Chapitre 35 :

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Un frottement contre moi. La noirceur autour de moi est chaude, moelleuse et confortable. J'ai du mal à la quitter. Je remue légèrement la tête.

- Hmmm...

Mon souffle, profond, me parvient en double. J'oublie cette impression, quand un corps bouge soudain contre moi et je me réveille d'un coup, avant de me rappeler où je suis. Je soupire, les muscles ankylosés, aveuglés par la lumière matinale qui tombe de la vitre du plafond.

Les paupières d'Ash s'agitent et il enfouit la tête contre mon ventre. Un frisson me traverse le torse et un élan de protection aussi intense que surprenant m'envahis la poitrine. Je rabats la couverture sur lui et referme mes bras autour de son dos. Je sens une sérénité et un bonheur totalement étranger à mon corps m'engloutis entièrement.

Je ferme les yeux et le serre plus fort contre moi. Il n'avait pas dû dormir beaucoup, car je me souviens vaguement m'être réveillée cette nuit pendant un cauchemar particulièrement vivace. Je lui avais caressé doucement les cheveux et mordillé la nuque, comme les lionnes devaient le faire avec lui quand il était petit. Cela avait marché, il s'était rapidement calmé et j'avais du me rendormir depuis. Je plisse les yeux. Vu la lumière, il est aux alentours de midi. Je soupire. La soif m'assèche la gorge. Je me tortille lentement pour sortir du lit, mais son bras se crispe contre moi. Je m'immobilise, puis soupire, me rallonge et me résigne à attendre.

Mes yeux se tournent vers son visage endormi et soudain, les doutes me plongent la tête dans l'eau. Comment pourrais-je m'éloigner de lui pendant trois ans ? Comment pourrais-je supporter la distance ? La déchirure dans ma poitrine pique. Elle s'ouvre jusque dans mon ventre et me donne l'impression de goûter à ma propre tristesse. Mes yeux parcourent du regard ses traits apaisés offerts à la lumière du soleil, les joues ecchymosées, le menton écorché, les yeux fermés, les lèvres entrouvertes. Mes mâchoires se serrent.

Il finit par se réveiller en fin d'après-midi, les cheveux en pagaille, les yeux endormis. Je souris. Il a l'air vraiment pas réveillé. D'habitude, il est toujours impeccable : les cheveux brillants, la peau lisse, les yeux alertent. Rien à voir avec les traces de la pliure des draps sur ses joues maintenant ou ses yeux à moitié ouverts. Mon cœur remonte dans ma gorge et j'ai l'impression d'être devenu exagérément sensible, mais il est très craquant, comme ça. Il bouge et lâche un grognement. Ses yeux se posent sur moi et il reste un instant immobile, puis ils regagnent petit à petit leur habituel lucidité d'esprit et s'ouvrent complètement.

- Shari... il souffle.

Je grogne et me détourne pour lui cacher ma soudaine chair de poule. Ses bras me retiennent.

- Je veux me réveiller chaque matin avec ton visage, il murmure à mon oreille.

Je détourne les yeux et me racle la gorge. La déchirure dans mon ventre brûle encore plus.

- Ne me pas des sottises. Tu devrais réserver ta salive et te reposer encore, tu dois penser à ton corps.

Il se redresse sur un coude et abaisse son regard sur moi.

- Pas question. Je gaspille mon temps avec toi en dormant.

Je roule sur le côté pour lui faire face et l'observe en silence. Ma main se lève. Je m'immobilise, le fixe, puis ramène sa mèche derrière son oreille.

- J'aime bien te voir dormir, je souffle.

Il fronce les sourcils.

- Quelle psychopathe.

Un sourire étire mes lèvres.

- Qui se ressemblent s'assemblent. Saches que j'ai l'intention de récidiver, tu es vraiment mignon quand tu dors...

Les serres du Corbeau - Double-âme [3]Where stories live. Discover now