Chapitre 44 : L'oiseau en cage rêve des nuages

147 20 3
                                    

Harry savait qu'il était un monstre. Il le savait depuis son enfance. Sa famille le lui avait rappelé à chaque instant. Avant d'être un petit garçon, avant d'être un sorcier, avant même d'être un homme... il était déjà un monstre. Il savait ce qu'il était.

Tout comme un oiseau sait qu'il a des ailes pour voler. Pourtant lorsque cet oisillon fut poussé du nid, il chuta et ses ailes se cassèrent. Il survécut en dépit de toute logique mais par la suite, il n'essaya plus de voler. Il fit comme si ses ailes n'existaient pas et même lorsqu'on les pointait du doigt, il niait.

C'est faux. Elles ne sont pas là.

Il renia ses ailes et réprima chaque pulsion qui le poussait à les battre. Lorsqu'on vint lui dire qu'il était né oiseau, il en fut heureux et partit avec les autres. Il apprit à faire comme ceux de son âge, sauf qu'il savait que quelque chose clochait chez lui. Il était obligé de ruser pour pouvoir utiliser ses ailes sans les battre.

Ce n'est pas grave, se répéta-t-il sans cesse.

Il était un oiseau même sans voler de ses propres ailes. Il oublia presque qu'elles demeuraient dans son dos. Qu'elles ne faisaient que grandir et s'allonger, le démangeant de plus en plus.

Puis un jour, elles furent si grandes qu'elles se déployèrent sans son consentement. Le propulsant vers le sol de nouveau...

Tom fut réveillé par le croassement d'un corbeau qui se posa sur le rebord de la fenêtre de leur chambre. Le volatile lui lança un regard perçant, poussa un cri rauque puis partit comme il était venu, tel un mirage.

L'ex-Seigneur des Ténèbres se sentit confus pendant un instant alors qu'une angoisse sourde montait crescendo dans sa poitrine. Il comprit pourquoi lorsqu'il se redressa. Harry ne dormait pas à ses côtés.

Il n'était pas tard, le soleil venait à peine de se coucher et la nuit était claire, limpide et lumineuse. Comme l'étaient parfois les nuits sans nuages. Harry et lui s'étaient assoupis après une énième partie de cartes. Le Gryffondor avait décidé qu'ils ne joueraient plus aux échecs et Tiare leur avait donné un vieux paquet de cartes moldues. Un paquet qui ne comportait qu'une quarantaine de cartes cornées et dont les images étaient pratiquement effacées par le temps. Étrangement, il avait plu à Potter tout de suite et le Survivant avait gagné chaque partie de bataille qu'ils avaient jouée avec.

Parce qu'Harry était naturellement chanceux et que les jeux de cartes se gagnaient davantage grâce à un tirage au sort qu'a la stratégie. Ou en tout cas, c'était comme ça que Jedusor justifiait ses sept défaites consécutives. Ils avaient ensuite convenu du fait qu'ils pourraient jouer aux échecs et aux cartes alternativement. Pour égaliser. Peut-être même s'amélioraient-ils là où l'autre était bon et vice-versa.

C'est ce qui les avait amenés à jouer l'intégralité de l'après-midi jusqu'à ce que le soleil se cache et que le Seigneur des Ténèbres s'endorme. Il n'aurait pas dû se réveiller seul parmi les cartes et les pièces d'échecs éparpillés dans leurs draps défaits.

Pourquoi Harry n'était-il pas à côté de lui ?

D'habitude, Jedusor se réveillait systématiquement lorsque Potter tentait de lui fausser compagnie pendant leur sommeil. Cela n'empêchait pas le lion d'essayer fréquemment de quitter la chambre sans le réveiller le matin ou en pleine nuit.

Harry n'était pas un dormeur tranquille. Il se roulait en boule dans un coin de leur lit, faisait parfois des cauchemars, parlait dans son sommeil. Il se réveillait fréquemment pour s'asseoir sur le bord du lit et regarder le sol durant des heures. Il quittait la chambre avec pour prétexte qu'il avait soif ou besoin d'air et refusait qu'ils se tiennent la main toute la nuit ou dorment dans les bras l'un de l'autre.

DISSEMBLANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant