Chapitre 39 - Etat de choc

9 2 5
                                    

Renouf, Bertier et Sophie continuèrent à parler toute la nuit, en buvant des tasses de café pour se tenir éveillés. Pendant ce temps, les secouristes progressaient. Au petit matin, ils finirent par nous rejoindre.

6 heures du matin. Le téléphone du commissaire se mit à sonner. 

— Georges, j'ai une très bonne nouvelle à t'annoncer, dit le Colonel Lefrançois, les sauveteurs les ont retrouvés et ils sont en train de les ramener vers la sortie. Ils sont bien vivants. Ton jeune inspecteur va aussi bien que possible quand on a une jambe cassée. André Malandain va bien aussi. Ils sont simplement épuisés et un peu déshydratés. Ils vont être emmenés à l'hôpital de Rouen.

Sophie et Bertier étaient suspendus aux lèvres du commissaire. Une fois qu'il eut raccroché, il leur raconta ce qu'il avait entendu. Ma femme pleura de joie et se jeta dans les bras de Bertier qui lui aussi, avait la larme à l'oeil, mais, par pudeur, comme je le connais, il s'est sûrement retenu de montrer trop d'émotion.

Et voilà à peu près comment s'était déroulé notre sauvetage.

J'avais traversé les souterrains, sur une civière, dans un état de demi conscience. Ayant perdu beaucoup de sang et étant resté sans manger et sans boire pendant un long moment, j'étais affaibli et déshydraté.

Mes souvenirs étaient imprécis, ma perception des choses brouillée. Je ne suis pas sûr d'avoir vu les journalistes qui se pressaient à la sortie du souterrain et pourtant je crois les avoir vus quand même, comme si je flottais au-dessus d'eux. Toute notre aventure avait été racontée, ainsi que mon soi-disant exploit qui fut relaté dans les journaux. Je passais pour un héros, alors que la réalité était toute autre : je ne voyais rien d'héroïque dans ce que j'avais fait, que je considérais plutôt comme une idiotie dont je n'avais pas à me vanter.

Dès mon arrivée à l'hôpital, afin de ne pas trop me manipuler, on découpa mes vêtements pour me les enlever. Puis des infirmières me nettoyèrent et on m'envoya passer des radios. On a eu tout de suite le verdict : le fémur gauche était brisé net un peu au-dessus du genou, et les muscles et le tendon du quadriceps étaient très endommagés par le choc du rocher qui leur était tombé dessus. Je fus dès lors opéré en urgence pour réduire la fracture.

Le lendemain de mon opération, sous perfusion, la jambe plâtrée et suspendue en extension, mon visage et mon corps couverts de contusions et de coupures, j'étais dans un brouillard total car on m'avait administré de la morphine pour atténuer la douleur. Après de brèves périodes de réveil et d'endormissement, je restai dans cet état semi comateux pendant trois jours d'affilée.

André avait été mis en observation, mais son état étant jugé satisfaisant, on le renvoya chez lui dès le lendemain.

Puis, le quatrième jour, je repris conscience, mais mon esprit était complètement embrouillé. Je ne sais pas pourquoi, j'étais persuadé que j'étais hospitalisé à cause de l'accident de voiture qui m'avait beaucoup traumatisé alors que je n'avais pas été blessé quand il s'était produit. Mais cela peut se comprendre, quand on a eu peur de mourir noyé. Une contraction de mes souvenirs m'avait totalement fait oublier l'épisode du souterrain.

J'ai su par la suite que, lorsque Sophie vint me voir, prévenue par l'hôpital que j'avais repris connaissance, le docteur l'avait arrêtée au passage avant qu'elle n'entre dans ma chambre. Il lui a tenu ces propos :

— On l'a mis sous morphine pendant trois jours pour atténuer ses douleurs, et on a arrêté progressivement. Il n'a repris conscience que ce matin, mais il ne se rappelle de rien. Il pense être ici à cause d'un accident de voiture.

— C'est vrai qu'il en a eu un quelques semaines avant ces événements, avait-elle répondu. Il n'avait pas été blessé, mais il a vu la mort de près.

crimes et flagrants délires : Vendetta Normande - Histoire terminéeWhere stories live. Discover now