22. Des souvenirs de Londres (1/4)

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J'étais devenue insupportable. Les jours qui suivirent, je fus d'une humeur massacrante. Heureusement que je bossais seule, car le moindre individu dans mon champ de vision en aurait pris pour son grade. Je pestai plusieurs fois contre Miaou qui venait me déranger ou faire des bêtises que j'ignorais d'habitude.

J'essayai de prendre sur moi en présence des autres. Mais ce mariage prenait tellement de place... Contrairement aux précédents, j'étais trop impliquée émotionnellement. Ce qui m'énervait, c'était ce sentiment de régression. Je n'arrivais plus à gérer mon hypersensibilité, l'Amanda forte et volontaire me paraissait s'être enfuie quelque part. Dans le jardin des Desneiges-Grévois, peut-être.

Je me morfondais chez moi, je ne pouvais m'empêcher de me plaindre auprès de mes amies, pour évacuer. Je rêvais du mariage aussi.

Je voyais de moins en moins Marion. Elle s'épanouissait pendant son stage mais il lui prenait beaucoup plus de temps que ses cours. Alors elle m'a appris à me maquiller moi-même. Le résultat n'était pas parfait, mais très suffisant pour pouvoir le faire seule si vraiment Marion ne pouvait pas me voir avant un rendez-vous. Heureusement que je l'avais regardé faire à chaque fois.

J'invitais Laura et Anne un vendredi soir. Pour la dixième fois, je me plaignais de la situation, ajoutant encore un nouvel épisode.

– Excuse-moi, mais, cette histoire de prénoms... tu penses qu'elle est enceinte ?

– Non, je le saurai. La robe, rappelai-je comme une évidence. Après, c'est cohérent que ce soit dans leurs projets, bougonnai-je.

Puis je passais plusieurs minutes à me trouver tous les défauts du monde, à geindre sans sentir que le vent tournait.

En effet, Laura s'énerva sans prévenir, comme si elle lâchait les vannes :

– Bon, Amande, tu sais que je t'aime, mais là ça commence à bien faire !

Anne et moi stoppâmes toutes deux nos gestes, comme stupéfiées. Je fis tomber mon toast sur le tapis, comme prise en faute. Miaou se jeta dessus.

– Je suis vraiment désolée pour toi. Ce mariage, cette affaire, je vois bien que t'es de plus en plus mal, et ça je ne le veux pas ! Hors de question ! Secoue-toi !

Je me soûlais moi-même avec mes jérémiades, mais ce que je voulais c'était uniquement son soutien, elle qui connaissait vraiment tout sur mon béguin pour Dimitri...

Sans arrêter de respirer, elle balança d'une traite :

– T'es pas conne, t'es belle à voir, tu as réussi à monter ta boite toute seule, à faire que ce projet marche, tu es indépendante, tu es en bonne santé, tu as un toit sur la tête ! Merde, y'en a que pour toi en ce moment. Mais ta vie comporte déjà beaucoup ! J'inclurais même ma propre personne, ainsi qu'Anne pour l'amitié forte que nous entretenons ! Tu pourrais avoir plein d'autres hommes, des vrais, pas des fantasmes d'adolescentes, pas des fiancés que tu es censée aider à se rendre à l'autel. Sors un peu de ta coquille ! Bon sang, y'en a qui rêverait d'être à ta place. Okay, tout ça c'est dur, les sentiments c'est con, les premières amours sont compliquées, mais c'est aussi ça être adulte ! Je m'excuse d'être aussi brutale, mais je tiens à toi et je me dois de te dire que tu dois ouvrir les yeux ! Un gros FUCK à Chloé et Dimitri et passe à autre chose !

N'y tenant plus, elle se leva pour prendre son manteau. Elle revint en attrapant son verre et sortir un dernier :

– Merde !

Evidemment j'étais d'accord avec ce qu'elle me disait. Laura savait toujours quand il était temps de me mettre un bon coup de savate au cul. Mais j'étais quand même sonnée par sa virulence.

– Je vais fumer ! décréta-t-elle en se rendant sur mon balcon.

Signe que Laura était stressée... Elle ne fumait que très rarement et en général, ce n'était pas bon signe.

– Excuse-là, me dit Anne.

J'avais bien compris qu'elle était mal, j'étais juste trop égocentrique ces derniers temps pour m'intéresser à elle. Laura était la zénitude et la joie incarnée. Je demandai :

– Anne, dis-moi ce qu'il se passe.

– Des soucis avec l'adoption.

Je savais qu'elles s'apprêtaient à adopter un enfant, mais j'ignorais que la procédure avait été lancée.

– Oh...

– La routine, rien d'anormal, c'est juste très long, ça lui demande beaucoup d'énergie... Nous... Enfin, nous sommes un peu à fleur de peau depuis la semaine dernière.

Toutes ces choses-là, il y a encore moins de quatre mois, Laura m'en aurait parlé, longtemps. Nous étions là depuis toujours l'une pour l'autre, à tour de rôle. Mais là, malgré toute la vérité dans mes sentiments, malgré la douleur de cet amour contrarié, le problème de maternité de ma meilleure amie devait être ma priorité.

Je n'allais pas pleurer. Plus pleurer du tout. Même pas face à cet aveu, ça aurait été indécent. Je me levai pour la rejoindre sur mon mini balcon.

La cerise sur la pièce montée (édité)Where stories live. Discover now