30. Arrête de parler aux étoiles (3/5)

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Je terminai mon footing du matin, montai un peu le volume de mes écouteurs. Le sublime Landscapes de Talos était parfait pour reprendre mon souffle. Je m'étirai rapidement puis enlevai mes baskets et chaussettes.

Que c'était agréable, cette sensation d'herbe sous mes pieds nus, ça me rappelait l'enfance. Les adultes continuent de marcher sur le bord de mer déchaussé, mais ils sont plus rares à le faire dans l'herbe. Peut-être est-ce plus sale, plus inconnu ? Que se cache-t-il sous les brins ? Des insectes, ou pire ? L'insouciance nous a quittés. Alors revenir sur l'herbe, pieds nus, c'était en partie un retour à l'enfance.

Tout comme ces vacances finalement, à l'âge où certains de mes amis partent en couple, et même avec leurs enfants, voilà que je revivais une tranche de vie de mes étés adolescents. Revenir à moi, à celle que j'étais, c'était pas plus mal, peut-être même vital. C'était une évidence lorsque j'avais appelé mes parents le lendemain du mariage.

En journée, je laissais mon téléphone dans la chambre, une vraie déconnexion. J'avais même terminé par le mettre en mode avion puis ne l'utilisais que pour prendre des photographies. Léo nous avait seulement rejoints pour les deux dernières semaines d'août car il bossait jusque-là pour payer sa dernière année d'étude, et son futur loyer.

Je rejoignis les dunes et profitai d'un moment, seule à observer la danse des vagues et de l'écume. Voilà des semaines que je n'avais pas mis de maquillage. Mes cheveux épaissis par le sel s'emmêlaient en boucles, je les laissai repousser.

J'étais enfin sans fard, moi-même. Je le voyais dans le regard de ma mère chaque fois qu'elle plongeait ses yeux dans les miens, ou lorsqu'elle caressait ma main ou ma joue au passage.

Je posai mon front sur mon bras. Il sentait encore la noix de coco de ma crème solaire. J'entendais le chant des cigales. J'étais bien.

Si bien que je me plongeai dans un moment de réflexion intense.

Quelle ne fut pas ma surprise lorsqu'une voix derrière moi se fit entendre :

– Bonjour, Amanda.

Il était là.

Je me relevai d'un coup et lui fit face. Dimitri gardait ses mains dans les poches de son short, il m'observait avec un demi-sourire. Je me retins de ne pas m'attarder sur les muscles de ses jambes et de ses bras découverts. Lui aussi était bronzé et le soleil avait éclairci ses cheveux désordonnés. Ses yeux n'étaient que plus bleus, son sourire que plus blanc. Sa barbe qui poussait avait des reflets roux.

Sublime. Tu m'étonnes que la banquise fondait à vue d'œil avec un mec comme ça sur Terre !

– Mais, comment tu m'as trouvée ? demandai-je, étonnée.

Il s'approcha.

– Grâce à Laura.

Bien sûr, qui d'autre ?

– Tu as fait tout ce chemin, pour me voir ?

– Non, je prends des vacances.

– Ah...

– Tu vas bien ?

– C'est toi qui me pose la question ?

– Je m'excuse pour ce que je t'ai dit, ce soir-là.

– Non, ne t'excuse pas.

– On s'assoie ?

Je me reposai sur la dune en essayant de dompter ma crinière, en vain.

– Laura m'a tout raconté.

– Je suis désolée pour...

– Amanda, j'ai compris que tu n'avais jamais dit à Chloé que nous nous connaissions, enfin du moins jusqu'à ce que je lui dise que nous nous étions croisés dans Paris. J'ai compris qu'elle t'avait piégée comme moi, sauf que pour toi, l'humiliation a duré une éternité. Il m'a fallu du temps. Mais je sais que tout comme moi, tu étais victime de sa folie.

Je respirai plus fort, soulagée. J'aurais voulu répondre quelque chose d'intelligent, de profond, quelque chose qui fasse glisser la conversation sur mes sentiments, maintenant que j'étais redevenue moi-même, devant lui.

Mais j'entendis la chaîne d'un vélo qui ralentissait. C'était ma mère.

– Amanda ? Je te cherchais, on va bientôt passer à table. Oh, bonjour, monsieur.

– Maman, je te présente Dimitri.

– Ah ! Ah, oui, d'accord...

Nous ne relevâmes.

– Bonjour, madame Laracello.

Il lui serra la main.

– Vous voulez manger avec nous ? Il y en a pour dix.

J'espérai fort qu'il accepte, même si cela pouvait être bizarre, de manger en compagnie des parents, et de mon frère, maintenant qu'en plus ils connaissaient toute l'affaire. Mais j'étais incroyablement reconnaissante envers ma mère, plus que ça, je me rendis compte à quel point je l'aimais, elle, et mon père, bien entendu.

– Avec plaisir, dit-il.

Mes émotions s'étaient réveillées. Ils étaient revenus, ces papillons tourbillonnants au creux de mon ventre.

– Laissez-moi vous aider, dit-il en prenant le filet d'abricots du panier de son vélo qui menaçait de déborder.

– Merci.

Nous repartîmes tous les trois vers le bungalow en longeant le chemin côté plage. Ma mère parlait avec Dimitri du temps resplendissant et de ce coin de paradis. Je suivis derrière, et ne manquai pas de lorgner la silhouette du bel homme devant moi. Je m'attardai un peu trop sur ses fesses musclées, si bien que Dimitri m'aperçut en train de le reluquer sans complexe, et me lança un sourire à enflammer le cœur des plus insensibles. Je rougis, et son œil devint plus rieur que jamais.

La cerise sur la pièce montée (édité)Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang