Ch 20: Comment se faire des amis (Partie 2)

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« Écoutez, c'est pour ce soir ! Il faut que tout soit prêt pour le coucher du soleil, dit Yuan Sunjie en posant son plateau de repas en face de Ying Luo et de Wang Xiao à table. On va partir dès la fin des leçons pour la maison du commis, Lin Ming. J'ai déjà tout planifié. Rendez-vous juste avant le coucher du soleil. Allons, il faut qu'on soit bien prêt ! »

Yuan Sunjie avait préparé le nécessaire pour le rituel d'exorcisme du spectre chez le commis du boucher Lin Ming. Il s'était écoulé huit jours depuis que le commis leur avait raconté comment était morte sa femme.

Yuan Sunjie les avait invités à manger des boulettes chez le vieux Bu et Lin Ming leur avait raconté une charmante histoire ce jour-là.

Le commis jouait avec ses doigts potelés après avoir avalé son bol d'une traite. Il leur avait dévoilé, la gorge nouée :

« Linglin et moi, nous nous connaissions depuis que nous étions enfants. Elle était fille unique. Elle avait les poumons faibles depuis sa naissance et restait toujours enfermée à la maison chez ses parents, et elle avait très peu d'amis. Enfants, nous étions voisins et moi aussi, je n'avais pas d'amis. Les autres enfants n'étaient pas gentils avec moi, ils se moquaient toujours de mon poids et de mes joues trop rondes. Je restais moi aussi, souvent enfermé chez moi. J'allais me cacher dans les champs loin de la maison et je pleurais tout le temps. C'est comme ça qu'un jour, nous nous sommes rencontrés. Elle m'a fait sourire, alors que je pleurais et peu à peu, nous nous sommes liés d'amitié. J'allais tout le temps lui parler à sa fenêtre et nos journées devenaient, chaque jour, plus merveilleuses que la précédente... »

Il marqua une pause pour se frotter le visage et pour reprendre sa respiration avant de poursuivre.

« Mais à cause de sa maladie, son père voulait se débarrasser d'elle au plus vite, car à ses yeux, elle n'avait aucune valeur. Je me suis dépêché de l'épouser dès que je fus en âge car je l'aimais ma Linglin ! Nous nous sommes mariés très jeunes et elle est venue vivre avec moi. Mais avec sa santé qui se détériorait, elle gardait souvent le lit. Malgré tout, elle était forte à sa manière. Elle avait aussi un sale caractère parfois... Elle s'occupait du ménage et elle faisait la cuisine dès qu'elle en avait la force... Même quand elle n'en avait pas d'ailleurs... »

« Un jour, j'arrivais de la ferme et quand je suis rentré, je l'ai vu allongée par terre. Si soudainement, elle était partie... Elle était morte. Elle avait cuisiné ce jour-là, elle m'attendait, car elle savait exactement à quelle heure je devais rentrer. Les plats étaient encore chauds et déjà posés sur la table... Mais, elle est morte avant qu'on ait eu le temps de manger ensemble une dernière fois... »

Le commis du boucher fit une pause, avala une gorgée de thé et poussa un soupir las avant de continuer. Ses deux interlocuteurs n'avaient pas osé l'interrompre.

« Je l'ai enterré sous notre arbre favori, c'était son endroit préféré, je voulais qu'elle soit heureuse pour toujours. Mais... mais, ensuite elle est venue me hanter dix jours après sa mort et elle est revenu une deuxième fois après dix jours encore, dès que le soleil se couche. J'ai cru... j'ai cru que ça cesserait tout seul... J'ai été bête... »

« La première fois qu'elle est apparue, j'étais si saoul que j'ai cru que c'étaient des illusions. La deuxième fois que je l'ai vu, j'étais sûr que ce n'était pas des hallucinations, mais j'ai cru à un fantôme, sauf que le lendemain, rien ne s'est passé. Elle n'est pas revenue, ni les jours d'après. J'ai pensé que j'ai dû encore rêver... Il me restait une jarre de vin chez moi que j'avais avalé, poursuivit-il avec le regard fuyant. La troisième fois qu'elle est apparue... C'était hier, alors là j'ai compris. Je l'ai bien vu cette fois. C'était un cadavre qui marchait... C'était un spectre, pas un fantôme... Xiuzhe, j'aimais ma femme de tout mon coeur, mais là, cette chose... ça ne pouvait pas être ma défunte épouse ! Elle reste devant ma porte toute la nuit ! Je l'entends marcher. Chaque pas résonne comme un coup de pioche sur le bois, après elle se met à gratter sur ma porte. Je ne sais pas si c'est avec ses ongles ou avec autre chose ! Je ne veux pas regarder ! Je n'ose pas ! »

L'Éternité d'Une SecondeWhere stories live. Discover now