Chapitre 18 :

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- Entends-moi, s'il te plaît. C'était pour te protéger, je murmure. J'ai fait ça uniquement pour te protéger. Je pensais que tu t'en sortirais mieux si tu n'étais pas avec moi et que tu m'oublierais. J'avais tellement peur que tu sois à nouveau blessé à cause de moi, que tu finisses dans un lit d'opération à nouveau, que... je... (je me racle la gorge) te perdre pour de bon...

Je garde les yeux fixés au sol, de peur de lire à nouveau du dégoût, de la haine même si je sais à quel point il en est dans son droit. Mais au final, le silence est pire. Je relève les yeux. Il serre les dents et rejette sa tête en arrière, exaspéré.

- Tu peux pas être normal une minute ? Tu me rends fou ! Est-ce que je t'ai demandé de me protéger ? Non ! J'ai survécu pendant assez longtemps sans ton aide, merci ! Et tu pensais que ça me ferait du bien, en plus ? Tu ne vois pas que les cicatrices que je porte depuis petit commençaient à cicatriser avec toi ? Que je ne m'étais jamais sentie aussi en sécurité que dans tes bras ? Tu sais que tu as détruit tout ça en moins d'une seconde ? Tu le sais ?

Je secoue la tête. Il ne se rend pas compte. À quel point je peux lui faire mal. Il devrait pourtant être le mieux placé pour le savoir. Je l'ai fait souffrir comme j'ai jamais fait souffrir personne. Comment lui expliquer que rien ne me paraît rationnel, quand il est dans les parages ? Quand il est dans les parages, je m'en fous de ce à quoi il a déjà survécu, j'ai juste cet instinct déraisonné de le protéger, coûte que coûte. Qu'il est plus précieux que ma vie.

- Dans ces montagnes, tu as failli mourir à cause de moi. Ces jours entiers, quand tu étais au bloc... ce n'est pas ce que j'appelle « faire du bien »... je proteste.

Il plonge ses yeux dans les miens.

- C'est sans doute la seule chose de bien que j'ai pu faire dans ma vie, alors ne me l'enlève pas. Je veux pouvoir protéger ton corps avec le mien... c'est con, mais depuis que je t'ai rencontré, je te jure que j'ai l'impression que je dois te protéger, coûte que coûte.

Je lui attrape le poignet.

- Te rends-tu compte à quel point c'est compliqué pour moi de te maintenir en vie alors que tu essayes de me sauver ? Voilà exactement pourquoi je t'ai quittée !

- Et tu crois que ça a changé quelque chose ? Il lâche avec un rire amer. Je te déteste si fort, ça devrait être facile de te laisser foncer au casse-pipe. Ça devrait même être satisfaisant, en quelque sorte. Mais ça change rien au final. Chaque fois que je te vois à deux doigts de la mort, mon corps réagit tout seul, je ne pense pas. Je n'y arrive pas, Shari ! (Il se passe une main tremblante dans les cheveux.) C'est comme si tu étais le feu et que je me brûlais en voulant t'approcher, mais que j'étais incapable de m'arrêter... tu as apposé ta marque sur ma peau, j'arrive pas à m'en débarrasser. Ça me rend dingue, je te haïs un peu plus chaque jour à cause de ça. Je ne devrais pas te désirer alors que je te haïs !

Mon ventre remue d'une manière étrange, nouvelle. Sa voix baisse et tremble. Il secoue la tête rapidement. Ses sourcils se rassemblent en haut, sa tête relevée, ses paupières abaissées, ses lèvres entrouvertes, ses mèches qui vont dans le visage. Sa beauté me fige, comme si je n'osais plus respirer de peur de le profaner. C'est une œuvre à lui tout seul. Un monument de grâce, de puissance et de fragilité.

- Shari... j'ai qu'une envie, te blesser, te faire sentir ce que je sens chaque jour... oh, tu ne peux pas savoir comment je te haïs ! Il déclame d'une voix rauque en me fixant avec intensité.

Son regard fait bondir l'adrénaline dans mon corps. Je le sens dans sa voix, je le vois dans le feu brûlant de ses pupilles. Un acide se répand dans mes veines. Il m'hypnotise.

- Et pourtant... il murmure d'une voix encore plus rauque. J'ai envie de toi jour et nuit...

Sa déclaration projette un souffle fiévreux dans mon torse. Son regard m'épingle contre le mur. Mon souffle me semble sec et brûlant dans ma gorge. Ma respiration se trouble. Je suis incapable de détourner le regard. Mes doigts frôlent sa main, remontent sur son bras, touche doucement ses mâchoires.

Son bras s'enroule autour du mien, il me tire en arrière contre lui et m'embrasse intensément. Je hoquette, et mes mains se referment sur ses bras pour ne pas tomber. Ses lèvres se livrent à moi sans plus aucun obstacle, me donnant le pouvoir de les rejeter ou de les accepter, mais sa bouche sur la mienne est si naturelle que je ne peux que les accepter. Je rejette toutes les barrières, toutes les interdictions qui m'enchaînaient depuis si longtemps et je sens le barrage céder. L'eau jaillit dans la vallée et détruit tout sur son passage. Mes mains s'agrippent à ses cheveux et je l'embrasse profondément.

Un feu étourdissant coule dans mes veines alors qu'il m'attrape les hanches et m'attire rageusement plus près de lui. Ses mains épousent les courbes de mon corps, attisant mon désir là où il m'effleure de cette manière si légère et pourtant si éprouvante. Mes narines s'ouvrent en grand, aspirant plus d'air. Je halète. Son corps me fait des sensations trop fortes, trop intenses.

Je glisse mes bras autour de son cou et me presse contre lui. Ses muscles se tendent contre moi. Il m'agrippe plus fort, comme s'il allait tomber, et nos halètements résonnent comme des coups de tonnerre dans l'air. Je le serre encore plus pour le sentir vivant contre moi au moins autant que je me suis interdit de le toucher ces dernières semaines. Toute la frustration que j'ai accumulée déborde en moi. Mes mains descendent sur sa taille, explorant son corps avec l'émerveillement d'un minier qui touche un diamant. Sa peau, chaude et douce, me donne le tournis.

Il m'embrasse à en perdre le souffle, comme s'il voulait me communiquer sa haine, son amour, son incompréhension, et qu'il les partageait avec moi pour qu'il puisse l'oublier, que ces souvenirs soient détruits par les nouveaux. Son contact me bouleverse. Je serre mes jambes autour de sa taille pour lui faire savoir par leur pression à quel point je n'arrive plus à penser qu'à lui.

Il les attrape et m'amène dos contre le mur en me rendant mon baiser avec une fièvre qui me donne soudain le vertige. Nos mouvements remontent le tissu de nos tee-shirts et la peau nue de ses hanches vient caresser la mienne avec une sensualité qui me fait perdre la tête. Il lâche un son si vulnérable que je sens mon ventre s'embraser. J'emprisonne son visage dans mes mains et ne lui laisse aucun répit. Les ondulations de son ventre contre le mien me font perdre la tête. Son odeur me submerge, embrouille ma tête, accélère mon souffle et mon instinct me submerge.

Je ne veux plus qu'une chose : lui. Ses lèvres descendent sur ma gorge. Il embrasse mon cou, mes clavicules et je lâche un soupir alors que sa bouche descend encore, lentement.

Une porte claque et Analya et Keylan en sortent en courant.

- Shari ! Sha...

Ash s'immobilise. Les deux Cerfs s'arrêtent devant nous avec de gros yeux.

- Oh...

- Oui, euh, on va y aller !

- Hum... oui. Très bonne idée ! S'exclame Analya en faisant marche arrière.

Les serres du Corbeau - Double-âme [3]Where stories live. Discover now