20. Malédiction (1/3)

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Ainsi Dimitri n'avait pas caché à Chloé notre rencontre. Il lui avait dit qu'il était tombé par hasard sur une ancienne connaissance du collège, qu'ils avaient discuté mais que trop pressée par le temps, elle avait dû partir.

Chloé s'était retenue pour ne pas trahir sa surprise lorsqu'elle lui avait demandé comment s'appelait cette connaissance. Elle n'avait dû rien comprendre. Je me demandai bien ce qu'elle avait prétexté pour s'enfuir et débarquer chez moi, dans mon appart (elle s'était débrouillée pour trouver mon adresse).

Ce rebondissement dans l'histoire montrait quand même que Dimitri était de bonne foi. La transparence et l'honnêteté n'étaient pas les premiers qualificatifs qui me venaient en tête pour parler des infidèles. 

Cependant, parler de connaissance était exagéré. Clairement, si je croisai dans la rue des élèves de 4ème ou 3ème à qui je n'ai presque jamais adressé la parole, je passerai mon chemin. De plus, j'étais certaine que beaucoup d'entre eux pourraient passer devant moi sans que je les reconnaisse.

Alors dans tout ça, autant vous dire que mes nerfs ne pouvaient se calmer. Dimitri était ma malédiction.

Dans moins de deux mois, il se marierait avec Chloé. Connaissait-il cependant son vrai visage ?

Après le 23 juin, je couperai les ponts avec ce couple si étrange. Alors je reformai cette muraille autour de mon cœur et m'investis uniquement dans les préparatifs.


Devenue parano avec cette histoire de déguisement rocambolesque, je pris rendez-vous chez le coiffeur. Je me disais que tout ce qui pouvait éloigner Dimitri d'Amanda Laracello serait bon. Alors j'optai pour un carré peu soigné, tout simple, qui n'avait plus rien à voir avec la chevelure qu'il avait vu. Et lorsque je retrouvai mon faux-nez pour les rendez-vous, je revêtis des vêtements sans forme ni couleur. Heureusement que j'avais déjà fait une partie de mes preuves auprès d'eux, je faisais très négligée pour le coup.

C'était la semaine où l'enterrement de vie de jeune fille de Chloé et de vie de garçon de Dimitri allaient avoir lieu. Je trouvais bien de rencontrer les témoins des mariés la veille de leur journée.

Cette partie-là n'était nullement gérée par moi. Je ne savais pas du tout ce que leurs amis avaient prévu pour les deux tourtereaux. Mais que les témoins se libèrent pour ce dernier rendez-vous d'avril montraient d'une part qu'ils s'investissaient vraiment pour les fiancés, et permettait aussi de calibrer le déroulement de la cérémonie.

Gwenn était la meilleure amie de Chloé. Enfin, elle se présenta comme telle. Jusque-là, Chloé ne l'avait mentionné qu'une fois. Et bien sûr, Yohann était le témoin de Dimitri. Je le savais d'avance, mais cela ne m'empêcha pas de stresser. Lui aussi connaissait Amanda la collégienne, et s'il me découvrait à travers le maquillage ?

Nous avions convenus de nous rencontrer chez eux, le vendredi. Et tout se passait bien. Ce qui jouait en ma faveur, c'était l'éclairage tamisé de la pièce. Le temps était si sombre que la nuit semblait déjà tomber. Le week-end s'annonçait pluvieux.

– Heureusement que nous serons en intérieur ! avait laisser échapper Yohann.

– Tiens, premier indice, dit Dimitri.

Chloé essaya de savoir si Gwenn avait aussi prévue une journée à l'intérieur mais son amie ne divulgua aucune information. Par contre elle était stressée quant au déroulement de la cérémonie :

– Je vais devoir faire un discours ? Et je signe avant ou après Yohann pour le contrat de mariage ?

Je la rassurai et lui expliquai qu'elle pouvait se décider au dernier moment si elle voulait lire un texte. Aucun n'était obligé de prendre la parole, ni pendant la cérémonie, ni pendant le repas de noces. Cependant, s'ils voulaient le faire, il fallait m'en informer pour que je le cale dans le fil conducteur de la journée, même si c'était à l'insu des mariés.

Notre entrevue passa plus vite que je ne le pensais. Se retrouver à cinq, avec deux nouvelles personnes, donna un nouveau souffle à l'ambiance. Chloé et Dimitri étaient tous deux d'humeurs excellentes, même plus attentionnés l'un envers l'autre.

Les deux essayaient de faire lâcher le morceau à son témoin respectif.

Je m'en allai me servir un verre d'eau. Yohann me fit sursauter lorsqu'il surgit derrière-moi :

– Alors, tu ne veux rien me dire ? demanda-t-il en chuchotant pour ne pas être entendu des autres.

Fallait bien que ça arrive... A jouer avec le feu...

– A propos de... ? demandai-je, résolue à le mettre dans la confidence.

– Du lieu des noces.

J'espérai qu'il interpréterait mon expiration pour de l'agacement plutôt que du soulagement. Ma couverture était encore intacte.

– Non, je ne peux rien dire, affirmai-je avec légèreté.

– Mince, j'aurais essayé.

– Et toi, où emmènes-tu Dimitri pour son enterrement de vie de garçon ?

– Je ne peux rien te dire, dit-il avant de me lancer un clin d'œil et repartir s'asseoir.

– Yohann, tu dragueras le jour du mariage, t'es intenable ! le chambra Dimitri.

Je repartais de chez eux en taxi. Maintenant je savais qu'à chacun de ces rendez-vous, j'allais rentrer démoralisée. Dimitri n'avait presque pas parlé avec moi, il avait oublié l'épisode du cours de danse, et n'avait même pas raconté à son pote Yohann qu'il avait recroisé Amanda Laracello, du collège de Manèves. Je n'avais aucun moyen de savoir s'il avait tenté de joindre le faux numéro que je lui avais donné.

Samedi soir, c'était soirée chez Laura et Anne avec Marion. Ça ne pouvait mieux tomber pour me changer les idées.

La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant