Chapitre 7 :

182 26 98
                                    

Pas ici.

Je referme la porte. J'étais déjà perdue dans l'ancien Pavillon Cerf, comment retrouver mon chemin dans celui-là ? L'odeur de poussière qui y règne me fait penser aux cendres du feu qui a emporté « accidentellement » l'autre.

Ils y ont foutu le feu comme un vulgaire papier qu'on jette dans la cheminée. Sans une larme, sans un mot. Tous, adultes comme enfants, ont tourné le dos au bâtiment aussi rapidement que ça, avec une efficacité qui m'est venu à me demander de combien d'autres Pavillons ils ont dû fuir. Même les plus petits semblent y être déjà habitués. Au feu, aux ordres qu'il faut suivre sans explication, à la rapidité d'exécution. Des parfaits soldats, entraînés depuis leur naissance. Aucun sanglot n'a troublé le crépitement des flammes. Aucune question. Seulement une certitude, un but : il faut partir.

Nous n'avons pas mis longtemps à rejoindre un autre Pavillon, enfoncé dans les terres de l'arrière-pays. Ça aussi, ils semblent en avoir l'habitude. Bouger rapidement. Après deux incendies, le dernier intentionné, je commence moi aussi à en avoir l'habitude. Nous avons changé de véhicules plusieurs fois dans des planques du Clan Cerf et nous nous sommes séparés en plusieurs groupes pour disperser nos traces au cas où Kallol avait déjà communiqué nos coordonnées à ses supérieurs hiérarchiques et qu'ils avaient placé des hommes dans la région pour surveiller nos actions.

Comme par hasard, Laaja et Kaïcha faisaient partie d'un autre groupe que le mien. Je ne sais même pas si on leur a expliqué qu'on déménageais. Sans doute pas, ils ont dû éviter le moindre contact avec les pestiférés d'humaines... ce n'est pas ça qui m'inquiète, elles ont dû capter qu'on allait à un autre endroit. Parc contre, tout le reste, peu probable qu'elle l'ait devinée toute seules. Je dois les mettre au courant. Sur tout. Mais dans ce manoir à flanc de falaise, je suis aussi perdue qu'un lièvre dans le désert.

Le manoir est creusé dans la falaise même d'une montagne, offrant une cachette parfaite pour n'importe quel fugitif, voir pour un groupe de fugitif entier et est largement assez grand pour nous accueillir tous. Il est articulé autour d'un escalier en colimaçon entrelacé de lierre et des quelques plantes sauvages qui ont dû pousser avec le temps autour des marches, qui donne sur le haut de la montagne. Un puits de lumière venant du ciel éclaire l'escalier et le reste du pavillon est percé de fenêtres à flanc de falaises qui laissent entrer la lumière naturelle. Il y fait frais, car la pierre garde le froid et que nous sommes à une bonne altitude, mais l'intérieur est aménagé si bien qu'on a l'impression d'être dans un bâtiment normal à part les plantes pendantes, la mousse et des racines qui apparaissent çà et là.

J'essaye une autre porte, mais ce couloir a l'air désert, du moins pour l'instant, car la plupart des gens sont trop occupés à fourmiller en bas pour mettre en marche le Pavillon pour s'être déjà installé dans une chambre. Je suis sûr qu'ils ont déjà mis Laaja et Kaïcha dans une chambre pour pouvoir les surveiller, en revanche. Ils ont tellement peur qu'elles puissent s'échapper elles aussi. Quant à Ash, je n'ai aucune idée d'où il est est, mais comme moi, il doit sans doute être autorisé à sortir de sa chambre, même si je vois très bien qu'on garde un œil sur nous tiens, comme ce Cerf qui vient de passer au coin.

Je tourne la poignée d'une autre porte, mais elle reste bloquée. La même chose pour la deuxième. Je grogne. La troisième s'ouvre en grand sur un garçon d'une dizaine d'années avec un chapeau sur la tête - ils doivent garder cette précaution tant que Laaja et Kaïcha sont au Pavillon. Il reste figé sur le seuil comme s'il avait vu le diable. Je penche la tête sur le côté.

- Salut.

Il ne me répond rien, l'air toujours abrutis. C'est vrai que les enfants c'est vraiment imbécile des fois. Je jette un coup d'œil derrière lui. J'entrevois une pièce avec un canapé, une table et deux lit. Sans couverture, comme tous les lits des Àlfars, pour "ne pas réduire l'amplitude de mouvement si ont est attaqué", m'avait expliqué Analya. En tout cas, personne d'autres, apparemment. Je soupire. Bon, il va falloir faire avec lui. Je m'accroupis pour paraître moins grande, même si je sais que ce n'est pas la taille qui va l'impressionner. Pour l'avoir vu, je sais que les enfants de son âge s' entraînent au tir à la lance sur des cibles avec des mensurations adultes.

Les serres du Corbeau - Double-âme [3]Where stories live. Discover now