Chapitre 20 -Une filature ratée

12 2 13
                                    

Le lendemain, le commissaire nous demanda, à Bertier et moi, de venir dans son bureau pour faire le point sur les nouveaux éléments obtenus.

— J'ai appris, dit-il, par mes relations avec d'anciens résistants, des choses intéressantes concernant Marie Berton. Et il raconta par le menu tout ce qui était arrivé à cette famille. La mort de Jean dans les souterrains de Beaumanoir, la rumeur concernant le meurtre supposé de Berton par Malandain, démentie par son interlocuteur et la fin tragique de la mère de Marie, morte lors du mitraillage du train où elle se trouvait.

— Par ailleurs, il est important de préciser que dans les souterrains, des armes y ont été stockées, et certaines s'y trouvent sûrement encore.

— Pensez-vous, demandai-je alors, qu'il y aurait un mobile tel qu'une vengeance de la part de la fille Berton qui croirait, une fois adulte, à la thèse de l'assassinat de son père par Malandain ? Et que l'arme utilisée pourrait provenir du stock du souterrain ?

— Pourquoi pas, dit Renouf, et cela nous ferait un mobile de plus, ce qui rend cette affaire encore plus compliquée, mais j'ai du mal à m'imaginer Marie Malandain, avec son chignon, son tailleur et ses talons aiguille, utiliser une arme de guerre.

— Certes, mais elle nous a quand même menti sur son identité ! insistai-je. Je pense qu'on devrait l'interroger, voire la surveiller. Je ne lui fais pas confiance et j'ai la ferme intuition qu'elle nous joue la comédie de la blonde superficielle. Et pourquoi ne voudrait-elle pas se venger de Malandain, persuadée par la rumeur, que celui-ci aurait tué son père ? En s'en prenant d'abord à Pierre, puis à son père. La vengeance est parfois un plat qui se mange froid.

— Holà ! comme vous y allez, Gilbert ! Attention à ne pas vous laisser entraîner par votre imagination romanesque, dit le commissaire. Décidément, cette affaire est un vrai casse-tête ! dit-il en soupirant. Tout le monde aurait ainsi une raison, voire plusieurs, de vouloir la peau de ce pauvre Bernard Malandain.

Le commissaire avait pris connaissance du rapport de la Brigade financière. Les comptes de la société montraient beaucoup d'irrégularités, prouvant des détournements de fonds mais aucune trace de trafic quel qu'il soit n'avait été trouvée jusqu'à présent.

Il fut alors décidé que nous effectuerions, dans les prochains jours, une petite filature dudit Pierre Malandain.

Nous n'avions encore aucune preuve que celui-ci ait commis le meurtre et, au fur et à mesure de nos découvertes, nos soupçons s'orientaient plutôt sur une éventuelle complicité. Il semblait être plus un trafiquant qu'un meurtrier et qu'il se rendait probablement coupable d'activités plus ou moins illicites. Il fut décidé, pour cette raison, de surveiller discrètement ses allées et venues. Et, bien sûr, ces tâches nous furent déléguées, à Bertier et à moi. C'est ce qu'on appelle généralement « être en planque ».

Contrairement à mes habitudes, et sachant que ma dure journée se prolongerait une partie de la nuit, j'étais repassé chez moi pour changer de vêtements pour une tenue plus décontractée et je troquai mon costume pour une paire de jeans et un blouson de cuir, dans lesquels je me sentis plus à l'aise. Puis, à la nuit tombée, nous nous rendîmes au manoir et nous garâmes la voiture dans un recoin sombre, tous feux éteints, non loin de la grille d'entrée.

Cela faisait une demi-heure que nous attendions patiemment dans le noir et rien ne se produisait. Comme nous le faisions souvent, nous discutions de tout et de rien, Bertier et moi, à voix basse, bien sûr.

De quoi donc peuvent discuter deux policiers dans une voiture ? Des enquêtes en cours ? Certainement, mais au bout d'un moment, ça lasse ! De sujets plus légers comme des conquêtes féminines, dans des termes plus ou moins graveleux ? Etant mariés tous les deux et fidèles à nos épouses respectives, cela n'était pas d'actualité et Bertier, qui était mon mentor et modèle de vertu, je me sentais le devoir de m'aligner sur lui. Et puis, je ne suis pas un saint, je regarde souvent les jolies filles, mais cela s'arrête là. Je suis fidèle par nature, et j'aime trop ma femme pour avoir envie de la tromper.

crimes et flagrants délires : Vendetta Normande - Histoire terminéeWhere stories live. Discover now