Chapitre 27 - Ce cher Danny !

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Après cette longue explication sur les origines de ce terrible drame irlandais, le professeur respira profondément, reprit son calme et continua, d'une voix plus posée.

— Il y eut par conséquent une grande vague d'immigration de survivants vers les Etats-Unis. Et c'est à cette occasion que notre lien familial avec les Malandain prit naissance. Cette histoire est très romantique. En 1848, Mary O'Reilly, âgée de vingt ans, prit un bateau pour fuir l'Irlande. Elle avait perdu toute sa famille proche : son père, sa mère et ses frères et soeurs étant morts de faim. Ses oncles et tantes, qui sont mes ancêtres, avaient survécu, mais vivaient dans une autre région d'Irlande. C'est pourquoi, quasiment seule au monde, elle voulait absolument quitter le pays. Le bateau qu'elle devait prendre était un navire de commerce, une goélette, qui partait de Cork et qui devait faire escale au Havre pour prendre des marchandises, puis repartir pour l'Amérique. Mais il y eut alors une terrible tempête lors de la traversée de la mer d'Irlande pour contourner l'Angleterre par le sud, au cours de laquelle l'imprudente Mary, prise par le mal de mer, voulut rester sur le pont pour prendre l'air. Elle faillit alors être emportée par une lame. Le capitaine du bateau, originaire du Havre, lui aussi présent sur le pont à ce moment-là, la sauva de justesse au péril de sa vie et ce fut le début d'une grande histoire d'amour. Ce beau et brave jeune homme s'appelait Pierre Malandain, premier du nom. Vous connaissez le deuxième. Finalement, elle n'alla pas en Amérique. Elle resta donc en France et épousa son beau capitaine. Comme on dit dans les contes de fées, « ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants » dit le professeur en souriant.

— Donc, demandai-je, Bernard Malandain et ses fils ont des origines irlandaises ?

— Oui, par leur aïeule du côté paternel. D'ailleurs, c'est Pierre Malandain, ayant fait fortune par la suite, qui a acheté le manoir pour s'y établir avec sa femme, dans les années 1850.

— Mais alors, vous le cousin ?

— Moi, je suis issu de la branche restée en Irlande et j'ai retrouvé ma famille française totalement par hasard, lors de recherches archéologiques qui m'ont mené à Beaumanoir. Comme j'étais francophile et spécialiste de l'histoire de la Normandie, j'ai décidé de m'y établir, dans les années 1920, pour fuir l'Irlande à cause de cette terrible guerre civile qui sévissait. J'ai fini par acquérir la nationalité française des années après. Mais je ne suis jamais revenu en Irlande, je n'y ai plus de famille. Elle s'est complètement éteinte, et je finirai mes jours ici.

Il avait dit cela avec un fond de tristesse apparaissant dans son regard.

Soudain, je compris pourquoi son nom me semblait familier. Phonétiquement, le nom de O'Reilly m'avait fait penser à Aurilly.

— C'est drôle, dis-je, mon parrain s'appelait Michel Aurilly, phonétiquement, cela ressemble un peu à votre nom.

A ces mots, le professeur sembla sursauter. Il se figea, mais ne dit rien. Il me regarda fixement et dit :

— Je n'ai vraiment vu pas votre visage, pourriez-vous s'il vous plait enlever votre casquette ?

Etonné, je le fis et O'Reilly me scruta longuement, ce qui me mit un peu mal à l'aise.

— D'après votre physique, vous avez certainement des origines scandinaves, du fait de votre grande taille et de vos cheveux clairs. Les Irlandais, tout comme les Normands, ont été envahis par les vikings et des traces subsistent dans leurs gênes et beaucoup d'entre eux ont un physique proche du vôtre. Vous permettez que je vous regarde de près ?

Il prit mon visage entre ses mains et le scruta longuement.

— D'ailleurs, quand je regarde votre physionomie, j'y vois des caractéristiques celtiques que l'on rencontre fréquemment en Irlande : visage globalement triangulaire, assez longiligne, pommettes bien marquées, les yeux légèrement étirés vers les tempes, menton ferme et légèrement saillant. Assurément, vous avez un peu d'Irlandais et de nordique en vous ! D'où votre famille provient-elle ?

crimes et flagrants délires : Vendetta Normande - Histoire terminéeWhere stories live. Discover now