2. Maquillage (1/2) - réécrit

19.4K 1.8K 147
                                    




– Génial, tu es tombée sur une jalouse maladive ! On peut dire une psychopathe, non ?

Comme la plupart des personnes à qui j'en avais parlé, mon petit frère prenait la demande de ma cliente pour un caprice gonflé.

– Elle est gratinée, celle-là ! Bonjour les emmerdes ! avait-il ajouté.

Et pourtant, Léo s'était proposé pour me trouver un maquilleur bénévole. Mon petit frère n'a de « petit » que sa hiérarchie au sein de la famille car c'était une grande brindille qui me menait dans les couloirs de l'université. J'étais de huit ans son aînée et il me dépassait d'une bonne tête, alors que j'étais déjà grande « pour une fille » (constat que l'on m'avait souvent fait et qui m'avait toujours agacé).

Mon frère passait sa licence dans le Département Histoire mais il avait ses « contacts » dans celui des Arts qui se trouvait sur le même campus.

– En profite pas pour mater, se moqua Léo en passant près d'une salle de danse.

Effectivement, à travers la porte vitrée, j'eus le temps d'apercevoir des étudiants suffoquer après un dernier pas sur le What About Us de Pink. Mais mon frère ne me laissa pas le temps de reluquer la marchandise de danseurs torse nu, à mon grand regret. L'un d'eux ressemblait à Nick Lachey, un chanteur pop dont j'aurais bien fait mon quatre-heures quand j'étais lycéenne.

Le couloir où se trouvaient les loges des maquilleurs et artistes en herbe était bondé. Quelques élèves me détaillèrent du regard. J'aurais aimé savoir s'ils me prenaient pour une prof ou si je pouvais encore donner l'illusion d'être une jeune étudiante. Mais il me suffit d'un coup d'œil sur mon tailleur pour avoir ma réponse. Du coup, j'étais peinarde. Les gros lourdauds frustrés qui vous sifflaient dans les couloirs et à qui vous rêviez de broyer les baloches dans un mixeur rouillé, j'en avais eu ma dose pendant mes études.

Léo s'était arrêté devant une porte d'atelier.

– Marion ? héla-t-il en frappant.

Il n'attendit pas de réponse pour ouvrir. Une jeune étudiante, que je supposais être ladite Marion, s'entraînait sur un modèle vivant.

– Amanda, c'est bien ça ? demanda-t-elle sans tourner la tête en terminant un effet d'ombre sur la tempe du jeune élève.

– Bonjour.

Je remarquai tout de suite son assurance. Loin d'être impressionnée par ma tenue professionnelle et mon âge plus avancé, la maquilleuse précisa d'emblée :

– Comme je disais à Léo, je suis partante pour m'occuper de toi gratos, à condition que tu acceptes d'apparaître sur mon book professionnel et sur mes pages Facebook et Instagram.

Je pris place sur une chaise à côté d'elle. La môme pouvait se permettre un écart de politesse et des exigences ; elle était tellement douée.

– Je trouve ça normal, il n'y a pas de problème. Par contre, sans m'identifier. Je ne veux pas que ça interfère avec mon entreprise, également présente sur les réseaux sociaux.

Je me gardais de préciser : « au risque aussi d'être reconnue par le fiancé dont je dois me cacher ». Heureusement que j'avais eu la jugeote de ne pas apparaître sur ma page Wedding Wedding.

– Je peux vous rémunérer quatre-cents euros pour vos services.

Elle me regarda enfin dans les yeux.

– C'est très gentil, dit-elle avec sincérité. Je suis surprise, j'avais compris que c'était bénévole.

C'était l'idée, mais je m'étais rendu compte que j'allais demander un vrai travail à cette étudiante, et que le surplus donné par Chloé Desneiges me permettait de la rémunérer. J'étais la première à pester contre l'exploitation des stagiaires et étudiants, alors je n'allais pas devenir comme ceux que je critiquais.

– J'ai la chance d'avoir les moyens de vous payer un peu et j'attends de vous un travail de professionnel, c'est donc normal.

Marion demanda à son modèle d'aller dans la pièce réservée aux photographes. Elle en avait terminé avec son maquillage. Honnêtement c'était très réussi. L'illusion d'une matière enveloppant les traits de son visage était saisissante. L'élève quitta les lieux pour se faire tirer le portrait et Léo le suivit pour aller en cours, maintenant qu'il me savait entre de bonnes mains.

– J'ai hâte de voir ce qu'elle va faire de toi ! Tu m'envoies une photo !

– Mais oui. Merci Léo.

La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant