Ch 17: Retour au Mont Zhu

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Yuan Sunjie regarda son ami d'enfance qui fixait le vide avec sa tasse de thé dans la main.
Les traits de Ying Luo étaient encore bouffis par le sommeil. Ayant grandi ensemble au monastère parmi les moines, Yuan Sunjie et Ying Luo se connaissaient sur le bout des doigts.

Le nom de Ying Luo évoquait un filet plein d'oiseaux. Il était un garçon tranquille et posé, friands d'histoires de cultivateurs légendaires et de héros Immortels. Yuan Sunjie l'admirait pour son intelligence et le qualifiait souvent de la 'voix de la raison' simplement parce qu'il était le moins tête brûlée des deux. Fils de pêcheur, son père avait disparu en mer. Orphelin après la mort de sa mère, il fut recueilli par le monastère. Yuan Sunjie l'avait alors pris sous son aile et depuis, ils avaient grandis comme des frères.

Le dos de Yuan Sunjie se redressa et il se passa une main dans ses cheveux relâchés, brillants et noirs comme le jais.

« Je suis désolé. Je ne voulais pas que tu t'inquiètes pour moi, répondit-il en lui offrant un timide sourire.
— On se connaît depuis toujours. Évidemment que je me fais du souci » répliqua Ying Luo avant de porter le thé à ses lèvres.

Le coin extérieur de la bouche de Yuan Sunjie se releva. Un demi-sourire qu'il affichait souvent inconsciemment et qui avait tout d'un tic.

« Ce n'est pas utile d'aller chercher des petits poux de poules dans le cul d'une poule*, dit Yuan Sunjie.
— Je n'ai pas besoin de monter en haut de la colline pour voir que tu es comme un sac goni* vide qui ne tient pas debout, soupira Ying Luo sur le même ton. Allez, arrête de faire des simagrées, rétorqua-t-il. Vas-y, cause ! Je te connais assez pour savoir que ce n'est pas que le chagrin qui t'empêche de dormir. »

Ying Luo bu la dernière gorgée de sa tasse en silence. 

Il avait toujours connu Yuan Sunjie très sociable, un vrai boute-en-train, espiègle et constamment en train d'afficher son demi-sourire farceur. Jamais il ne l'avait vu si morose aussi si longtemps. Pourtant, il était évident que la mort de son Shifu l'avait profondément secoué et il vivra certainement avec cette culpabilité sculptée dans les os et gravée dans sa mémoire pour le restant de sa vie. Ying Luo se resservit une autre tasse, ce qui eut pour résultat de sortir son ami de ses pensées.

« C'est compliqué, déclara Yuan Sunjie. 
— Je te crois.
— Je ne sais pas ce qui m'a le plus choqué ! lança-t-il finalement en laissant tomber son poing mollement sur la table. La mort de Shifu ou d'apprendre que j'avais peut-être une famille qui n'est plus de ce monde... Regarde cette chambre ! Qu'est-ce que je fais dans une maison pareille ? Tu peux m'expliquer d'où ça provient ?»

Au bout de sentiers de pierre sinueux, entre quelques bosquets de bambous et de magnolias, on tombait sur l'opulence feutrée d'une cinquantaine de maisons et de villas individuelles qui composait la partie des résidences privées du Pavillon du Bambou. Elles étaient chacune un véritable cocon d'intimité, certaines avec vue sur l'océan, d'autres sur un jardin luxuriant, et toutes confortablement nichées dans la nature verdoyante le long du flanc du volcan. Les murs étaient en briques blanches et les toits en tuiles sombres et elles avaient de charmantes petites cours pavées. 

Conçue sur deux niveaux, la villa de Yuan Sunjie comprenait une chambre avec vue sur la forêt et un lit qui pouvait accueillir quatre comme lui. L'intérieur était synonyme d'élégance raffinée, résolument sobre avec du mobilier léger et précieux. Des volets en treillis sculptés filtraient la lumière naturelle et quelques œuvres de calligraphie accrochées aux murs ajoutaient du contraste à l'ambiance sereine des lieux. La demeure comprenait une grande chambre à coucher et d'un coin salon privé qui disposait d'un espace de lecture. Un vaste salon au rez-de-chaussée était accommodé de lits de repos jumeaux et d'un coin repas. La demeure était aussi dotée d'une petite pièce attenante qui faisait office de cuisine.

L'Éternité d'Une SecondeWhere stories live. Discover now