Chapitre 48 :

83 19 10
                                    

Deux hélicoptères atterrissent en soulevant des vagues de poussières au sol. Je me protège le visage d'un bras et crie au Yack qui me passe un blessé inconscient.

- Qui c'est ?

Il ramène ses cheveux en arrière en criant pour se faire entendre :

- Harry a lancé des appels à l'aide aux Hamus des Clans. Les Gibbons sont les premiers à avoir envoyé des secours, on dirait !

Des Alfars avec des cordes enroulés autour de leur torse sautent des deux véhicules aériens et se mettent aussitôt à se mettre au travail. Petit à petit, nous sommes rejoints par des délégations Renards, Ours, Lycaons et Lynx et l'incendie est éteint.

Leurs hélicoptères se mettent à la disposition des blessés les plus sérieux qui sont évacués dans le Pavillon le plus près, celui des Antilopes. J'essuie mon front trempé et jette un coup d'œil aux coupures qui me picotent avant de repartir aider. Nous allons rester sur place jusqu'à ce que toute trace de notre existence soit effacé. Les blessés sont déplacés au bunker, où ils sont pris en charge par l'équipe médicale et ceux assez valides pour rester debout participent au nettoyage.

Il faut supprimer tout résidu pouvant être compromettants, des dossiers aux disques durs et puces informatiques contenant des fichiers sensibles, sans parler de la pièce des missions qu'il faut entièrement vider du matériel. Des Serpents sont envoyés à l'intérieur des ruines pour leur souplesse qui leur permet de se faufiler dans des endroits même les plus étroits et les Lynx les guide grâce à leur vision aiguisé.

Nous récupérons tout le matériel qui reste dans l'infirmerie et la faisons sauter. Nous mettons feu aux débris pour s'assurer qu'aucune empreinte digitale ne pourra être prélevée sur ce qu'il en reste et nous campons à l'extérieur en instaurant une garde de nuit.

Le soir, je rejoins Kaïcha dans sa tente pour manger. Julia lui a appliqué une crème verdâtre sur le flanc et son avant-bras est entièrement bandé. Elle ne peut plus le bouger, alors je la fais manger cuillère par cuillère.

Je reprends les travaux le lendemain, avant le lever de soleil, quand il fait encore frais. Nous avons dormi toute la nuit avec le masque à cause des émanations toxiques dans l'air qui pénètrent même dans les tentes de couchage et je commence à avoir des marques rouges sur le front. Nous nettoyons étage après étage tous les documents sensibles et objets qui n'ont pas été détruits pour les récupérer et les mettre en lieu sûr. Quand je trouve un peu de temps, je passe aussi voir Ash qui a catégoriquement refusé de quitter les lieux à bord des hélicoptères de soins. Quand j'entre dans la petite chambre du bunker, les deux Chamois à son bord ne cillent même pas. Je suis une habituée.

Ils sortent, c'est le moment de prendre leur pause et je m'approche. Ash est réveillé. Je m'approche de lui et inspire son odeur. J'effleure sur son torse les fils fraîchement cousus çà et là. Il garde un silence glacial, la tête tournée à moitié dans l'ombre, l'expression si distante qu'il qu'un mur gigantesque s'est écrasé entre nous.

Je me mords la lèvre. Je sais qu'à chaque fois qu'il me voit, il voit les lèvres de Sahan sur les miennes. Qu'est-ce qu'il lui a pris de m'embrasser ? Il ne m'aime pas ! Je peux le jurer, il n'y a jamais eu une once de romance entre le Coyote et moi. Jamais l'idée ne m'aurait même traversé l'esprit. Il me faisait rire, on déconnait ensemble. Ça me faisait du bien d'avoir sa simplicité et sa bonne humeur alors que j'avais l'impression que rien n'allait. Un ami. Qu'est-ce qu'il s'est passé pour qu'il m'embrasse d'un coup ?

Je m'assois à côté de lui. Je trace d'un doigt le contour de sa mâchoire. C'est la seule chose que je suis autorisée à faire. Ash fronce les sourcils, le corps tendu dans la direction contraire. Une veine noire pulse dans mon cœur. Sahan a tout détruit. La confiance qu'on avait. Le lien qui le guérissait après ce qu'il lui ont fait... avant l'attaque, on pensait que bientôt, il pourrait sortir de son lit, maintenant il va falloir attendre au moins une semaine. Temps qu'on n'a pas.

Les serres du Corbeau - Double-âme [3]Where stories live. Discover now