Chapitre 45 : Jardin d'Éden

174 24 0
                                    

Ulrich avait été élevé dans la joie et la bonne humeur. Son enfance avait été heureuse. Peu importe la manière dont il la regardait, il n'y voyait que bonheur, douceur et innocence.

Peut-être avait-il été un petit garçon particulièrement naïf et niais. Peut-être l'était-il resté plus qu'il ne l'aurait jamais espéré.

Si l'enfance était déterminante au point de corrompre le cœur à jamais, alors la sienne avait laissé des éclats de rire quelque part à l'intérieur du sien. Des éclats d'une force qui l'éblouissait parfois.

Le laissant prisonnier de ce bonheur passé qui s'évanouissait encore et encore sous ses yeux impuissants.

Il y avait des enfants nés dans la paix qui avaient connu les pires peines de l'humanité et ceux qui au contraire étaient nés dans la guerre et finissaient par accéder au bonheur.

Ulrich n'enviait aucune de ces deux situations. Sa vie avait démarré dans un bonheur banal, si inconscient qu'il en était probablement fantasmé par beaucoup. Puis un événement effroyable lui avait tout retiré et il s'était rendu compte à quel point son enfance avait été belle.

Après cet évènement il avait mis longtemps pour atteindre de nouveau un équilibre.

En y regardant bien, cela aurait pu transformer à jamais son regard sur l'humanité.

Il n'était pas passé loin de haïr son enfance pour avoir été ce qu'elle avait été. Il n'était pas passé loin de détester sa propre personne pour l'acte qu'il avait commis. Il n'était pas passé loin de ne plus pouvoir croire en rien.

La famille ? L'amour ?

Adolescent, il aurait grincé des dents à ses simples évocations.

Il n'était pas devenu silencieux, désabusé, malheureux. Il n'avait pas pleuré jour et nuit, il n'avait pas hurlé sa colère au monde entier. Non, après que sa vie ait basculé, rien de ce qu'il était vraiment n'avait changé. Au contraire, ses pires traits de caractère avaient été exacerbés.

Il était devenu plus imprudent, plus insolent, plus irresponsable que jamais. On aurait probablement trouvé son nom sous la définition de rébellion. Ce genre de rébellions immatures qui cachent de trop grosses blessures. Un comportement défiant, où il se fuyait lui-même plus que quiconque.

Aujourd'hui il pouvait regarder ce passé avec des yeux plus vieux. Des yeux plus aguerris, un peu nostalgiques aussi. Qui remerciaient son enfance malgré tout. Qui avaient fini par accepter ce qui était arrivé. Qui louait l'arrivée salvatrice d'un électrochoc inattendu dans son existence.

Si on pouvait considérer Severus Rogue comme un électrochoc.

Cela le fit sourire.

Sa situation passée n'était pas comparable avec celle qu'il avait sous les yeux néanmoins Ulrich leur trouva un point commun.

Un point commun entre ce qu'il avait été et ce qu'étaient ces deux garçons aujourd'hui.

Harry Potter et Tom Jedusor étaient à un tournant de leur vie. Un point de bascule. De ceux que l'on vit parfois et qui, en fonction de comment penche la balance, redéfinissent les lignes de l'avenir.

Pour une raison qu'il avait des difficultés à comprendre, Ulrich savait que son propre bonheur dépendait dorénavant de comment ces garçons allaient basculer.

C'est la pensée qui naquit dans son esprit au moment où il revint dans le petit salon qu'il avait arpenté de nombreuses fois étant enfant. Ce salon privé, minuscule, qui servait auparavant d'antichambre au bureau de son père. Ce salon témoin de ses joies passées comme de ses moments les plus difficiles.

DISSEMBLANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant