14. Intraitable (2/3)

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Nous étions installés dans une prestigieuse cave parisienne. Pendant qu'un célèbre chef étoilé terminait le dressage de ses plats pour la dégustation, j'avais proposé à Chloé et Dimitri d'aborder les questions de l'animation et de la musique prévues au Domaine des Anges.

Les spasmes de mon estomac n'auguraient rien de bon. La fraîcheur sous les voûtes de pierre n'empêchait pas mes bouffées de chaleur.

– Un orchestre, je ne vois rien d'autre qu'un orchestre, répéta la future mariée. Violons, piano, la totale ! Vous notez, Amanda ?

– Bien sûr, voulez-vous également un chanteur ou une chanteuse ?

– Non, répondit Dimitri.

– Oh bah si ! trancha Chloé. Un chanteur à la voix grave qui sache interpréter aussi bien des morceaux de jazz que des airs d'opéra.

Il capitula sans broncher.

– D'accord. Je vais essayer de vous trouver ça cette semaine. Avez-vous une playlist à soumettre ?

– Oui, je vous transmets la liste immédiatement.

Chloé faisait défiler les pages sur son smartphone.

– Voilà, je vous l'ai envoyée par mail.

Les vibrations dans ma poche confirmèrent la bonne réception.

– Pour occuper les enfants, ajoutai-je, il y aura deux animateurs avec les poneys. Et un stand-de barbe-à-papa.

Chloé pinça les lèvres puis déclara :

– Non, ce n'est pas une bonne idée. Ils vont en mettre partout.

– Oh, allez ! Ça les amusera ! tenta Dimitri.

Elle expliqua :

– Leurs doigts collants sur les nappes, les poignées de portes... non.

Je proposai donc :

– Un stand de jeu alors ? Un chamboule-tout ? Loin des poneys pour ne pas les effrayer.

– Parfait.

On nous indiqua que la table de dégustation était prête.

– J'en salive d'avance ! s'enchantait Dimitri.

Je rangeai ma tablette. Nous nous dirigeâmes vers le buffet où le chef attendait patiemment. Mises en bouche, entrées et plats succulents coloraient la table. En temps normal, je n'aurais pas tardé à brandir ma fourchette mais l'appétit n'y était vraiment pas. Heureusement que je n'étais pas obligée de déguster, c'était aux mariés de s'y mettre. Sûrement l'une des tâches les plus sympas.

– Mademoiselle Desneiges, Monsieur Grévois, selon vos souhaits voici trois propositions de menus pour votre bel événement. Garanti sans allergènes et avec une variante végétarienne.

Je m'amusai de sa rime (mentalement cela va de soi).

Le chef annonça au couple ses plats aux noms si appétissants. Les intitulés donnaient l'impression que l'on allait participer à un voyage culinaire hors du commun. Visuellement, chaque recette était soignée. Elles respectaient une autre contrainte que j'avais proposée : l'omniprésence du blanc, couleur classe et symbolique. Chloé avait applaudi la proposition.

Je m'écartai un peu pendant qu'ils goûtaient les entrées. Ma nausée s'était réveillée avec les odeurs.

Je songeai à Dimitri. Il s'était comporté avec moi le plus naturellement du monde, aucun coup d'œil ou signe complice pour rappeler notre cours de danse caché.

Je n'eus pas plus le temps de profiter de la vue de son postérieur penché car autre chose vint m'enquiquiner : l'humidité de la cave. Je retins deux éternuements en crispant tous mes muscles faciaux, même ma mère ne m'aurait pas reconnue. Que se passerait-il si mon nez atterrissait dans la soupe aux truffes ?!

Chloé leva la tête. Je savais qu'elle vérifiait si mon maquillage tenait bon.

– A vos souhaits, dit-elle, aussi rassurée que moi.

– Vous êtes un peu pâle, Amanda, déclara Dimitri en s'approchant.

– Non, non, ça va, répondis-je en reculant de peur qu'il vienne jusqu'à prendre ma température en posant sa main sur mon front.

– Dimitri, goûte moi ça ! s'extasiait Chloé en tirant sur sa manche pour faire diversion. Amanda aussi !

Chloé la conne était de retour. Elle voyait bien que je n'étais pas dans mon état normal. Pourquoi ne voulait-elle pas me foutre la paix ?

– Non ça va, merci.

Les deux amoureux roucoulèrent en savourant des ravioles infusées de menthe et garnies de langoustines avec une crème légère. Puis les noix de Saint-Jacques et le dos de cabillaud avec légumes en émulsion eurent leur approbation. Le chef leur servit les vins qui allaient les accompagner.

– Oh vous devez goûter ça, Amanda.

J'acceptai bon gré, mal gré. Les accords étaient succulents. Chaque produit était mis en valeur, chaque saveur des plats, que ce fut les aliments ou les sauces, venaient se dévoiler au palais une à une sans aucun besoin qu'on vienne y ajouter un seul grain de sel.

Mais la délicatesse du banquet ne s'arrêterait pas là puisque les assiettes de porcelaine fines et les verres qui viendraient porter les créations culinaires allaient être réalisés exprès pour l'occasion.

Je fermai un instant les yeux, la nausée l'emportait et je réprimai un haut-le-cœur. Le chef nous emmena ensuite dans la salle à côté. M'éloigner de la nourriture fut bénéfique. Il voulait nous montrer le symbole ultime du mariage. Sur un chariot, il souleva le voile qui recouvrait sa pièce montée.

– Wouah... murmura Chloé.

La cerise sur la pièce montée (édité)Where stories live. Discover now