur ses lèvres, comme s'il n'en croyait pas ses yeux.

- J'ai une sœur... jumelle... (il fait la moue) c'est vrai qu'une telle beauté ne peut-être que familial.

Je le dévisage avec stupéfaction. C'est vraiment ce qu'il pense, là tout de suite ? M. Jamal hausse les sourcils.

- Quand tu auras soixante ans, des cheveux gris et des rides, tu ne diras plus ça.

- Oh, mais j'ai bien l'intention de mourir avant ! S'exclame joyeusement mon... jumeau.

Je suis encore plus stupéfaite par sa réaction que par tout le reste. Quel est cet énergumène ? Est-ce vraiment tout ce qu'il a retenu ? Mais, alors que ses yeux se posent à nouveau sur moi, j'oublie tout le reste, balayé par cette sensation étrange qui envahi tout, comme si mon corps le reconnaissait après de longues années sans l'avoir vu. Comme s'il le trouvait, enfin.

Je sens une étrange impression qui nous relie et me tire avec force vers lui, malgré ma méfiance, malgré tout le reste. Alors, plus que les paroles de M. Jamal, je sens que mon corps me hurle ce que ces yeux dorés qui apparaissent dans mon sommeil me chuchotaient depuis des mois : je suis ton jumeau. Nous avons la même mère. Une mère humaine. Mais alors...

- M. Jamal... je murmure. Qui m'a placé avec des bébés guépards ?

Le muscle de sa mâchoire tressaute dans le silence, soudain glacial. Mes yeux coulissent lentement sur le directeur. Je me tourne vers lui et il se mord la lèvre.

- Shari...

- Un nom, je lâche, d'une voix aussi glaciale que le silence.

Il relève la tête et plante ses yeux dans les miens.

- Moi. C'est moi qui t'ai mis dans la portée de Guépards.

"Crac". Je le fixe, sans desserrer de mes doigts la barre de la chaise arrachée. Il baisse la tête.

- Je ne vais pas m'excuser, aucune excuse ne peut pardonner mes actes. Mais s'il te plaît, entends-moi. Je veux te donner toute l'histoire, que tu puisses la juger de haut en bas, sans zone d'ombre.

Mon immobilité semble le décider à enchaîner très rapidement :

- Hazel n'est pas morte d'un suicide, nous l'avons déguisé en suicide, mais elle n'a pas perdu la vie en se jetant d'une falaise. Elle est morte pendant son accouchement. Votre accouchement.

J'ai l'impression que mon estomac s'est renversé. Nathanael se tourne vers moi et je ne peux rien faire d'autre à part le fixer, horrifié. J'ai... nous avons tué notre mère ? Lui aussi me fixe, avec force.

- Je m'en souviens avec trop de clarté... vous avez été sa dernière vision, tout rouges et criants... mais elle perdait beaucoup de sang. Beaucoup plus que la normale.

Sa voix se brise de douleur, il baisse brusquement les yeux et prends une inspiration. La souffrance dans ses yeux me frappe violemment le ventre. J'ai l'impression d'être cognée en pleine poitrine.

Les serres du Corbeau - Double-âme [3]Where stories live. Discover now