Ch 68: Je ne ressens plus rien (du tout)

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« Tu me dis ton « ami » et tu me caches une telle chose depuis tout ce temps... !? ... Hors de ma vue Yuan Sunjie ! JE NE VEUX PLUS JAMAIS TE VOIR !!! »

Wang Xiao, Cen Shui et Liu Baihu préférant rester assis tranquillement et en silence, ne pipèrent mot, endurant que les choses se calment et s'affairant à des tâches qui occupaient leurs mains.

« Vous avez vu comme moi ? » s'exclama au bout d'un instant Cen Shui, le plus jeune du groupe. Il avait l'air de ne pas s'être encore remis de ce qu'il avait vu dans l'antre des Ombres de Jade. Il y repensait à en croire le sentiment de choc qui se terrait au fond de ses yeux posés sur ses mains tremblantes.

« Ce n'était pas le démon qui a fait tous ces morts... reprit Cen Shui, le disciple effrayé qui fixait le feu. C'était lui... Yuan Sunjie...Vous avez vu vous aussi ? Le sol s'est changé ! On aurait cru celui d'un volcan en fusion. Il a fait surgir du feu et de la lave de la terre, et ces choses... Ces choses qui couraient partout... Elles avaient des bras et des jambes comme nous.... Mais elles n'étaient ni humaines, ni mêmes des démons ! Il a créé des monstres de roches et de lave de ses mains, je me suis même battu contre l'une de ces créatures...!Mais qu'est-ce qu'il... est ? »

Ses compagnons ne purent que lever des yeux aussi confus que perplexes vers lui. Qian Jingliu se leva en lançant à son voisin un regard dur qui envoya un frisson inconfortable dans le dos de ce dernier. Liu Baihu sursauta, immédiatement se saisit du bras de Cen Shui et l'obligea à se lever en le tirant.

« Veuillez nous excuser Jueye Qian. Nous allons marcher un peu » répondit le jeune disciple subalterne en s'inclinant devant l'héritier de son chef de clan et forçant Cen Shui à se courber de même en appuyant sur l'arrière de sa nuque.

Qian Jingliu dégageait une aura imposante par sa simple stature, se tenant droit et le dos fier comme une statue de jade. Il énonça d'une voix de velours :
« Cen Shui, tu es encore un disciple et tu vas bientôt devenir un cultivateur de la secte du Tigre Blanc. Si tu n'es pas capable de supporter des vues d'horreur, comme celles dont nous tous ici avons été témoins, tu devrais penser à renoncer. »

Les deux adolescents s'inclinèrent profondément vers la terre, leurs visages défaits, et se hâtèrent de déguerpir.

Qian Jingliu s'excusa auprès de ses deux derniers compagnons du clan du bambou assis autour du feu, puis disparut à son tour vers l'obscurité de la forêt en les abandonnant dans la clairière. Lui aussi avait mille questions qui le taraudaient. Le jeune Tigre de Qian était en proie à un autre genre d'ouragan qui lui nouait l'estomac. Il marcha pendant de longues minutes en s'éloignant au plus possible des hurlements de Yuan Sunjie qui résonnaient à travers la forêt, suppliant son ami de revenir.

Enfin seul, les pensées de Qian JingLiu affluèrent de toutes parts. À chacun de ses pas, son coeur chargé d'angoisse ajoutait un poids supplémentaire sur ses épaules. Le souffle débridé, à la fois vite et saccadé, il s'appuya contre un arbre quand celui-ci explosa en mille copeaux dans un bruit effroyable. Ne se souciant guère du vacarme, Qian JingLiu s'avança pour prendre appui sur un autre tronc qui explosa à son tour et dérangea les oiseaux au repos. Dépité, il soupira, ne sachant pas s'il devait rire ou pleurer.

''Mon instinct était juste'', songea-t-il en levant les yeux au ciel. ''Je sais maintenant qui tu es vraiment. Yuan Sunjie, je sais exactement ce que tu représentes et je sais que rien n'a changé. Tu ne m'as pas demandé de l'aide depuis que nous avons mis les pieds ici, pas une seule fois. Et c'est à peine si tu m'as... à peine un regard. Inlassablement, cela ne s'arrête pas... C'était pareil dans ce passé-là... L'histoire se répète et continuera ainsi indéfiniment, je le crains... Alors que j'aurais tellement aimé...''

L'Éternité d'Une SecondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant