03 - Margaret

4.3K 484 20
                                    


Dimanche 26 janvier

Oxford

Margaret (Reine Mère)

Alexandre n'avait pas été très loquace ces dernières semaines et plus les jours passaient, plus mon inquiétude grandissait. Une inquiétude qui était apparue depuis déjà plusieurs mois, lorsqu'il avait mis fin à sa relation avec Lady Charlotte. Je le pensais heureux. Ou, tout du moins, j'avais espéré qu'il le fût. Néanmoins, je devais finir par me résoudre à l'idée que cet amour n'avait jamais eu lieu comme nous l'avions tous et toutes souhaité. Intérieurement, je culpabilisai à l'idée d'avoir eu un rôle à jouer dans toute cette affaire. L'avions-nous, ses parents et moi, poussés dans cette direction ? Est-ce que mon petit Alexandre pensait une seule seconde que ce que nous voulions pour lui, c'était ça ? Un mariage de convenance ? Si c'était le cas, je m'en voudrais toute ma vie, car c'était de loin la chose que je ne voulais pas pour lui. Mon petit-fils méritait d'être heureux et amoureux. De vivre une relation avec de la passion.

Et j'y avais cru. J'y avais tellement cru.

Je me souvenais précisément de la première fois où il m'avait parlé de Jade lorsque j'étais à l'hôpital suite à mon infarctus. Comment pourrais-je oublier le sourire perpétuel et les yeux qui pétillaient de mon petit-fils que j'aimais tant ? C'était la première fois que je le voyais dans cet état, à quelques pas du bonheur. Hélas, il avait si peu duré et j'eus le cœur brisé de le voir aussi anéanti et démuni lors des fêtes, qui avaient pourtant toujours été sa période préférée de l'année. Je ne l'avais jamais vu dans cet état. On aurait dit que tout l'espoir avait disparu de son être, laissant à nouveau la place à des sourires forcés et des yeux emplis de tristesse.

Mon cœur de grand-mère saignait encore rien qu'à l'imaginer seul dans sa chambre avec les mêmes traits dus à cette blessure. Je détestais cette situation et d'être incapable de pouvoir l'aider. Et, malgré cela, je n'arrivais pas à blâmer entièrement la jeune fille qui lui avait fait tant de peine. À certains moments, j'étais en colère contre elle, comme toute grand-mère qui était déchirée de voir l'un de ses petits-enfants dans une pareille tristesse, mais en tant qu'humaine qui s'était toujours efforcée d'être dans la compréhension, je n'arrivais pas à lui en vouloir plus de quelques minutes. La monarchie était une chose effrayante et épuisante, j'étais la mieux placée pour pouvoir le dire. J'en avais eu connaissance bien avant d'avoir épousé mon cher et tendre. Même en étant issu de la noblesse, j'en avais eu conscience. Comment en vouloir à une jeune femme qui n'en connaissait rien et venait, en plus de cela, d'un pays qui en était démuni ?

J'essayais d'imaginer d'autres alternatives si Alexandre lui avait avoué tout ça, dès le début. Mais comment y parvenir ? Je ne connaissais de Jade que ce qu'il m'en avait dit. Je n'étais donc pas en position pour y parvenir. Peut-être que cela n'aurait rien changé. Mais une question persistait : pourquoi Dieu avait-il mis cette jeune femme sur la route d'Alexandre ?

J'avais toujours aimé me dire que tout arrivait pour une raison. Cela avait un effet rassurant sur l'esprit. Néanmoins, cette fois-ci, l'explication tardait à arriver. Et même si je savais que je ne pouvais rien faire de concret pour arranger leur relation, j'avais eu le pressentiment qu'il me fallait rejoindre mon petit-fils. Je sentais qu'il avait besoin d'un peu de réconfort,, de savoir que nous le soutenions tous.

C'était pour ça qu'au petit matin, alors que je devais passer l'entièreté du week-end dans la demeure d'un couple d'amis, à moins d'une demi-heure d'Oxford, j'avais quitté ce château en m'excusant auprès de mes hôtes. Je m'étais ensuite installée dans la voiture, les mains jointes et le regard anxieux. Nous étions ensuite arrivés dans la ville universitaire et j'avais rejoint l'immeuble où il logeait. Il était à peine dix heures lorsque je montais les escaliers menant au premier étage. Il n'était pas de bon ton pour les Royales d'être des adeptes de grasses matinées. Mais nous étions dimanche, alors il se pouvait qu'il dormît encore.

La Noblesse du Cœur ▬ Tome ✯✯ ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant