8. Salade niçoise (2/3)

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Le propriétaire avait eu l'amabilité de nous faire servir des sandwichs. Pas le jambon-beurre du commun des mortels, bien sûr, c'était des sandwichs de riches servis sur un plateau d'argent.

Je pus ensuite compléter mon repérage. La propriété était très grande. Le manoir principal où nous nous trouvions comptait une vingtaines de pièces dont la grande salle pour la réception avec un espace de bal grandiose. A l'étage se trouvaient les chambres et les salles de bain pour ceux qui allaient dormir sur place.

Je proposai à Chloé et Dimitri d'installer le vin d'honneur à l'extérieur et leur expliquait qu'il faudrait monter un barnum sur la pelouse. Un abri sophistiqué et décoré qui se fondraient parfaitement dans cet écrin.

– Nous pourrions embaucher un cuisinier spécialiste des pierrades. J'en connais un qui maîtrise les cuissons des fruits de mer à la perfection. Il les réalise devant les convives et en fait des bouchées apéritives délicieuses. C'est un succès à chaque fois.

– J'adore l'idée ! intervint Dimitri.

Ce qu'il aimait, je le savais, c'était l'esprit « barbecue ». Dimitri était devenu riche grâce à son travail, c'était un enfant de la classe moyenne. Alors je devinais qu'il ne devait pas toujours se reconnaître dans les codes des hommes riches et qu'il était tout à fait du genre à se contenter d'un bout de merguez sur le grill, pour se rapprocher des gens desquels il prétendait être « resté proche ».

Chloé approuva l'idée, elle semblait ravie de le voir impliqué. Pourtant ça ne dura pas si longtemps, le téléphone pro de Dimitri sonna sans cesse à partir de là. Il s'absentait toujours en s'excusant en plein milieu d'une conversation sur la décoration du buffet, le nombre de bougies sur les tables, le choix du traiteur...

– En cas de pluie, ou de vent, que ferons-nous ?

– Tout ce que je prévois pourra être maintenu quoi qu'il arrive, j'aurai toujours une solution de repli.

Chloé sourit mais se massa les tempes.

– Est-ce que ça va ? demandai-je.

– J'ai peu dormi et je commence à avoir mal à la tête. Allons marcher un peu, Amanda.

Marion s'en alla prendre des photos de la salle de réception et des cuisines. Je suivais Chloé dans le jardin. Nous marchâmes en silence quelques minutes. La piscine à débordement semblait presque figée tant la surface était plane. La vue sur la mer était si romantique. Deux paons se baladaient dans le parc, des cygnes glissaient sur le lac scintillant. Un vrai coin de paradis.

– Tout se passe bien, Amanda ?

Je compris qu'elle parlait de mon accoutrement.

– Oui, répondis-je.

Elle resta silencieuse un instant. Nous passions tout près d'un kiosque en bois blanc que j'imaginai déjà agrémenter de quelques fleurs, rubans de perles et de lumières lorsqu'elle déclara :

– Je... Je commence à me demander ce qui m'a pris.

Chloé Desneiges était enfin gênée, mal à l'aise et... humaine face à sa requête.

– C'est que... enfin... Je ne sais pas, je m'en veux. Si vous voulez, vous pouvez enlever tout ça. Je ne sais pas ce que je dirai à Dimitri...

Là, mon trouillomètre monta en flèche. Ce déguisement, maintenant, c'était ma protection. La vraie Amanda ne pourrait pas se charger du mariage, Chloé se rendrait compte de mes sentiments, j'étais sûre. Je bottais en touche :

– Il risque de ne pas comprendre.

– Je sais. Ma jalousie a déjà failli le faire partir. Oh, Amanda, je ne veux pas le perdre, je l'aime tellement.

Elle commença à sangloter. Je la consolais.

– Ne vous inquiétez pas, Chloé. Je vais jouer le jeu jusqu'au bout. Vous n'aurez rien à lui expliquer et je disparaîtrai après le mariage.

Elle se moucha. Son soulagement (et le mien) fut immédiat.

– Vous êtes une perle. Je vous promets que nous vous traiterons comme une reine. De toute façon vous méritez votre réputation, je n'ai rien à redire jusque-là, vous comblez nos espérances.

Notre pacte scellé pour la deuxième fois, nous repartîmes vers le manoir. L'air était frais, mais sans vent, et le soleil inondait nos visages. Dimitri, toujours au téléphone, me sourit de toutes ses dents en guise d'excuse lorsque je passai près de lui.

J'étais bien.

La cerise sur la pièce montée (édité)Where stories live. Discover now