3. Les gens sont cons (1/2)

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Les gens sont cons. Si, si, les gens sont cons. Ce n'est pas la découverte du millénaire mais aujourd'hui en une demi-heure de transport en commun, j'ai eu le temps de m'en rendre compte. Alors d'accord, ce n'est pas une nouveauté, j'ai toujours eu du mal à Paris, entre les harceleurs, les colériques, les pressés ou les je-m'en-fous-de-brailler-au-téléphone mais là c'est une autre forme de connerie.

Comment ne l'avais-je pas remarqué avant ? Est-ce un hasard ou non ? Pire encore : est-ce que je suis comme eux ? Mon énervement vient peut-être aussi de là.

Je m'explique. Dans mes vêtements sans forme et accoutrée de mon faux nez, j'ai bien remarqué la différence flagrante d'attitude. Ce matin était bien différent des autres. Fini la galanterie et les sourires. Il n'y avait personne pour me tenir la porte en entrant dans la station, personne pour appuyer sur le bouton et retarder le métro alors que je courais comme une dératée pour ne pas le louper, personne pour me laisser sa place assise dans le suivant alors que j'étais chargée comme un bourriquet et le « bonjour » du barista au Starbucks était beaucoup moins chaleureux.

Je rectifie : les hommes sont cons.

Roooh puis ça m'énerve parce que je sais qu'ils ne sont pas tous comme ça. N'est-ce pas ? 

Bref, je terminais mon vanille latte et suais déjà à grosses gouttes dans mon tartan beaucoup trop chaud que j'avais eu la flemme d'enlever. Je pouvais me voir dans le mur tout en miroir en face de moi : quel portrait magnifique ! Un vrai test pour jauger l'estime de soi.

Une heure plus tôt, j'étais quand même bien plus présentable en sortant de chez Marion. Elle n'était pas du matin, et moi non plus, alors un premier café s'imposait. Si la séance maquillage avait été bien silencieuse au début, mieux réveillées ensuite, nous avons commencé à nous amuser et je me suis prise au jeu : j'avais hâte de voir à quoi je ressemblais. Mais maintenant, avachie dans ma doudoune sur le canapé du Starbucks, l'effet était bien parti. Ma queue de cheval faisait triste mine, toute en brindilles emmêlées, j'étais essoufflée comme un bœuf, et j'avais peur de perdre mon nez avec la sueur.

Du coup je n'osais pas le toucher. Ce qui enclencha la fameuse sensation de démangeaison et maintenant je résistais à l'envie de gratter mon vrai nez. Ce qui était impossible, il était si bien dissimulé sous son costume. Et je n'aurais pas pu le recoller.

Pas d'inquiétude Chloé Desneiges, je ne risque vraiment plus de passer pour ta rivale ! En voilà une qui sera contente au moins.

Mon téléphone vibra. C'était ma cliente qui m'informait de son retard. J'avais couru pour rien. Je décidais de mettre ce temps à profit pour mieux ranger mes notes, préparer mentalement ce que j'allais présenter au couple et aussi me recoiffer tout de même.

Trente minutes plus tard, je me présentais à la réception d'un restaurant chic.

– Bonjour mademoiselle, que puis-je faire pour vous ?

Contrairement à ce que je m'étais attendu en entrant dans ce bâtiment très select et après l'expérience « transparence » dans les transports en commun, le réceptionniste était chaleureux et serviable. Il aurait pu jeter un regard sur ma tenue débraillée (j'avais encore couru, je m'étais fait piéger par le temps) mais il n'en fit rien.

– Bonjour monsieur, je cherche Mademoiselle Desneiges.

Il consulta son registre.

– Elle est arrivée. Je vous en prie, dit-il en me laissant pénétrer dans le salon.

La cerise sur la pièce montée (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant