Chapitre 31 : Sous l'égide du soleil

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L'odeur cuivrée du sang, l'odeur fraîche de la pluie et celle de Harry seraient certainement celles qu'il porterait sur lui pour le reste de sa vie.

Jamais il ne pourrait se débarrasser de ces odeurs sur sa peau, de cette sensation serrant son cœur. Du chuintement lointain du ciel qui devenait tout à coup aussi paisible et imperturbable que la surface d'un lac qui n'aurait jamais été troublée. De la respiration saccadée de son âme liée. De la douleur qui parcourait encore chaque particule de son corps. Du profond soulagement qui l'avait envahi et de cette sensation nouvelle qui l'avait traversé et dont il eut des difficultés à définir le sens encore longtemps après.

Un sentiment inconnu éclaircissant encore davantage sa palette d'émotions qu'il pensait noyée dans les décombres d'une existence assombrie, déchirée.

Cette émotion lui sembla si forte qu'il était certain qu'elle resterait piégée pour l'éternité à l'intérieur de lui. Qu'elle pourrait redessiner son être, le détruire et le reconstruire d'une seule pulsion. Plus tard, il comprendrait que c'était le sentiment d'être aimé et protégé. En ce jour, il le voyait encore comme un inconnu, un nouveau venu. Une émotion dont sa vie était dénuée.

Le temps ne suspendit pas son cours, Tom ressentit chacune de ces altérations, chaque seconde sembla être aussi longue et précieuse que des années entières de son existence. Il sentit ses muscles se contracter, sa magie lui être complètement et intégralement rendue, sa respiration se bloquer par intermittence. Sa poitrine se souleva trop violemment, ses doigts se perdirent quelque part entre le cou et le dos de celui venu le libérer et il s'entendit tousser, s'étouffer un peu.

Trop pour que celui qui le tenait, déjà inquiet, ne se penche pas sur lui en demandant si ça allait. Aucune réponse de sa part, il était à bout de souffle, un effet secondaire du surplus de la magie de nouveau en circulation dans son corps.

Tom put identifier chacune de ses blessures et ressentir la douleur qui y était liée mais aucune d'entre-elles ne lui sembla insupportable. Les malédictions utilisées étaient douloureuses mais ce n'étaient pas les plus dangereuses. La pire blessure était certainement celle à sa cheville et il se l'était infligée lui-même.

Ça allait, il aurait voulu le dire à Harry mais il n'y arriva pas. Pourtant il aurait aimé le rassurer, lui dont le cœur semblait battre si fort, affolé.

Ses pieds ne touchèrent tout à coup plus le sol et il se sentit être soulevé, porté. Il chercha longuement dans sa mémoire un souvenir qui lui rappellerait ce ressenti mais aucun ne lui vint. Pourtant on l'avait forcément porté lorsqu'il était bébé, lorsqu'il était enfant, mais il ne s'en souvenait pas. Comme s'il s'agissait de la première fois de sa vie que quelqu'un le portait dans ses bras. La sensation était particulière, pas désagréable.

Il ne pouvait pas s'appuyer sur sa jambe se dit-il, comme pour rationaliser le fait qu'il n'avait pas envie qu'Harry le repose à terre. Cela lui faisait mal, il ne pouvait pas marcher pour le moment. Ça ne le dérangeait pas de ne pas être capable de se tenir debout, en cet instant plus rien n'était capable de le faire.

Il était venu.

Ses vêtements trempés qui jusque-là le faisaient trembler de froid, lui semblèrent être trop chauds, alors que Potter passait l'un ses bras sous ses genoux et l'autre dans son dos. Il essaya de bouger un peu, incertain de savoir s'il pouvait le faire sans se blesser davantage.

Pourtant il lui avait dit ne pas vouloir le protéger.

Au lieu de ça, il ouvrit les yeux qu'il avait laissés fermés depuis qu'Harry l'avait délivré de sa prison. Les bras autour du cou du Survivant, il aperçut sans mal les éclats translucides de la cage anéantie autour d'eux, retombant vers le sol, brillant sur la surface lisse des flaques d'eau qui parsemaient encore la volière. Ils lui paraissaient inoffensifs. Insignifiants.

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