25. Le dernier souvenir (1/3)

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J'aurais dû le voir arriver à des kilomètres. Ma naïveté n'avait décidément pas de limite. Comment avais-je pu croire un seul instant que Tiphaine-la-vérole allait m'aider ?

Qu'avait-elle bien pu lui raconter ?

Je remontai en voiture, j'avais les pattes sciées. Étais-je triste, en colère ou désabusée ? Difficile à dire sur le moment, mais j'étais sous le choc, c'était certain.

Mon téléphone sonna encore. C'était ma mère. Quand je lui répondis, elle s'étonna de m'entendre et me dit qu'elle pensait me laisser un message vocal et espérait que je ne répondais pas lorsque je conduisais.

– Mais non, maman. Je voulais voir mon ancien collège, je suis sur le parking du stade.

– Bien. C'était pour te dire que tu avais oublié ton sac.

Je repassai donc vite fait par la maison. Il y avait quand même tout le maquillage et le désormais célèbre faux nez. Ma mère se tenait dehors, avec le sac en question.

– Je ne descends pas, dis-je par la vitre baissée et sans éteindre le moteur.

Mais elle s'avançait déjà pour me le tendre. Je l'envoyai sur la banquette arrière.

– Ma chérie, tu sais, tu n'as pas besoin de tout ça. Tu es plus jolie au naturel.

– Merci du conseil, maman.

Elle m'embrassa une dernière fois, mon père me fit un signe de la main de la terrasse où il lisait son journal et j'enclenchai la marche arrière avant un dernier coup de klaxon.

Je quittai Manèves le cœur serré. Comme si mes émotions n'avaient déjà pas été assez malmenées comme ça, j'étais déchirée entre ces jours passés à me ressourcer auprès de mes parents et la stupeur face à cette révélation.

Pendant le trajet, j'eus le temps d'analyser ces derniers mois. J'étais sortie de ma zone de confort, ça c'était clair. Sortie de ma vie paisible et dynamique à la fois. Et puis cette poisse qui s'accrochait à moi comme une sangsue !

Étions-nous des âmes sœurs maudites ? Combien d'autres comme nous n'arrivaient pas à entrer en collision ? Devaient-elles se résigner à laisser passer l'amour ?

Le problème, malgré le mariage, c'était que je ne pouvais plus m'enlever de la tête le fait que si Tiphaine ne lui avait rien dit, alors il ne s'était pas rendu au cinéma, ni n'avait pensé que je lui avais posé un lapin. Alors cela donnait forcément une nouvelle perspective aux choses.

Ainsi, alors que l'autoroute défilait, je me remémorai la cérémonie de remise de diplôme du brevet.

Comme prévu, toute la classe l'avait obtenu. Parents et professeurs s'enthousiasmaient deux fois plus que nous. C'était touchant. L'ambiance était à la fête, et ce premier jour de juillet était étouffant. Moi je n'avais qu'une idée en tête : aller voir Dimitri pour expliquer mon absence au rendez-vous.

Tous les élèves de troisième, accompagnés de leurs parents, se dirigeaient vers le lac, derrière le bâtiment principal. Nous n'avions ni robe, ni chapeau du parfait diplômé américain, simplement nos vêtements habituels (et heureusement). Une grande estrade avait été installée en face de la colline, on pouvait déjà y voir notre principal, son adjoint et la CPE qui discutaient devant le pupitre.

Dans cette ambiance et ce contexte, le collège n'avait plus rien d'impressionnant. Ma rentrée angoissante en sixième était à des années-lumière et l'aura menaçante de l'autorité professorale évanouie dans la nature.

Des centaines de chaises formaient un carré parfait juste en face. Chacune était réservée pour les élèves, ses accompagnants ou les professeurs. Ainsi tout le monde pouvait s'asseoir mais quelques mères se levaient déjà pour se rapprocher de l'estrade, appareil photo en main pour immortaliser le passage de leur progéniture victorieuse.

La fanfare du lycée, composée des professeurs de musique, et des élèves de tous niveaux jouaient pour faire patienter tout le monde.

Laura était à plusieurs rangées de moi, nous nous fîmes signe de loin. Tiphaine était plus proche, je la présentai à mes parents et mon frère. Léo s'en fichait royalement et manipulait un tamagotchi.

Je voulais m'entretenir avec Tiphaine, à l'abri des oreilles indiscrètes. 

Mais, la cérémonie commença. J'écoutai le discours du principal. Bien que préoccupée, ses mots me touchèrent. Il parlait de la fin d'un cycle, et le début d'un autre qui commencerait en septembre. Nous avions tous été affectés dans des lycées différents, en tout cas pour les élèves qui m'intéressaient. Je réalisai vraiment que je passais les dernières heures en tant que collégienne, les dernières heures avec ceux qui avaient partagé ma vie pendant quatre ans, les dernières heures avec ma classe, peut-être les dernières heures avec Dimitri...

Mais tous les autres élèves semblaient s'en fiche, ils étaient excités, certains se faisaient des blagues, beaucoup avait hâte d'en finir.

De plus, l'effet de la chaleur, l'effet aussi des vacances qui allaient enfin commencer et que beaucoup attendaient avec hâte après une année épuisante ne rendait pas les parents plus dociles que leurs enfants dissipés.

Mes yeux scannèrent les chaises, mais je n'avais pas de visibilité partout. Où était donc mon Dimitri ?

La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant