Chapitre 34 : De feu et de métal

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L'air saturé par l'odeur de potions et de désinfectants, aux effluves agressifs et désagréables, continuait de lui brûler la gorge. Il haïssait les infirmeries, les hôpitaux et tout ce qui leur était lié. Il se rappelait sans mal de la première fois qu'il s'était fait cette réflexion. À cette époque-là il n'était encore qu'un petit garçon et il était tombé, probablement assez violemment - ses souvenirs étaient flous à ce sujet - contre le tisonnier de la cheminée des Dursley.

Le sorcier ne se rappelait pas sa chute mais il se souvenait très bien de la douleur qui lui déchirait la peau lorsqu'il s'était réveillé à l'hôpital. Pour une fois les Dursley avaient eu l'air assez inquiets en l'observant alors que les médecins lui posaient des tas de questions auxquelles il n'avait pas de réponse. Il se souvenait sans mal des médicaments, des pansements et des murs blancs ainsi que de l'odeur persistante de chaud, comme si on avait brûlé quelque chose.

Étant plus vieux, il avait compris que cette odeur ne provenait pas de l'endroit mais de lui. Que c'était sa blessure qui sentait le chaud, la chair brûlée.

D'ailleurs la plaie avait continué de lui faire mal longtemps après sa sortie de l'hôpital et pendant cette période de sa vie, les Dursley avaient semblé un peu plus conciliants à son égard. Il avait le souvenir d'avoir mangé une fois avec eux à table lors d'un dîner et sa tante l'avait laissé passer une après-midi entière devant la télévision avec Dudley. Qui plus est, il n'avait pas été à l'école jusqu'à que sa blessure soit guérie et il n'avait pas eu plus de corvées à faire pour autant. À l'époque, il avait trouvé ça agréable. Gentil même.

En dépit de ça, quelque chose le poussait à rejeter les endroits comme celui-ci. Blanc et aseptisé. Il s'y sentait mal à l'aise, sur ses gardes, comme si une partie de lui avait associé le lieu à la douleur.

Pourtant il savait qu'il s'était fait mal près d'une cheminée, il aurait dû avoir peur du feu, du métal brûlant, de la chaleur mais ce n'était pas le cas. À la place, les hôpitaux lui laissaient toujours une violente sensation d'inconfort.

C'est après cet événement qu'il avait cessé d'essayer d'attirer l'attention de sa famille. Parce qu'il avait pris conscience que si seule une blessure grave pouvait les persuader de se montrer un peu plus doux avec lui alors il n'avait aucune chance de les faire l'aimer. Sauf en mourant peut-être. Même aujourd'hui, il ignorait si les Dursley seraient tristes en apprenant sa mort ou pas du tout. L'idée qu'ils puissent ne rien ressentir le blessait. Harry se sentait idiot, ce genre de choses n'était plus censé lui faire du mal désormais.

Ce devait être à cet âge-là, vers ses cinq ans, qu'il avait arrêté d'espérer que son oncle et sa tante finiraient par le considérer comme un fils au même titre que Dudley.

Ce sont ses espoirs d'enfant déçus et cette douleur cuisante lui déchirant la hanche, qui lui faisaient détester ce genre d'endroit. À cela s'ajoutaient toutes les fois, jamais vraiment agréables, où on l'avait traîné à l'infirmerie de Poudlard.

D'où son incapacité à s'y endormir paisiblement. Il avait réussi pourtant la nuit dernière. Peut-être parce qu'il était blessé et épuisé ou peut-être parce que Jedusor se tenait auprès de lui et que l'odeur du mage noir, la chaleur de sa présence à ses côtés et celle de sa magie l'avait apaisé, éloignant ses insécurités. Sa présence était rassurante.

Le Gryffondor se maudit presque pour avoir pensé quelque chose comme ça. Tom Elvis Jedusor n'était pas rassurant. Protecteur peut-être. Juste un peu. L'avoir à ses côtés le faisait se sentir plus léger sans qu'il ne comprenne réellement pourquoi. Le simple fait de l'avoir dans son champ de vision suffisait parfois pour qu'il ressente cette sensation d'apaisement.

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