Chapitre 42 - Miracle mécanique

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Lorsque j'eus fini de lire ce journal, un sentiment glaçant s'empara de moi. Ce qui était écrit représentait quasiment mot pour mot ce que j'avais deviné. Comme si mon esprit s'était relié au sien, qui était diabolique ! Aurais-je un don de divination ou un fort pouvoir de déduction ? Je pencherai plutôt pour la deuxième version, cette explication m'apparaissant plus rationnelle et surtout plus rassurante.

Sinon, au pire, si je perdais mon boulot, je pourrai me recycler en médium, voire me déguiser en Madame Irma et exercer dans les cirques.

En attendant, je trouvai le temps long, très long et cet hiver pluvieux qui n'en finissait pas n'arrangeait rien et me rendait irritable.

Je rongeais mon frein à l'idée de rester à la maison sans rien faire pendant que les criminels que nous pourchassions étaient encore libres comme l'air. Pour tuer le temps, je passais mes après-midi devant la télé en regardant des émissions destinées aux femmes au foyer. C'est là que je suis devenu féministe. Les hommes devraient de temps en temps regarder les émissions destinées aux femmes. Je me suis aperçu combien celles-ci étaient sclérosantes.

C'est aussi là que je constatai combien elles étaient enfermées dans leur rôle. Sois belle et tais-toi, et surtout, fais bien la cuisine, achète la bonne lessive, assure bien le repos de ton guerrier de mari, quand celui-ci reviendra du boulot, exténué, et parfois plein de rancœur contre son patron.

Sophie obéissait à ces injonctions, plus ou moins de son plein gré. De son plein gré ? je n'en étais pas sûr à cent pour cent. En tout cas, elle ne se plaignait pas. Elle avait abandonné son travail de secrétaire quand nous nous sommes mariés, pour s'occuper de son brave policier de mari. Et moi, comme un égoïste, je ne me rendais pas compte de tous les miracles qu'elle accomplissait pendant la journée.

Chaque jour, ma petite fée vaquait vaillamment à ses occupations, la maison tournait comme une horloge et quand je rentrais le soir, souvent tard, tout était rangé, récuré, les vêtements lavés, les chemises repassées, le repas prêt, et moi, je ne m'apercevais de rien. J'arrivais, souvent assez tard, pour me mettre directement les pieds sous la table. Et en plus, elle écoutait sagement, sans broncher, mes récriminations au sujet de tel ou tel collègue. Parfois, découragé par les échecs rencontrés dans mes enquêtes, je ne disais rien. Et elle supportait mes silences comme mes accès de colère.

Une sainte !

Elle veillait sur le repos du guerrier, tout en entretenant avec un soin jaloux le cocon familial au sein duquel, chaque soir, je reprenais des forces.

Mais maintenant, c'était autre chose. Je voyais bien tout ce qu'elle faisait, et constatant qu'elle peinait à cause de son ventre de plus en plus volumineux, j'essayais de l'aider, en marchant avec ma canne.

Nous voilà bien, tous les deux : elle, handicapée par son gros ventre, et moi, boitillant en me reposant sur ma canne. Heureusement, je l'aidais en effectuant les menus travaux que je pouvais faire assis, comme par exemple, éplucher les patates, ou faire la vaisselle en m'appuyant sur le rebord de l'évier.

Je me sentais coupable. Mon incapacité à l'aider plus assombrissait parfois mon humeur. Et pire encore, le fait de rester inactif alors que les malfrats sévissaient me rendait de plus en plus irritable. Je tournais en rond comme un lion en cage, et de légèrement irrité, je devins parfois invivable.

Pauvre petite Sophie ! Je ne suis pas fait pour rester à la maison. Heureusement que mes collègues égayaient parfois mes fins d'après-midi en venant me voir de temps en temps et me donnant les nouvelles de la PJ autour d'une tasse de café. Cela lui donnait un peu de répit. Mais ce n'était pas souvent, car ils étaient fortement occupés, eux !

crimes et flagrants délires : Vendetta Normande - Histoire terminéeWhere stories live. Discover now