Chapitre 5 :

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Une entrée sombre encadrée par des jarres portant des flammes est la première chose que j'aperçois du prétendu « hôtel ». Des écritures et des gravures complexes en un langage étrange, presque inhumain, courent en blanc sur les murs ébène du hall, comme chuchotant dans l'air.

- C'est du Lilith, la langue ancienne des Elfes, me chuchote Analya.

Une tête de Cerf est sculptée au fond du hall, ses yeux émeraude étincelant et sa bouche grande ouverte comme pour un brame silencieux. Ses bois forment la structure même du couloir et une entrée plonge dans sa bouche. J'ai l'impression d'être écrasé devant la présence majestueuse et imposante d'un temple. Dès que notre premier pas foule le sol, six personnes couvertes d'une cape grise à capuche nous arrêtent, leur visage caché dans l'ombre.

- Restez où vous êtes, ordonne une femme, la seule à avoir rabattu sa capuche.

Un tatouage orange foncé tribal traverse toute la partie droite de son visage, comme si des flammes mouvantes dansaient sur son visage. Ses yeux bleus polaires intransigeants ne souffrent d'aucune fissure et ne nous donnent pas d'autres choix que de s'exécuter. Elle fait un signe de main à ses hommes et chacun d'entre eux nous passe un bâton métallique derrière le dos. Ils portent tous des mitaines en cuir et des corsets pour les femmes ou cache-cœur en cuir pour les hommes sous leur cape. Des bottes de combat protègent leurs pieds et j'aperçois l'éclat métallique de nombreuses armes pendues à leur ceinture.

Les bâtons métalliques de Liban et Analya bipent dans le silence, mais les nôtres ne font aucun bruit. Sans que j'ai le temps de réagir, nous ne pouvons plus bouger. J'essaye d'émettre un son, de me dégager de cette emprise invisible, mais rien ne sort de ma gorge. Brusquement paniquée, j'observe impuissante la cheffe fondre sur nous avec une lueur prédatrice dans les yeux. Ma respiration s'emballe, seule chose qui semble encore marcher en moi. Je ne peux pas me défendre !

- Stop ! (Liban s'interpose entre nous et la cheffe, qui retrousse ses lèvres sur ses crocs en grondant, mais il plante son regard dans le sien et dit d'un ton sec :) Ils sont avec moi, relâchez-les.

- Aucun humain autre que les Pupilles ne peuvent entrer dans ce bâtiment, tu connais la loi, gronde la cheffe. Décale-toi, ou tu seras considéré comme complice.

Pupilles ? Je jette un coup d'œil pressé à Analya, mais elle est trop tendue pour me regarder. Le Hamu Cerf plisse les yeux sans la lâcher du regard.

- Ils sont sous la protection du Hamu des Cerfs (il insiste sur ces mots), ce qui veut dire qu'ils ont droit à l'anonymat. Je connais effectivement la loi.

- Sous ta protection ? (Elle fronce les sourcils et l'étudie.) Qu'est-ce que font deux humains sous ta protection ?

Il lui rend un sourire acéré.

- Si j'avais voulu que cela se sache, je ne les aurais pas placés sous anonymat.

Elle le fixe quelques secondes qui semblent figer le temps, puis elle se recule. Aussitôt, je me sens à nouveau libre de mes mouvements. Je porte ma main à ma ceinture, mais Liban m'attrape aussitôt les poignets à moi et Ash et son regard est intransigeant. Je serre les mâchoires, mais finis par décrisper lentement mes mains de mes fourreaux.

- Venez, et sa voix ne souffre d'aucun écart à cet ordre.

Analya les salue d'un hochement de tête et s'avance dans le hall. Nous la suivons en laissant les gardes derrière nous. Tendue de les avoir dans le dos, je jette un coup d'œil dans mon dos, mais m'aperçois qu'ils ont disparu.

- Tu la connais ? Je souffle en me penchant vers Liban. Et les autres gardes, c'était qui ? Qu'est-ce qu'ils nous ont fait ?

Il hoche la tête.

Les serres du Corbeau - Double-âme [3]Where stories live. Discover now