Chapitre 15 - Petits règlements de compte en famille

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Quelques jours plus tard, l'enterrement de la victime eut lieu en fin de matinée, sous un ciel gris aux nuages bas, qui s'était mis au diapason de ce triste événement.

J'avais tenu à y assister. Par discrétion, je restai à distance des membres de la famille et quand le cercueil fut mis en terre, je ressentis une profonde douleur m'envahir et je ne pus retenir mes larmes. Toujours à cause de cette maudite ressemblance...

Et chaque nuit, mon « parrain » bien aimé me revenait en rêve avec des scènes vécues lors de mon enfance. Ensuite, à chaque fois, la vision du cadavre avec son visage revenait me hanter. J'avais l'impression alors de tomber dans le vide et cela me réveillait en sursaut. A la longue, j'avais fini par passer toutes les nuits sur le canapé-lit du salon pour ne pas perturber le sommeil de Sophie.

Lors des obsèques, je remarquai que les deux frères, leur mère, Justin et Honorine était présents, ainsi que d'autres membres de la famille, mais pas Marie Malandain, ce qui m'étonna. Ensuite, je me rapprochai d'eux et leur présentai mes condoléances. Ils furent surpris et touchés par ma venue.

Comme j'avais pris un jour de congé entier, je passai l'après-midi à errer, mélancolique et désoeuvré, sur les quais de la Seine à Rouen à regarder les bateaux amarrés au quai. J'avais de plus en plus cette intuition que la victime était bien mon parrain bien aimé.

Je me demandais si je devais en faire part à Renouf. J'avais peur d'être dessaisi de l'enquête car je pouvais faire preuve de partialité. Et pourtant, je ne voulais en aucun lâcher cette affaire qui me tenait tant à coeur. Ce n'était pas très professionnel. Et j'étais certain que le commissaire, à la suite de mes confidences, pensait la même chose. Mais chacun de nous se taisait. Nous faisions tous les deux comme si de rien n'était. Combien de temps cela allait-il durer ?

En fin d'après-midi renouant avec d'anciennes et mauvaises habitudes, j'allai prendre une pinte de bière, puis une autre, puis encore une autre dans un bistrot et j'y restai longtemps. Je voulais retarder le plus possible mon retour au domicile car je ne voulais rien montrer de mon chagrin à Sophie. Mais c'était reculer pour mieux sauter.

A la nuit tombée, après être allé dans la cathédrale chercher un peu de réconfort que je n'ai pas trouvé, puis avoir marché longtemps dans les rues du vieux Rouen dans un état second, je finis par rentrer chez moi, encore un peu éméché. Abandonnant par précaution ma fidèle 2CV dans une rue, j'étais rentré en taxi, ne me sentant pas en état de conduire.

Sophie, avait vu mon état très inhabituel mais, heureusement, ne me fit aucun reproche, elle avait compris que je ne tournais pas rond depuis un certain temps et je lui en sus gré. La gorge serrée, je ne pouvais parler que par monosyllabes. Connaissant mon caractère parfois introverti quand je rencontrais des problèmes dans mon travail, elle attendait chaque fois patiemment que je veuille bien parler et parfois, quand elle sentait que c'était le bon moment, elle arrivait à tirer de moi quelques confidences. Ce soir-là, elle a dut se contenter de mon silence mutique.

Le lendemain, les deux frères Malandain et Marie furent convoqués au commissariat pour une confrontation. Ayant omis volontairement de parler de la violente dispute qui avait eu lieu la veille, ils paraissaient encore plus suspects.

Ils furent introduits tous les trois dans le bureau du commissaire, qui avait demandé à Bertier et à moi-même d'assister à l'entretien.

— Alors ! attaqua Renouf, on nous fait des cachotteries ?

— Quelles cachotteries ? demanda Pierre, intrigué, que voulez-vous dire ?

— Vous vous êtes bien gardés, tous les trois, de nous parler du déroulement de votre petite réunion familiale !

crimes et flagrants délires : Vendetta Normande - Histoire terminéeWhere stories live. Discover now