Chapitre 9 - Retour vers le passé

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Après la confirmation de la maladie dont était atteinte Bernard Malandain, Bertier, le commissaire et moi-même, nous nous regardâmes furtivement.

— Gilbert, dit Vergne, je sais que vous n'avez pas eu le temps de voir la victime, étant donné les circonstances. Vous voulez y jeter un oeil ?

—- Pourquoi pas ? Car je ne l'ai vu que de dos.

Il nous conduisit dans la salle attenante. Elle était glaciale et je n'aimais généralement pas y aller. Ça me mettait réellement mal à l'aise. J'aurais dû my habituer depuis le temps, mais il n'y avait rien à faire. Ce n'était pas mon truc. Je n'osais jamais le dire de peur de passer pour une chochotte, mais j'étais souvent sur le point de défaillir, et surtout à cause de l'odeur du formol et aussi de celle qui parfois se dégageait des corps. Mais cette fois-ci, étant fortement enrhumé, je ne fus pas incommodé.

Le corps de la victime était étendu sur une table, nu, bien propre, recouvert d'une couverture remontée jusqu'à la taille. On entrevoyait la grande cicatrice résultant de l'autopsie et la trace de la balle dans la poitrine. Mais le visage du mort montrait encore les stigmates de la souffrance.

Je m'approchai avec réticence et je me figeai alors. Sa physionomie, bien que d'une pâleur mortelle et malgré la grimace de douleur qui persistait, me sembla étrangement familière. Je tentai de chasser cette idée qui me paraissait absurde, mais elle revenait sans cesse. Soudain, je me souvins de mon rêve et je fus pris d'un vertige. Je repris contenance en sursautant quand le commissaire me jeta un regard courroucé en disant:

— Alors Gilbert, vous n'avez jamais vu de mort ? Ce n'est pas le moment de dormir ! La nuit, c'est fait pour se reposer et pas pour faire la java !

— Désolé ! Dis-je d'un air contrit, et ne voulant pas révéler ce qui me tracassait, j'avais la tête ailleurs !

— Eh bien ! Remettez là sur vos épaules, et jetez donc un coup d'oeil à votre trouvaille !

— Euh ! non, merci ! c'est bon, j'en ai assez vu ! dis-je.

Je me sentais pâlir de plus en plus et envahi par une sorte de nausée.

Le commissaire, intrigué par mon attitude, m'observa discrètement du coin de l'oeil et je sentis qu'il allait m'interroger immédiatement, en sortant. Je n'eus pas à attendre longtemps sa réaction.

— Lenormand, dit-il, dès que nous sortirons, vous viendrez tout de suite me voir dans mon bureau, on a des choses à se dire !

Je frémis alors. Quand le commissaire m'appelait par mon nom de famille, ce n'était pas de bon augure et je me doutais bien que ma réaction à la vue du mort l'avait fortement intrigué.

Lorsque nous fûmes de retour, Renouf me fit entrer dans son bureau, referma la porte et m'invita à m'assoir en face de lui.

— Ainsi, Gilbert, vous me faites des cachotteries. J'ai bien cru que vous alliez tourner de l'oeil quand vous avez vu le corps. Si vous avez des révélations à me faire, c'est maintenant ! tonna-t-il en tapant du poing sur la table.

Je sursautai, et soupirai :

— Vous allez surement me prendre pour un fou, mais je crois avoir déjà vu cet homme, il ressemble à un membre de ma famille dont je n'ai pas eu de nouvelles depuis plus de dix ans.

— Non, je ne pense pas que vous soyez fou ! Vous avez une bonne mémoire et un don inné pour l'observation, bien que vous ayez beaucoup trop d'imagination et que vous vous lanciez parfois dans des hypothèses farfelues. Alors, dit-il en se radoucissant, Gilbert, racontez-moi ce qui vous tracasse.

Je soupirai et commençai le récit de mes origines.

— J'espère que cela restera entre nous, dis-je, car ce que je vous avoue, je ne l'ai dit à personne, pas même à Bertier.

crimes et flagrants délires : Vendetta Normande - Histoire terminéeWhere stories live. Discover now