Draco et l'après-guerre

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Voilà un an que la guerre était terminée, un an que les morts étaient gravés au feutre indélébile dans les cœurs de chaque famille sorcière, un an que survivaient les esprits meurtris, un an que chacun tentait de revivre à sa manière, des petits vendeurs du chemin de traverse jusqu'aux elfes de maison.

Tous avaient retrouvé une certaine stabilité, au fil des mois qui couraient, ils avaient su trouver le réconfort auprès des proches qu'il leur restait, plus soudés que jamais après avoir survécu à cette épreuve ensemble.

Un seul cœur meurtri demandait encore réparation, un élève n'avait jamais su se remettre de ce qu'il s'était passé, il était l'un de ceux que l'on considérait responsable de toutes ces morts, ceux dont la maison était profanée, ceux qui jamais ne sauraient obtenir de travail au ministère de la magie à la seule raison d'un couteux « j'étais présent, à la bataille de Poudlard. »

Il était l'unique membre de la maison de Salazar Serpentard à avoir osé retourner au château, redoublant sa septième année, volée par les restes d'une guerre qui avait su détruire jusqu'aux efforts des professeurs à être tolérants vis-à-vis de chaque maison. Quelle importance y avait-il à défendre Serpentard, lorsque cette maison n'accueillait pour unique élève qu'un assassin ? Tous le pensaient, tous osaient le dire. Parce que c'était aussi ça, les restes de la guerre, une haine viscérale, intempestive, une haine dévastatrice envers chaque personne qui pouvait – ne serait-ce qu'un minimum – porter le chapeau des actes que Voldemort avait à tout jamais enterré dans sa tombe.

Chaque personne présente dans le château était persuadée que Draco était le même, qu'il l'avait toujours été. Dès sa première année, il avait été cet arrogant élevé dans les principes de la pureté du sang et des valeurs de Voldemort, il ne s'en était jamais caché. Les années étaient passées mais qui aurait tenté d'observer un quelconque changement de comportement chez un garçon qui semblait pourri jusqu'à la moelle ? Harry Potter avait raison de haïr Draco Malfoy : il était un partisan de Voldemort, l'un des seuls à ne pas croupir à Azkaban. Une grande partie du château criait à l'injustice, rêvant d'une vengeance à l'égard de l'ancien prince des Serpentard, la moitié des élèves, incluant la totalité des Gryffondor, avait déjà relevé ce « problème », chacun se demandant pourquoi Harry avait témoigné en la faveur de Draco et sa mère, mais préférant considérer cet acte comme une énième preuve de sa bonté naïve, plutôt qu'une raison de laisser une – aussi infirme puisse-t-elle être –, chance au garçon de se racheter.

Parfois, Draco aurait voulu hurler. Il voulait crier sur chacun des professeurs de cette école prônant une supposé tolérance qu'il ne voyait pas, il aurait voulu secouer de toutes ses forces le moindre élève qui se permettait de proférer des insultes sur son chemin, comme ils le faisaient tous.

Aux nombreux « vil serpent, qui mériterait un aller-simple pour Azkaban au lieu de se prélasser à la plus grande école de sorcellerie d'Ecosse, comme s'il n'était pas la cause de toutes nos pertes. » il aurait aimé arracher ses souvenirs de son esprit, et les refiler à ceux qui parlaient d'un sujet qu'ils ignoraient.

Ô combien il aurait aimé montrer au monde entier ce qu'il avait été, lorsque Voldemort était encore au pouvoir. Ô combien il aurait apprécié ne serait-ce qu'une once de pitié – sentiment qu'il exécrait – apparaître sur le visage d'un des pauvres imbécile qui le critiquait, en apercevant les tortures qu'il subissait, chaque fois qu'il refusait d'achever de sang-froid un né-moldu, comme le lui ordonnait si souvent le seigneur des ténèbres. Comme il aurait aimé qu'ils ressentent chaque coup de canne que lui avait fait subir son père, lorsqu'il n'obéissait pas sagement aux ordres du maître. Les entendre gémir sous les sorts de Bellatrix Lestrange, lorsqu'ils échouaient une nouvelle fois à empêcher leur tante de pénétrer leur esprit. Les regarder observer leur propre mère en train de se faire torturer par l'homme qu'ils étaient censés vénérer, et rire sous la contrainte, un sanglot dans leur voix brisée, qu'ils feraient passer pour une quinte de toux, sous le regard toujours plus dément de Bellatrix.

Ils ne savaient pas, et Draco ignorait si ce sentiment d'injustice qui régnait en lui était égoïste, ou parfaitement légitime. Il savait qu'il serait toujours vu comme l'assassin, désormais. Que plus jamais, quelqu'un ne serait en mesure de comprendre ce qu'il ressentait, lorsque lui-même était perdu entre regrets et remords.

Et s'ils ignoraient tant de choses, c'était probablement parce que Draco ne parlait jamais. Il taisait chaque sentiment qui le traversait, de peur de n'être après ça plus jamais vu que comme l'assassin qui avait réagi trop tard.

Au début, il avait tenté de répondre. Quand les Gryffondor s'amusaient à tenter de corrompre chaque maison, essayant de réunir le plus de personnes possibles pour se liguer contre le garçon, il avait réagi. Il n'aurait pas dû. Un Malfoy ne s'expliquait jamais, il avait enfin compris pourquoi. Lorsqu'il avait exprimé ne pas avoir eu le choix, ils lui avait ri au nez.

« On a toujours le choix. »

Peut-être avaient-ils raison, nous avions toujours le choix.

Draco avait alors pris la décision d'accepter d'être vu comme le mangemort qui n'avait pas eu la peine qu'il méritait, et avait cessé de se défendre. Voilà pourquoi ils ignoraient, ils ne lui avait pas laissé l'occasion de parler. Désormais, lorsque Draco passait devant l'un d'eux, il gardait la tête droite, le regard fixe.

Plus jamais il n'avait baissé la tête.

Mais si quelqu'un l'avait regardé comme il fallait, il aurait aperçu la douleur qui régnait dans son regard.

C'était au-delà de tout sentiment, au-delà des larmes et au-delà des remords. C'était une plaie béante, un gouffre sans fin, ses yeux reflétaient la noirceur de son cœur, celle de son âme, brisée de n'avoir jamais trouvé l'occasion de se repentir.

*

Cet OS, contrairement à tous les autres, ne parlait pas d'amour. Il était plus personnel que ça, j'espère que vous apprécierez cette partie de moi, qui n'écrit pas toujours que de la fiction. Laissez une seconde chance. Parfois, ça sauve des vies.

Recueil d'OS - Harry PotterWhere stories live. Discover now