Chapitre 33 : À son corps défendant

166 26 2
                                    

Les ténèbres. C'était une notion abstraite, l'expression d'un ensemble de choses profondément négatives, quelque chose de sombre à l'intérieur de chaque être. Un ressenti. Comme l'était aussi la magie. Cette magie qui habitait chacun de leurs gestes, qui témoignait de leurs états d'âme. Elle incarnait ce qu'ils étaient au-delà des mots, au-delà des apparences.

Les ténèbres avaient toujours été effrayantes pour lui. Il avait dû les combattre à chaque instant de sa vie. À l'extérieur, dans le monde où on le forçait à adopter une posture de combattant et à l'intérieur, en lui. Là où il n'avait jamais vraiment eu le choix. Les repousser ou les épouser. Deux possibilités. Qu'aurait-il donné pour en avoir une troisième ? Une où il ne serait pas obligé de se battre. Soit contre lui-même, soit contre le reste du monde.

Elle n'existait pas cette possibilité. Il n'y avait aucune échappatoire, pas pour lui ni pour celui qui se tenait à ses côtés. Piégés. Ils l'étaient. Entre la peur et la haine, quelque part là où leurs monstruosités provoquaient encore dégoût et fascination. Il avait fait son choix. Dans ce monde où on ne le voyait que comme un monstre, il avait choisi de les épouser. D'en faire une arme. Les ténèbres étaient siennes. Puisqu'elles demeuraient pour l'éternité à l'intérieur de lui, il les dominerait.

Lorsque le courage quittait son âme, il avait envie de crier que ce n'était pas de sa faute s'il était né ainsi, mais jamais il n'avait supplié pour obtenir quoi que ce soit. Ni pitié ni affection. Il pensait qu'il pourrait poursuivre son chemin seul. Qu'il n'avait besoin de personne et surtout pas de ces êtres remplis de haine qui ne faisaient qu'essayer de le blesser. L'obscurité serait sienne puisqu'il ne pourrait pas s'en débarrasser. Il avait choisi de s'y accrocher. Combattre le monde ou soi-même, il avait choisi son camp depuis longtemps.

Il était incapable de ne pas l'aimer. Après tout, il le fallait. Aimer. Il existait deux schémas, deux types de personnes. Ceux qui craignaient et haïssaient les ténèbres, choisissaient de les repousser. Et ceux qui dans cette haine s'étaient épris d'elles. La solitude menait à aimer même le plus mauvais des compagnons. Et il n'avait jamais eu qu'elle, la haine. Aimer la haine c'était aimer quand même. Peut-être n'avait-il jamais été aimé mais il n'avait jamais été dénué de ce sentiment.

L'amour. Il le portait à la magie. Aux ténèbres, à lui-même et à Harry. Ce serait suffisant. Le reste du monde lui importait peu. Il avait choisi son combat, sa bataille. Tom ne se battrait pas contre lui-même. Il ne prendrait pas les armes contre son âme. Il éviterait d'adopter une posture de combat contre l'essence même de son existence. C'était ce qui faisait de lui ce qu'il était. Le Seigneur des Ténèbres.

Il n'était pas Lord Voldemort et il ne le serait plus jamais mais rien ne changerait le fait que les ténèbres lui appartenaient. Il était un mage noir, un Seigneur sombre. Repousser son identité, sa magie, n'avait fait que l'entraîner plus loin dans la noirceur qu'il l'entourait. Il était un sang-mêlé.

Sorcier impur et Seigneur des Ténèbres. Ce ne serait plus incompatible. Plus aujourd'hui.

Il avait pensé ne pas pouvoir garder son identité en s'engageant dans cette voie, parce qu'il en avait honte, parce qu'en acceptant son côté sorcier il avait voulu repousser l'autre partie de lui. Désormais, être un hybride ne le dérangeait pas. Harry aussi était un sang-mêlé cela ne faisait pas d'eux des bâtards n'ayant de place nulle part.

Il l'avait trouvée, sa place. Ici. Auprès de lui. Seul, il ne l'était plus et il n'avait rien. Rien à offrir en échange de sa présence, de sa reconnaissance, rien à lui laisser pour le remercier d'avoir déchiré son monde pour l'y laisser exister. Rien pour le protéger des autres, sauf ça. Ses ténèbres. Ses seules armes.

DISSEMBLANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant