25. Le dernier souvenir (3/3)

7.5K 927 255
                                    


J'étais de retour à Paris. Miaou me fit grande fête en se frottant contre mes jambes et manqua de me faire tomber. Je l'étouffai de baisers et il finit par prendre le large. Qu'importe, je l'aurais plus tard en l'appâtant avec un sachet de pâtée Whiskas.

Je restai dans mon canapé, avec mon manteau et mon sac sur les genoux. Puis je me rendis compte qu'il était un peu plus lourd alors je l'ouvris.

Parmi les boites de maquillage, le faux nez et les pinceaux se trouvait un téléphone en forme de hamburger. C'était le fameux Burger Phone, que je m'étais empressée d'acheter au Virgin Mégastore de Dijon après avoir vu le film Juno. Ma mère l'avait glissé dans le sac avec un mot : « Nouveau smartphone pour nous appeler de temps en temps, au cas où le tien ne marche plus ».

Je ris de cette blague, imaginant la tête de ma mère. Puis mon rire se transforma en un demi sanglot. Miaou choisit ce moment-là pour venir poser sa tête sur mon bras en ronronnant.

Les jours suivants, je me lançai dans une course effrénée pour terminer les derniers préparatifs du mariage. Je ne répondais plus au téléphone, ne sortais plus le soir.

Les journées étaient rythmées par mes appels avec les prestataires, les vérifications de chaque élément, les réceptions d'envois au Domaine des Anges, et les trois derniers rendez-vous avec Chloé et Dimitri.

Tout était en ordre, les vêtements, les réponses des invités, le déroulé de la journée.

Mais après deux semaines à vivre comme une nonne et à travailler, j'avais eu le temps de ressasser encore et encore toute l'histoire.

Et je commençai à me dire que Dimitri avait peut-être attendu de moi quelque chose lors de notre escapade.

Tout ce qu'il m'avait confié semblait indiqué que son amour pour Chloé n'était plus. Ses doutes, cette pression qu'il ressentait, son air triste et ses préoccupations au travail... Dimitri rêvait d'une certaine liberté, c'était ce que je me disais.

Et lorsque mes idées étaient plus professionnelles, je me voyais piégée. Que viendrait-il à penser si sa propre organisatrice de mariage lui conseillait de rompre par ce qu'elle s'imaginait qu'il n'en avait pas envie.

De quel droit pouvais-je briser ce mariage ? Pouvais-je risquer de mettre en faillite mon entreprise ?

Alors à d'autres moments, je l'envoyais mentalement au diable. Cet adulte grand, beau et fort pouvait très bien tout envoyer paître si vraiment il ne voulait pas de ce mariage. Et je maudissais tout mon être, cette Amanda coincée dans son enfance.

Comme disait Dimitri, « nous étions des mômes ». Et cela en devenait ridicule. Le mieux, c'était de me protéger, honorer mon contrat et les oublier pour toujours.

Le dernier rendez-vous fut court. Chloé n'arrêtait pas de bécoter Dimitri, qui bien sûr ne la repoussait pas. C'était écœurant.

Puis, la fiancée se confia :

– Je suis absolument stressée, c'est normal, hein ?

– Oui.

– Pour le vendredi, je ne sais pas quoi répondre à ma mère, pour ma « mise en beauté ».

Voilà  qu'elle se croyait dans une émission de Cristina Cordula.

Je lui conseillai de ne pas accepter sa mère dans la même pièce, compte tenu de leurs rapports tendus, Chloé était déjà suffisamment stressée comme ça.

Avant de nous quitter, elle me dit :

– Bon, et bien voilà. La prochaine fois que nous nous verrons, ce sera au Domaine des Anges. Je n'arrive pas à croire que c'est la semaine prochaine. Priez pour le beau temps se maintienne.

A Nice, à cette période, il y a de fortes chances pour qu'il fasse beau...

– Je vous avais dit que ça passerait vite.

– Merci encore, Amanda, vous avez géré toute l'organisation d'une main de maître.

– Attendez la fin de la cérémonie pour me  dire ça.

Nous nous embrassâmes. Puis elle déclara, d'une voix chantante :

– On a suivi vos conseils ! Dis-lui, Dimitri !

– J'ai réservé un week-end au Spa Chanel du Ritz, déclara-t-il. Ça va nous faire du bien, on va se retrouver, se détendre...

Elle lui lança un regard qui criait : « Je veux ton corps ! ».

– Ah ... c'est bien, répondis-je.

Et ils s'en allèrent, bras dessus bras dessous.

La boule dans ma gorge grossit encore. Je n'avais rien à faire de la fin de semaine, pas envie de sortir. Je m'enfouis sous les couvertures sans me déshabiller dès que je rentrai.

Je ne sus combien de temps plus tard, on frappa à ma porte. Plusieurs tentatives à l'interphone n'avaient rien donné. Les démarcheurs, je les envoyais bouler.

On frappa encore, puis je reconnus la voix de Laura :

– Amanda ?!

Elle enclencha et la porte s'ouvrit. Depuis deux jours, je n'avais pas fermé à clé.

Je fixai l'encadrement de ma porte de chambre. Trois femmes attachantes vinrent le franchir, l'air paniqué : Laura, Anne et Marion.

Inquiètes de ne plus avoir de nouvelles, elles avaient décidé de venir me trouver chez moi, ensemble, craignant le pire. Mais maintenant, face à moi, à mes larmes qui coulaient, elles restèrent silencieuses.

Anne fut la première à s'approcher, elle s'assit sur le bord du lit et caressa mon front dans une tentative d'apaisement. Je fermai les yeux, ça me fit du bien mais augmenta mes sanglots. Laura et Marion avancèrent aussi, ma meilleure amie s'allongea à côté de moi, et Marion posa sa main sur la mienne.

Je m'abandonnai, et mes trois fées me consolèrent sans un mot, juste par des gestes tendres et leur présence bienveillante.

Le barrage avait cédé.




Notes à moi-même :

1. Brancher mon Burger Phone.

2. Ecouter Anyone Else But You des Moldy Peaches.

3. Récupérer mon tailleur pour le mariage.

4. Prendre des cours de self-control.



La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant