Chapitre 32 - Branlebas le combat !

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Mon chef étant passé me prendre à la maison, nous nous réunîmes en fin de matinée, autour d'une table, dans le bureau du commissaire. Tous les deux me racontèrent par le menu tout ce qui s'était passé pendant mon absence.

Ils n'avaient pas chômé. Dès qu'il eut l'autorisation de perquisitionner, Bertier vint de bon matin, accompagné de Martineau et d'une armée de policiers en uniforme, au domicile de Pierre Malandain. Celui-ci fut passé au peigne fin, et les policiers tombèrent, comme par hasard, sur des plaques permettant d'imprimer de faux billets, bien cachées dans sa cave, derrière le bûcher destiné à alimenter sa cheminée.

Les gendarmes avaient donc raison, il était apparemment bien lié à ce trafic.

le maître des lieux, quasiment pris au saut du lit, était complètement ébahi et ne comprenait pas apparemment ce que ces plaques faisaient chez lui.

Il nia totalement en connaître l'existence. Il fut emmené manu militari à la PJ pour y être interrogé. Curieusement, sa femme était absente depuis quelques jours et il ne savait pas où elle était passée.

Après 48 heures de garde à vue et d'interrogatoires serrés, il commença par avouer qu'il avait détourné des fonds de sa société pour combler le déficit chronique de son compte personnel.

Interrogé sans relâche par le commissaire et Bertier, il craqua complètement et évoqua les dépenses excessives de son épouse, ses caprices, ainsi que le chantage continuel qu'elle exerçait sur lui en menaçant de le quitter, ce qu'il n'aurait pas supporté car il était littéralement fou d'elle.

C'était le schéma classique de la victime, totalement sous l'emprise de son bourreau et qui en était éperdument amoureuse. Le prévenu était un homme au bout du rouleau, au bord du suicide. Littéralement envoûté par son épouse, il était prêt à faire toutes les folies pour la satisfaire, pendant qu'elle le détruisait à petit feu en le poussant toujours plus à entrer dans l'illégalité.

Une sacrée mante religieuse !

Il avoua également qu'elle lui avait présenté des amis qui lui avaient prêté de l'argent dans un premier temps, en contrepartie de petits services tels que le transport de cigarettes de contrebande ou de marchandises volées. Et comme il ne pouvait pas les rembourser puisque le déficit se creusait à cause des caprices de Marie, ils se firent de plus en plus pressants. Il sentait le piège se refermer sur lui. L'angoisse le gagnait peu à peu. Comme la proie de l'araignée, il était entortillé dans une toile dont il ne pouvait se dégager.

Et quand sa tendre épouse lui avait fait comprendre que la mort de son père tomberait à point nommé, sa peur gagna du terrain.

Quand son père avait disparu, il avait secrètement espéré qu'il ne lui était rien arrivé et il avait activement participé aux recherches avec son frère. Et quand son corps fut retrouvé, outre le chagrin qu'il ressentait, il en fut épouvanté, étant à peu près sûr que Marie était derrière tout cela.

Il jura aux policiers que jamais il ne l'aurait tué, même pour de l'argent. Car, bien qu'il entretenait des relations conflictuelles avec lui, il lui vouait une admiration secrète, sentant malgré lui que jamais il ne serait à sa hauteur.

Il avoua enfin qu'il était soulagé et préférait la prison au cycle infernal où il avait été enfermé. Il serait aussi à l'abri d'éventuelles représailles de la bande. Il fut interrogé sur l'identité de leurs membres, mais il affirma ignorer leurs noms. Cependant, il ne put en identifier qu'un seul sur les photos qu'on lui présenta. Un dénommé Robert Cacheux.

Contrairement à Marie, celui-ci était fiché comme faisant partie du grand banditisme. Un type dangereux, apparemment !

Comment cette femme pouvait-elle faire partie de cette bande ? Mystère ! Un avis de recherche fut lancé contre elle et contre ce Robert Cacheux.

Puis, Pierre fut déferré en prison en préventive.

Puis, l'hypothèse qu'André Malandain, pouvait se trouver dans les souterrains de Beaumanoir fut évoquée. Etait-il la victime d'un enlèvement ? Ou était-il complice du meurtre ? La fenêtre de son studio à Rouen fracturée, les traces de lutte qu'on avait retrouvées avaient fait pencher la balance en faveur de son enlèvement, mais pour quelle raisons ? Et où était-il ? Dans ces fameux souterrains ? Et s'il était caché ailleurs ?

Il fallait commencer par ces souterrains. Si on ne trouvait rien, on élargirait le périmètre des recherches. C'est alors qu'on fit appel à moi.

— Ces souterrains sont nombreux et très étendus dis-je, en déployant le dessin des fameux plans que j'avais recopiés. Ils partent tous dans des directions différentes, mais du même point, c'est à dire de l'ancienne cuisine qui se trouve au sous-sol. Une des galeries va vers l'est et débouche près du mur de soutènement près de la Seine, et une autre vers l'ouest, qui se divise en quatre galeries qui débouchent plusieurs kilomètres plus loin dans la forêt à l'extérieur, au nord du domaine. L'une d'entre elles arrive derrière une chapelle abandonnée située au nord-ouest du manoir. La recherche sera ardue, étant donné le nombre de cachettes potentielles. Je suggère que nous nous fassions aider. Pourquoi ne contacterions-nous pas le Colonel Lefrançois qui nous avait auparavant proposé son aide ? Il pourrait nous prêter main forte et ses hommes constitueraient de précieux renforts.

— C'est une très bonne idée, répondit le commissaire. Lefrançois peut mettre beaucoup d'hommes à notre disposition. Je vais aussi demander à Henri Levasseur, ancien camarade de Bernard Malandain dans la résistance, de nous rejoindre, car il connaît bien ces souterrains.

Renouf appela son ami Henri Levasseur qui accepta de venir immédiatement à Beaumanoir, puis il nous demanda de passer à l'armurerie prendre des gilets pare-balles et un peu de matériel. On ne sait jamais, des gangsters pouvaient éventuellement se trouver dans les souterrains et nous tirer dessus.

Auparavant j'appelai Sophie pour lui dire que je rentrerai sûrement très tard, sans pouvoir préciser l'heure, et de bien s'enfermer, pour sa sécurité.

Le responsable de l'armurerie demanda quel type d'intervention nous devions faire et nous fournit deux gilets pare-balles renforcés, plus un autre pour Levasseur.

— Vous n'irez pas dans les souterrains en costume et en chaussures de ville. Je vais vous prêter des tenues plus appropriées.

Après avoir enfilé nos tenues, une sorte de treillis et de grosses chaussures, nous avions presque l'air de soldats. C'était la première fois que je portais un gilet pare-balles depuis la guerre d'Algérie et cela me rappela de mauvais souvenirs tout en renforçant mon impression que nous courions un danger réel. Alors, je sentis mes tripes se nouer. 

— Et pour vous repérer, reprit-il, il vous faut des boussoles, et aussi des lampes torches, ainsi que des cordages, et je pense qu'une barre à mine pourrait vous être utile. Je vous donne aussi une gourde au cas où vous souhaiteriez boire. Mais attention ! De l'eau uniquement, dit-il en plaisantant.

Le tout fut mis dans des sacs à dos. Chacun avait le sien.

— Gilbert, est-ce la première fois que tu fais ce genre d'intervention ? demanda l'armurier.

— Oui, en général mon travail d'enquêteur est bien plus calme, à part ces derniers temps.

— C'est donc ton baptême du feu ! Alors je te souhaite bonne chance ! Et il me fit une tape dans le dos. Et à vous aussi Jacques, soyez prudents tous les deux !

Je ne me sentis alors pas rassuré du tout, mais pas du tout ! Je regrettais presque d'avoir accepté de venir. Enfin, il fallait y aller et ne pas se défiler. Je pensai alors à Sophie qui m'attendait à la maison avec son petit être en devenir et, pour la première fois de ma vie, je priai le ciel pour revenir sain et sauf.

crimes et flagrants délires : Vendetta Normande - Histoire terminéeWhere stories live. Discover now