Chapitre 37 - Un plan d'attaque

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Pendant que nous étions endormis, coincés dans ce tunnel obscur, nos trois compagnons continuaient leur difficile progression.

Ils se sentaient physiquement et moralement épuisés, surtout Henri, le plus âgé des trois, qui frisait les soixante-dix ans. Ils désespéraient de rencontrer les secours. Ils s'arrêtèrent un long moment pour récupérer. Sur les trois lampes torches, une seule fonctionnait encore et ils craignaient que celle-ci ne s'éteigne à tout moment.

Soudain, ils entendirent des voix et virent un faisceau de lumière se diriger vers eux. Et c'est avec un intense soulagement qu'ils aperçurent enfin les silhouettes du Colonel Lefrançois et du commissaire Renouf, ainsi qu'une armée de gendarmes qui les suivaient.

Renouf, d'abord soulagé de les voir, s'inquiéta ensuite de notre absence, André et moi. Et les trois hommes qu'ils virent arriver étaient en bien triste état. Ils étaient épuisés, couverts de boue et de poussière et leurs vêtements étaient déchirés par endroits.

— Mais que s'est-il donc passé ? demanda Renouf. Nous avons entendu une explosion, et puis un bout de la forêt s'est effondré.

— Nous avons été attaqués par Marie Malandain, répondit Bertier. Elle nous a menacés avec une grenade dégoupillée. Gilbert s'est interposé alors qu'elle était sur le point de la jeter sur nous et il l'a lancée au loin. Mais celle-ci a explosé et a fait sauter toutes les munitions ainsi que la grotte où elles se trouvaient.

— Et où sont-ils maintenant ? s'inquiéta le colonel.

— Gilbert a été complètement enseveli car c'est lui qui était le plus proche de la grotte, mais par miracle, il n'a qu'une jambe cassée. La fracture a été probablement causée par la chute d'une pierre. Il a perdu pas mal de de sang, mais l'hémorragie semble avoir cessé et on a vu que la blessure n'était pas trop profonde. Cependant, il est intransportable et André Malandain est resté avec lui.

— Mais alors, qu'est devenue Marie Malandain ? demanda le commissaire.

— Tuée sur le coup, par une grosse pierre, qu'elle a reçu sur la tempe quand le plafond nous est tombé dessus, dit Bertier. 

— Eh bien elle va définitivement échapper à la justice, dit Renouf. L'affaire sera sûrement classée par le procureur. Mais si j'avais su que c'était aussi dangereux, je ne vous aurais pas demandé d'y aller. C'est comme si je vous avais envoyés tout droit au casse-pipe.

— Commissaire, vous ne pouviez pas prévoir que cette folle était présente et avait l'intention de tout faire sauter ! dit Bertier.

— J'aurais dû le prévoir. Maintenant, le mal est fait !

On m'avait aussi rapporté les propos d'Henri à mon sujet. C'était plutôt flatteur, mais, à mes yeux, pas du tout le reflet de la réalité. Il me voyait comme un héros, alors que moi, je considérais avoir agi plutôt comme un idiot impulsif, un inconscient. A chacun sa façon de voir, selon l'angle à partir duquel il se place.

— Gilbert, avait-il dit, il mériterait la croix de guerre ! Il s'est jeté sur la folle qui nous menaçait, lui a arraché la grenade qu'elle venait de dégoupiller et l'a jetée au loin. Il nous a sauvé la vie ! Moi-même, je n'aurais jamais osé faire une chose pareille. Il aurait pu être tué.

J'ai su ensuite que mon chef n'avait rien dit à ce moment-là. Il n'avait fait aucune mention de mon acte de bravoure inutile et je lui en serai éternellement reconnaissant. Il s'était simplement contenté d'écouter placidement, en hochant la tête comme il en avait l'habitude.

— Nous allons les rejoindre, dit Lefrançois, mais ce n'est pas la peine que vous retourniez là-bas.

— Ce ne sera pas une partie de plaisir, répondit Bertier. La moitié du souterrain s'est écroulée, probablement à la suite d'infiltrations, nous avons dû ramper dans des passages étroits, dégager des endroits partiellement bouchés par les éboulements pour pouvoir passer, et parfois marcher dans l'eau. Cela relèverait presque de la spéléologie. C'est impossible de ramener un blessé dans ces conditions et André Malandain est assez affaibli à la suite de sa captivité.

— Ce serait plus simple et moins risqué de les faire sortir par le trou causé par l'effondrement de la grotte, puisqu'ils en sont assez proches, dit Lefrançois après un temps de réflexion. Il faudrait pouvoir dégager les blocs de pierre de la cavité, puis faire intervenir des spéléologues. Vous ne vous en êtes pas rendus compte, mais le bosquet au-dessus s'est complètement effondré.

— C'est bien ce que je craignais, dit Henri. J'ai vu que le sol était complètement érodé. Nous pouvions voir les racines des arbres sortir du plafond. Et puis, les autres souterrains sont inutilisables.

— La nuit va tomber vite, dit Lefrançois. Je crains que nous ne puissions plus agir aujourd'hui. Ils vont rester bloqués toute la nuit là-dedans.

— Il faut prévenir la femme de Gilbert que son mari ne reviendra pas ce soir. Je ne sais pas comment le lui annoncer, dit Bertier.

— Je m'en charge, dit Renouf. Je vais l'appeler et lui expliquer la situation, sans trop lui donner de détails. Ce n'est pas la peine de l'inquiéter davantage, elle a déjà eu son compte de frayeurs. Rentrez donc chez vous et reposez-vous. Vous en avez bien besoin. Le reste, on s'en charge.

Il fut quand même décidé que des sauveteurs soient dépêchés pendant la nuit, quitte à éclairer le champ des opérations avec de puissants projecteurs. Le colonel et les gendarmes resteront sur place.

Tout le monde quitta donc les souterrains.

Sophie fut prévenue par le commissaire lui-même, une fois qu'il était revenu à la PJ. Il lui précisa qu'il resterait toute la nuit au commissariat pour suivre le déroulement des événements. Elle demanda à venir le rejoindre car elle ne voulait pas rester toute seule chez elle en proie à l'angoisse. Martineau passa donc la prendre.

Bertier rentra chez lui pour prendre une douche, se changer et se reposer. Finalement, au bout de deux heures, il revint au commissariat.

— Tiens ? Vous êtes donc revenu ? demanda le commissaire, étonné,

— L'idée que Gilbert soit coincé dans cette fichue galerie m'empêche de dormir, et, bien que je sois complètement épuisé, je préfère rester avec vous pour avoir des nouvelles, répondit-il.

— Alors, nous serons trois à veiller cette nuit, répondit Renouf en désignant Sophie.

Et la longue attente dans le bureau du commissaire commença.

La nuit promettait d'être longue. Sophie et Bertier se tenaient assis face à Renouf. Celui-ci demanda au planton qui était d'astreinte cette nuit-là de leur préparer une cafetière bien remplie de café fort.

— Je suis navrée de venir vous importuner, Commissaire Renouf, dit Sophie, mais je ne me sentais pas le courage de rester seule, et surtout dans mon état.

— C'est bien naturel, lui répondit-il, et cela nous donne ainsi l'occasion de faire plus ample connaissance, et aussi, de parler ensemble de celui dont nous attendons le retour avec impatience.

— J'ai très peur pour lui, vous croyez qu'il va s'en sortir ?

— Bien sûr que oui, répondit Renouf, en essayant d'être le plus rassurant possible. Nous savons qu'il est vivant et qu'il a une jambe cassée. Ce n'est pas si grave. Et il n'est pas seul, André Malandain est resté à ses côtés. Les sauveteurs sont en train de dégager un passage pour aller les chercher tous les deux. Seulement, cela peut prendre toute la nuit, car l'accès est difficile.

Pendant ce temps, le colonel Lefrançois dirigeait les opérations. Des projecteurs avaient été installés, et des spéléologues étaient descendus en rappel dans le gouffre pour examiner le terrain. Malheureusement, les éboulis étaient bien trop instables et les dégager représentait un trop grand danger. Lefrançois opta finalement pour la première solution : revenir nous chercher par le souterrain débouchant derrière la chapelle, mais cette fois-ci, avec des moyens bien plus importants.

Toutes les casernes de pompiers des environs furent appelées, ainsi que des soldats du génie militaire.

Des sapeurs-pompiers, armés de pioches, dégageaient les pierres des parties éboulées, d'autres les transportaient dans des brouettes, et les évacuaient au fur et à mesure. Les parties du souterrain fragilisées furent systématiquement étayées au fur et à mesure, comme dans une mine, par des soldats du génie. Heureusement, de longues parties étaient encore intactes et l'on pouvait y progresser plus rapidement.

Il y avait cinq kilomètres de galeries à franchir pour nous rejoindre. Du long travail en perspective.

(à suivre...)

crimes et flagrants délires : Vendetta Normande - Histoire terminéeWhere stories live. Discover now