24. Le papier (5/5)

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Nous nous dirigeâmes vers le gymnase, déjà préparées à l'ambiance d'un bal, donc stressées pour des raisons bien différentes que celles de la première fois.

Plus nous nous approchions, plus la musique s'élevait. Il faisait chaud, les vêtements étaient légers. Etre en robe était extrêmement agréable. Le ballet des voitures déposant les élèves sur le parking ne s'arrêtait pas. Chaque fois que nous reconnaissions quelqu'un de la classe, nous le félicitions de loin. Plusieurs gars de la classe nous sifflèrent.

A l'intérieur, l'amas de ballons bleus et blancs suspendus derrière un filet au plafond attira notre attention. Le principal fit un discours très bref pour annoncer l'ouverture du bal. Les ballons furent lâchés et tous les élèves se ruèrent sur la piste de danse, pour les attraper.

Moi, j'avais aperçu Dimitri. Entouré de son éternel groupe d'amis, il portait une chemise blanche avec cravate noire. Il était assez loin, nous étions séparés par une vingtaine de danseurs et de ballons mais instinctivement je reculai.

– Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Laura.

– J'ai changé d'avis.

Tiphaine me retint par le bras.

– Minute papillon, tu te rappelles ce que je t'ai dit sur les mecs ?

– Je n'y arriverai pas.

– Ecoute, laisse-moi t'aider. Dimitri et moi sommes restés en bons termes. Laisse-moi te prouver mon amitié.

Tiphaine était rarement calme et posée. Mais là elle nous regardait sincèrement, jouait les amies matures, désirant endosser cette responsabilité. Je vérifiai si Laura pensait comme moi.

– Ce sera moins solennel, plus festif, je lui dirai comme ça, en passant.

– Bon d'accord, cédai-je. Dis-lui juste que je lui ai laissé un mot dans le poteau de basket du square.

– C'est promis. D'abord une danse, les filles. Faut s'amuser un peu, ce sont nos derniers jours ensemble ! Et les épreuves sont terminées !

– Oui, allez, Amanda ! Le collège, ce sera bientôt du passé !

Contrairement à moi, Laura avait hâte d'aller au lycée.

Nous rîmes toutes les trois pendant des danses ridicules. Quelques professeurs vinrent plaisanter avec nous. Mais Tiphaine les envoyait promener gentiment, et ça nous faisait rire.

Et puis soudain, elle estima que ce fut le bon moment, comme j'étais « enfin détendue du slip » selon ses termes :

– J'y vais.

– Oh, merde ! pestai-je en la voyant s'éloigner dans sa robe moulante vers le groupe de Dimitri qui restait à boire devant le buffet.

– Fais mine de rien, conseilla Laura, danse !

Je la suivais dans un rythme saccadé, ma respiration toujours plus rapide. Mes yeux ne quittèrent pas Tiphaine. Elle venait de le rejoindre. Elle se pencha à son oreille.

– Laura, ça y est...

Tiphaine me lança un clin d'œil et leva son pouce. Dimitri venait de regarder dans ma direction.

– Oh, merde !! dis-je en m'enfuyant comme si j'allais me faire dessus.

Impossible de rester plus longtemps dans la même pièce que lui maintenant qu'il savait mon intérêt, même s'il n'avait pas encore lu le mot.

Laura me suivit. Nous rentrâmes à pied jusque chez moi.

Mon père surpris de nous revoir si tôt et inquiet que deux jeunes filles soient rentrées seules à pied, la ramena chez elle.

Et moi j'étais rentrée complètement chamboulée et heureuse, pleine d'espoir sur la suite, avec la hâte de le retrouver peut-être le lendemain. Sa présence au cinéma, je l'espérai, j'y croyais, et la nuit et la matinée d'attente allaient être très longues, je le savais.

J'arrêtai là les confidences avec ma mère. Elle avait tout écouté avec attention. Le four sonna pour marquer la fin de la cuisson. Nous avions passé presque deux heures à parler.

– Je comprends mieux ton état en rentrant. Et alors ? Ensuite ?

– Rien, c'est tout. Nous n'avons pas eu l'occasion de nous revoir. Parce que le lendemain, c'était le jour où les cousins ont débarqué par surprise. Je n'ai pas pu le prévenir. Et ensuite, les vacances d'été ont commencé, puis le lycée, enfin, perdus de vue, quoi...

– Pourquoi tu ne nous a rien dit ? C'est pour ça que tu avais pleuré pour rien quand ton oncle a chahuté avec toi ?

– Je ne savais pas que je pourrais vous dire : je rejoins un garçon au cinéma. J'étais sûre que tu ne comprendrais pas. Et tu savais que Laura était absente, je n'avais pas réussi à trouver d'autre alibi. Et les cousins n'étaient pas venus depuis trois ans...J'ai compté sur la suite, sur la remise du diplôme.

Je me gardais cependant bien de dévoiler toute l'affaire du mariage de Dimitri, du déguisement et de sa déclaration devant la photographie du voyage londonien. Ma mère m'aurait sermonné. Il y avait des choses que je devais garder secrètes. Des choses que je savais et que je n'étais pas prête à entendre.

Je les aurais déçus, j'en étais convaincue. Il valait mieux laisser là cette conversation, ma mère était chaleureuse, touchée par cette conversation intime.

Le lendemain matin, j'enlaçai mes parents une dernière fois avant de reprendre la route. Mon père me dit :

– Tu as bien meilleure mine que lorsque tu es arrivée. Viens nous rejoindre au bord de la mer en juillet.

J'acceptai sans hésiter et repris la route. En passant devant le square, mon téléphone vibra. Comme j'avais envie de voir une dernière fois le collège et ce sans la présence de Dimitri, je fis un dernier arrêt.

Comble de l'ironie, c'était lui qui m'appelait. Je décrochais, tout en marchant devant le paysage de mon enfance.

– Bonjour Dimitri.

– Bonjour Amanda, bien rentrée ?

– Je m'apprêtais à prendre la route en fait.

– D'accord. Je voulais juste vous remercier encore de vive voix. Je pense que cette échappée m'a fait un bien fou. Je suis rentré au bon moment, Chloé est dans tous ses états. A moins de quatre semaines du mariage, je tiens pour deux.

– Il n'y a pas de quoi.

– Bonne route et à bientôt.

– Merci.

Je raccrochai. Sans m'en rendre compte j'avais marché jusqu'au fameux panier de basket. Machinalement mes doigts avaient retrouvé l'interstice où j'avais dissimulé le mot destiné à Dimitri.

Mon sang battait dans mes tempes tandis que je dépliai le billet. Le papier bleu était décoloré, l'écriture effacée, mais la preuve était bel et bien là.

Tiphaine ne lui avait jamais parlé du mot.





Notes à moi-même :

1. Rentrer chez moi. Faire un bain. Aller chez le masseur.

2. Me rappeler que ce n'est pas moi la mariée.

3. Trouver qui est ce p***** de lutin de m**** qui se fout de ma gueule depuis le début !!!

La cerise sur la pièce montée (édité)Where stories live. Discover now