Chapitre 32 : L'étoffe dont ils sont faits

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L'étreinte qu'ils partagèrent sembla guérir leurs blessures. Écorchés par le lien qu'ils partageaient et qui était encore imprégné de leurs sentiments les plus violents, de leur éloignement, ils purent enfin sortir la tête de l'eau. Inspirer et expirer. L'air avait un parfum familier. Peurs et douleurs s'éloignèrent de leurs corps et de leurs cœurs, les laissant se rétablir l'un contre l'autre. Ils eurent brièvement l'impression de n'être qu'un, d'être invincibles. D'être unis, comme si leurs deux âmes s'étaient harmonisées pour converger vers le même point.

Ressentir cela était perturbant, trop pour qu'ils n'éprouvent pas le besoin de se détacher l'un de l'autre. Tom connaissait la nature de leur lien et il ne la craignait pas mais il n'avait jamais été submergé par quelque chose d'aussi prenant, d'autant dévorant. Il craignait d'être incapable de pouvoir se sevrer de cette sensation de plénitude si Harry n'y mettait pas fin sur-le-champ.

Pourtant il répugnait l'idée de s'écarter, déjà dépendant. Il l'était depuis longtemps, il avait une addiction immodérée, il était à jamais asservi à lui. À son existence, à cette tendresse qu'il était le premier à lui transmettre.

Si bien que lorsque Harry mit fin à ce contact entre eux, il en ressentit immanquablement les effets. Comme s'il venait de lui arracher une partie du cœur, rendant le morceau restant fou de douleur. Était-ce si difficile de vivre sans celui-ci aujourd'hui alors qu'il l'avait fait toute sa vie ? Ça l'était.

Il y survivrait, se dit-il lorsque le regard d'Harry se fit fuyant, ses gestes tremblants, son cœur battant, l'air confus. Le souffle interrompu. Ce qui était trop fort pour lui l'était aussi pour Harry. Ils s'y accoutumeraient avec le temps. Ce temps dont ils manquaient cruellement et que Jedusor se promettait de gagner. Même s'il devait pour ça arracher chaque seconde une à une à la mort.

Il s'apprêtait à siffler quelque chose pour rassurer son âme liée lorsqu'il perçut la présence d'un être indésirable. Chul Fontaine.

Cela lui rappela la cage. Cette horrible cage de Faraday. Elle n'était pas là pour lui, c'était un hasard, une déconvenue dont il avait été victime. Elle ne lui était pas destinée. Une cage retenant la magie prisonnière en son sein, permettant de blesser et d'enfermer un sorcier ou une créature magique sans risquer d'être blessé en retour...

Agilbert Fontaine se pensait certainement très intelligent. La cage de Faraday était pour Harry. Le jeune Seigneur des Ténèbres le savait, il en était certain. Il ne connaissait pas exactement le plan du directeur mais il n'avait aucun doute sur le fait que l'homme destinait cette cage au lion. Pour l'enfermer. Pour l'utiliser. Pour le menacer, pour le faire souffrir, pour faire ressortir sa nature d'Obscurial, révéler ses capacités. Pour le détruire, l'asservir.

Harcelé par ses réflexions obsédantes, il fut ramené à l'instant présent par Potter, qui après lui avoir lancé un regard perplexe, se détourna de lui pour regarder dans son dos, là où se tenait encore le rejeton du proviseur.

Harry sut - lorsque les yeux carmin du mage noir se ternirent et qu'il se mit à fixer un point derrière eux - qu'ils n'étaient plus seuls. Tom se comportait comme s'ils étaient en danger, menacés. Alors que quelques secondes auparavant, un rare sentiment de paix semblait l'habiter. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose, la personne qui se trouvait derrière eux n'était pas de celles qu'ils pouvaient considérer comme alliées.

Chul, Chul Fontaine le champion d'Ilvermorny, le camarade de classe de Tom. Ce dernier élément éveilla une certaine méfiance chez le lion, celui-ci était-il au courant de ce qu'avaient fait les autres Serpents cornus ? Qu'avait-il à voir avec ça ? Était-il ici pour constater de ses propres yeux quelque chose qu'il avait souhaité voir advenir ?

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