23. Retour au pays (2/3)

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Nous remontâmes en voiture. Il restait moins d'une heure de route. Dimitri contemplait le ciel aux rares nuages dorés par la lumière solaire. Il se confia, sans quitter le paysage des yeux :

– J'ai rencontré Chloé en seconde. Nous étions dans la même classe.

Bien entendu, je ne pus m'empêcher de comparer. Sa future femme, il l'avait rencontrée moins d'un an après être sorti de ma vie.

– C'est beau, mentis-je, ça fait longtemps.

– Nous étions des mômes.

Il souriait.

– Ça a été très vite entre nous. Je suis fier de dire qu'elle a été ma seule partenaire... j'ai l'impression d'écrire le brouillon de mon discours.

– C'est un bon début.

Je me raclai la gorge, fronçai les sourcils avec insistance, prétextant chercher mon chemin alors que je savais très bien où aller, c'était simplement pour me donner de la contenance. Mais Dimitri ne pouvait pas savoir qu'il me faisait du mal, c'était moi la fautive, la menteuse, la cachée.

– Nous étions des mômes... répéta-t-il.

Pourquoi cette phrase résonna en moi différemment ? Comme s'il parlait de nous ?

Manèves ne tarda pas à apparaître au détour d'une colline.

– C'est beau, n'est-ce pas ? demanda-t-il.

Dimitri ne pouvait deviner que nous partagions la même émotion. Voir le haut clocher de l'église se découper devant la colline, les premières maisons de pierre et de brique et le lac devant la mairie réchauffa mon âme.

Nous revenions.

Nous...

– Et maintenant ? demandai-je.

– Je vais aller chez mes parents, mais allons vous réserver une chambre avant.

– Je me débrouillerai.

– Ah non ! J'insiste pour...

– Je me débrouillerai.

– Je suis navré, j'aurais bien proposé à mes parents de vous faire dormir mais compte-tenu des circonstances, je leur demanderais de mentir aussi et ...

– Je comprends, répondis-je sèchement.

– Je suis devenu tout ce que je déteste... Excusez-moi.

– Dimitri, vous n'allez pas bien, et vous êtes au bord de la déprime. Arrêtez de vous excuser. Alors, où habitent vos parents ?

Il me sourit, touché.

– Merci. Si un jour vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas, n'hésitez jamais.

– C'est entendu. Alors ?

Le feu était passé au vert et j'attendais toujours.

– Prenez à gauche.

Mais au rond-point suivant, il ordonna :

– Attendez ! Faites demi-tour s'il vous plaît. Par-là.

Heureusement que nous étions la seule voiture.

Je savais où il voulait aller. Quelques minutes plus tard, je roulai sur un grand parking, vide.

– C'était mon collège, expliqua-t-il.

A cette heure-ci, il était désert. Le bâtiment était hors de vue de tous, caché par les collines.

– Venez avec moi.

– Qu'est-ce que vous faites ?

– Je veux entrer.

– Quoi ? N'importe quoi. Les alarmes, vous connaissez ?

– Il y a peut-être un moyen.

Il contourna le portail et commença à longer le mur de la cantine. Il se dirigeait vers le stade.

– C'était un secret bien gardé, expliqua-t-il.

Tout au bout de la piste, une partie du grillage était dissimulée par une haie abondante. Il s'engouffra derrière.

– Suivez-moi.

Je frôlai la haie en prenant soin de ne pas perdre mon nez.

Mais qu'est-ce que je fous là !

– Regardez !

Il y avait une maigre ouverture, le poteau du grillage n'allait pas jusqu'au bout.

– Personne ne s'en est rendu compte depuis tant d'années ?

– Invisible des deux côtés, même après élagage.

– Vérifier les clôtures devrait être obligatoire.

Nous nous surprîmes à sourire, grisés par ce geste illégal. J'entrai avec lui dans le stade.

La cerise sur la pièce montée (édité)Where stories live. Discover now