15. Sur-mesure (4/4)

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Ne voulant pas alarmer Dimitri, je rappelai directement sans lui demander si elle avait aussi essayé de le joindre.

Elle décrocha à peine à la deuxième sonnerie :

– Oui, Amanda !

– Bonjour Chloé, j'ai vu que vous aviez appelé...

– Oui, bonjour. Tout se passe bien ? J'ai essayé le portable de Dimitri mais il ne répond pas !

Elle avait l'air anxieux, sa voix était plus aiguë.

– Oui, pourquoi ?

– Bien, et ... il fait quoi ?

– Nous terminons les essayages, il se change.

– Vous êtes où ?

Quel curieux comportement. Je me demandai bien ce qu'elle n'avait pas compris.

– Euh, je vous ai dit : nous terminons les essayages, chez...

– Oui j'ai compris, mais vous, vous êtes où ? Vous me dites qu'il se change, mais vous ?

Elle prenait un ton plus léger, presque en riant, comme si elle reprenait un simple échange de banalités.

– J'attends dans le salon.

Que s'imaginait-elle ? Que j'étais avec lui dans la cabine ?!

– Bien, bon, pardon de vous avoir dérangé, je raccroche, à plus tard.

Chloé flippait vraiment. J'avais eu une nouvelle preuve de sa jalousie. Lorsque Dimitri sortit, il me demanda ce qu'elle voulait. Ayant plus ou moins compris, du propre aveu de ma cliente, que Dimitri avait failli partir à cause de ce défaut, je répondis :

– Oh, j'ai appelé pour confirmer son rendez-vous chez le coiffeur, puis j'en ai profité pour dire que vous aviez terminé les essayages.

Je sentis qu'il ne me croyait qu'à moitié, mais il ne fit aucune remarque et nous quittâmes les lieux.

Il avait revêtu son costard gris de banquier distingué. Nous marchions côte à côte, j'allai rejoindre Laura dans le quartier en contrebas et Dimitri voulait marcher un peu, un rayon de soleil s'infiltrait à travers les nuages et il faisait doux.

– Ça va mieux le boulot ? demandai-je.

Il soupira :

– C'est pas encore ça, mais on tend vers le mieux. Dites, vous voulez bien faire quelque chose pour moi ? Gardez ce paquet.

Il me tendit ses dernières cigarettes en tordant le carton.

– J'ai plus simple, répondis-je en l'envoyant dans une poubelle.

– Panier ! dit-il. Tiens, j'adorais le basket quand j'étais petit.

– Je sais.

– Ah bon ?

Merde. Merde. Merde.

– Chloé l'avait mentionné, feins-je l'air de rien.

– Ah. Je ne savais même plus si je lui en avais parlé.

– J'avais compris que vous étiez ensemble depuis longtemps, pourtant.

– Depuis le lycée, oui. Mais je n'ai joué au basket qu'au collège. Après mes programmes de sport n'en comportaient pas, puis mes études dans la finance m'ont enlevé du temps pour faire du sport.

Je voulais alors lui demander d'où il tenait cette silhouette musclée, mais d'une il aurait pris conscience que je l'avais remarqué, deux ça aurait sonné comme de la flatterie, voire de la drague. Enfin je tournai ma question autrement :

– Vous n'avez plus du tout le temps pour faire une activité ?

– Les sports collectifs ou en salle, non. Mais je cours et je fais un peu de muscu. Des moments indispensables pour me vider la tête. Et mes parents, qui sont fermiers, n'ont jamais voulu de mon argent pour cesser leur activité, alors ça me permet de suivre encore lorsque je rentre les voir pour les aider dans les tâches physiques.

Une averse soudaine se déclencha sans aucun signe annonciateur. Je levai mon sac au-dessus de ma tête, même si Marion m'avait assurée que le maquillage était waterproof, je préférai ne pas tenter le diable. Dimitri me prit par le bras et m'aida à courir, il n'y avait aucun abri à moins de cinquante mètres dans cette longue artère.

La dernière fois que j'avais pris une saucée pareille, c'était un soir d'orage chez mes parents. Mais j'étais restée exprès sur les gouttes, adorant l'effet sur mon visage.

Nous arrivâmes essoufflés sous une marquise à l'entrée d'un hôtel. Dimitri riait aussi. Par transparence, je pouvais voir la peau du haut de son torse sous sa chemise. Ses mèches sombres d'eau descendaient sur son front, les gouttes soulignaient sa mâchoire et ses lèvres pleines.

Mais c'est d'un cliché !

J'étais moins trempée que lui, en tout cas au niveau du visage. Pourtant, la manière dont il me regardait me fit peur quelques secondes. Machinalement, je vérifiai que mon nez était bien en place, faisant mine de m'essuyer.

– C'est marrant, dit-il, vous me faites vraiment penser à quelqu'un mais impossible de trouver à qui.

Je déglutis, et répétai comme lui :

– Ah, oui c'est marrant. Une actrice peut-être ? Choisissez-en une bien, s'il vous plaît.

Mon ton désinvolte l'amusa. La pluie martelait encore le sol, un taxi déposa des clients à la réception. Je m'écartai pour les laisser passer. Puis je dis :

– Je vous laisse, à la semaine prochaine, Dimitri.

Et sans prendre le temps de savoir s'il avait aussi besoin de partager mon taxi, je sautai à l'arrière et donnai l'indication au chauffeur.

Un dernier regard pour lui ne m'aida pas à repousser mon attraction. Pourtant, il le fallait.





Notes à moi-même :

1. Montrer à Laura, Anne et Marion la vidéo postée sur Youtube.

2. Essayer de faire parler Chloé. Que voulait-elle me dire ?

3. Trouver comment faire pour préserver mon identité à Dimitri.   

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D'après mes prévisions, nous arrivons déjà à la moitié de l'histoire... :)

Bienvenue aux nouveaux lecteurs !

La cerise sur la pièce montée (édité)Where stories live. Discover now