Chapitre 35 : De givre et de verre

157 22 11
                                    

Tout était sombre autour de Severus, jusqu'à ce que le décor lui apparaisse avec lenteur. Toujours le même endroit. Cette chambre. Dans cette maison pratiquement ensevelie sous les décombres. Désertée pour le moment, mais la partie consciente de son esprit savait qu'elle ne le resterait pas.

C'était un cauchemar. Son cauchemar. Celui qu'il avait fait tant de fois ces derniers temps qu'il se demandait si ce n'était pas là sa vérité. Peut-être qu'il était toujours là-bas, perdu dans la folie et que le reste de son existence avait été inventé pour l'aider à ne pas perdre pied dans sa détresse.

Était-ce possible d'inventer des années entières de souvenirs pour subsister au-delà de la douleur insoutenable qui martelait son cœur ? Le rendant inapte au moindre battement... si ça l'était alors il n'était qu'un lâche. Incapable d'affronter la réalité. Ce soir-là, une partie de lui était morte avec elle.

Il ne pouvait rien faire contre ça. Avec passivité, il laissa son cauchemar recommencer. Il s'avança dans la pièce et le corps de Lily Potter née Evans apparut devant ses yeux. Severus n'eut pas la maîtrise de ses émotions, peu importe le nombre de fois où il y avait été confronté, rien n'épongeait sa peine.

Le temps n'avait aucune emprise sur ses sentiments. Aimer pour l'éternité c'était souffrir jusqu'à la mort. Aimer à sens unique c'était ne rien espérer à l'avenir. Un sentiment beau de l'extérieur et cruel pour celui qui le gardait à l'intérieur. Il n'y pouvait rien. Ils n'y pouvaient rien.

Rien n'arrêterait la douleur de son cœur, les larmes sur ses joues et l'impression de voir son monde plongé dans l'horreur. Rien ne l'apaiserait jamais. Ce soir-là, il pensait n'avoir plus aucune raison de se relever, d'arrêter de pleurer. La mort de Lily était la sienne.

Mourir avec elle paraissait être plus doux que de vivre avec cette culpabilité rongeant son âme. On ne le laissa pas mourir pourtant... comme dans chacun de ses cauchemars quelqu'un le fit arrêter de gémir, de souffrir, était-ce réellement ainsi dans son souvenir ? Il l'ignorait - à son réveil il pourrait démêler le vrai du faux, entre ses souvenirs et ses tourments - ça n'avait que peu d'importance actuellement.

Dans le berceau à côté duquel Lily s'était écroulée, un enfant s'était mis à pleurer plus fort que lui encore. Un petit garçon au front dégoulinant de sang et aux yeux verts remplit de larmes. Comme à chaque fois, il ne sut pas quoi faire, que ce soit dans un songe ou dans la réalité ; Severus ne savait que dire pour rassurer un enfant qui avait vu sa mère être exécutée. Un enfant qui avait les traits d'un homme qu'il avait haï et les yeux d'une femme qu'il avait aimé.

Il ne dit pas un mot, ni cette fois-là ni toutes les autres.

Rogue s'attendait à ce que son rêve prenne fin, qu'il se réveille trempé de sueur dans son lit - où dans n'importe quel autre endroit où il avait pu se permettre de s'endormir - mais ça n'arriva pas. D'habitude il se réveillait toujours à ce moment-là, avec les pleurs du jeune Harry Potter raisonnant encore dans sa tête.

À la place, le corps froid de Lily disparut entre ses bras et le bébé du berceau s'évapora devant ses yeux, le regard empli de terreur. Severus sentit une présence derrière lui et il se retourna, le souffle coupé par la vue d'Agilbert Fontaine qui se tenait contre le chambranle de la porte, le jugeant de par son regard.

— Vous comptez protéger qui dans cet état ?

D'un geste vif mais tremblant, Severus tenta d'essuyer les larmes qui dévalaient ses joues, ce qui fit éclater de rire l'homme devant lui.

— Pitoyable... ce n'était même pas votre femme et il n'est pas votre fils ! Pourquoi pleurer ? Parce que je vais le détruire ? Cet enfant n'en est pas un, le bébé dans ce berceau est mort. Harry Potter est un monstre, un Obscurial et vous le savez.

DISSEMBLANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant