Chapitre 23 - Une entrée secrète

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Bizarre, en effet, cette zone plus propre. Je commençai à la tâter pour savoir ce qu'il y avait derrière.

— Faites attention ! dit Honorine, vous allez vous salir, c'est plein de suie là-dedans !

— Justement, il n'y en a presque plus à cet endroit. C'est étrange ! Pourriez-vous me prêter votre lampe de poche s'il vous plait, je vais y regarder de plus près.

Honorine me la tendit et je commençai à explorer minutieusement l'intérieur du foyer. Près de la zone plus claire, je vis une manette en fer et la tirai vers le bas. Un déclic se produisit et une partie du mur en briques réfractaires du fond s'ouvrit dans un grondement sourd.

Louise Malandain et Honorine se regardèrent, ébahies. Moi aussi, j'étais fortement surpris par ma découverte, digne d'un roman du Club des Cinq.

Braquant la lampe dans la cavité, j'entrevis les marches en pierre d'un escalier en colimaçon. Par curiosité, je m'engouffrai dans l'ouverture et commençai à descendre.

Inquiète, Mme Malandain cria :

— Soyez prudent, on ne sait pas dans quel état est cet escalier ! Je n'ai pas envie que vous ayez un accident.

Je la rassurai et, descendant prudemment, j'arrivai dans un long couloir souterrain rempli de toiles d'araignées. J'entendis des couinements furtifs et je me demandai s'il n'y avait pas des rongeurs dans le coin.

Au bout de quelques minutes, la lampe s'éteignit. J'eus beau appuyer sur le bouton à plusieurs reprises, la lumière ne revint pas. Tout à coup, quelque chose me frôla la cheville. Pas très rassurant !

— Je suis dans le noir, je dois remonter. Je crois que les piles de la lampe sont usées, criai-je.

Et soudain, un doute m'envahit. Et si j'avais trop fait confiance à Louise Malandain et à Honorine ? J'étais entré sans réfléchir en ne prenant aucune précaution. Et si l'assassin pouvait être l'une d'entre elles ou même les deux ? Elles pourraient très bien refermer la porte et me laisser moisir dans cet obscur souterrain pour le restant de mes jours, en compagnie des rats. A ce moment précis, j'ai maudit mon insatiable curiosité.

Le coeur battant, je revins sur mes pas, à tâtons, me cognant dans les murs et remontai l'escalier aussi vite que possible. Je fus soulagé quand je vis l'ouverture éclairée.

Heureusement, elles m'ont attendu. Cela prouve qu'elles ne sont sûrement pas coupables, pensai-je.

Comme à chaque fois que je partais en expédition, je n'avais pas la tenue appropriée et mon costume était encore sali, plein de poussière et de toiles d'araignées. J'avais toujours le chic pour esquinter ou salir mes vêtements, ce qui me valait fréquemment les récriminations de Sophie, bien justifiées d'ailleurs.

Une fois revenu dans le foyer, j'actionnai la manette de nouveau et la porte se referma.

— Bon, c'est tout pour aujourdhui, dit-je. Il faudra que je revienne explorer ce souterrain et voir où il débouche. Il faut aussi que je fasse attention aux rats, car jai entendu pas mal de couinements et j'ai senti des choses vivantes me frôler les chevilles. Mais surtout, je vous en prie, ne parlez de ce souterrain à personne ! Si le meurtrier est encore ici et qu'il l'apprend...

— C'est promis, inspecteur, nous nous, tairons, dit Louise. Je vais maintenant vous offrir une bonne tasse de thé, mais auparavant, vous passerez par la salle de bains, vous avez de la suie sur les mains et sur le visage. Honorine, pourriez-vous nous apporter une brosse pour nettoyer ses vêtements ?

Un bon thé réconfortant nous fut servi dans le salon avec des gâteaux et je repartis, bien content. J'étais certain que ma théorie du souterrain ayant permis au meurtrier de perpétrer son crime et de s'enfuir sans qu'on le voie semblait plausible, mais je n'avais pas pu aller plus avant dans mon exploration. Il ne me restait plus qu'à l'expliquer à Bertier et de le convaincre que ce n'était pas une simple lubie de ma part ou un effet de mon imagination débridée.

Cependant, l'arme du crime, bien qu'ayant été identifiée, n'avait toujours pas été retrouvée, et cela me tarabustait aussi.

De retour chez moi, j'étudiai de nouveau les plans du domaine et ceux des souterrains. Je me demandai, si toutefois le meurtrier était passé par là, où pouvait donc se trouver cette arme. Avait-elle été abandonnée dans les souterrains et cachée parmi celles qui y étaient stockées ? Et là, c'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Ou alors, avait-elle été jetée à la Seine avec le corps ? Ou emportée par le meurtrier ?

Le lendemain, je fis part à mon supérieur de la découverte de l'entrée du souterrain. Bien entendu, il ne fut pas content que je sois allé au manoir sans lui en parler.

— Et si le souterrain s'était effondré sur toi ? Ou s'il t'était arrivé quelque chose ? Tu es vraiment incorrigible. Un vrai gamin ! Ta dernière expédition dans les marécages ne t'a donc pas suffi ?

Après avoir poussé un grand soupir, et à ma demande insistante, il condescendit à venir avec moi, rien que pour me prouver une fois de plus que j'avais tort et que je m'étais laissé emporter par mon imagination.

— Il y a peu de chances que l'arme se trouve encore dans le manoir, dit-il. Ou alors, le meurtrier a vraiment l'esprit tordu. Enfin, on peut essayer, on ne sait jamais ! Avec un peu de chance. Mais, si on ne trouve pas, on jette l'éponge ! On n'a pas de temps à perdre avec ça.

Une fois arrivés là-bas, après avoir récupéré la clef auprès d'Honorine, nous descendîmes tous deux dans l'ancienne cuisine. Puis, je montrai à Bertier, qui pour une fois, avait l'air étonné, l'ouverture du passage secret et lui expliquai comment elle avait été trouvée grâce aux plans.

— J'avais commencé à explorer le souterrain, dis-je, mais la lampe s'est éteinte et jai dû remonter.

— Bon, ton hypothèse a l'air intéressante, dit-il. On va allez voir ce qu'il se passe là-dedans.

Nous nous engageâmes tous les deux dans le tunnel, éclairés avec ma propre lampe torche et au bout d'un moment, plan en main, je pris le souterrain de droite, vers l'est, ce que je supposais être le tronçon menant vers la Seine.

Nous eûmes beau tous les deux examiner ses parois, le sol et la voûte, pas de trace de l'arme, et pas de recoin ou d'anfractuosité permettant de la cacher. Le souterrain était en parfait état et nous pûmes le parcourir sans peine. Arrivés vite au bout, nous constatâmes qu'il débouchait bien au pied du mur de soutènement, vers l'extérieur, là où commençait la petite forêt de saules et de peupliers menant vers la Seine. D'après les rapports de la balistique, il était probable que le coup de feu avait été tiré de cet endroit vers le parc.

Nous regardâmes également autour de la sortie du souterrain, dans les buissons, mais pas de trace de l'arme non plus.

— Bon, encore une fois, tu t'égares, dit-il. Mais la découverte de ce souterrain n'est pas totalement inutile. Le coup de feu a sûrement été tiré dans ces environs et il est possible que le meurtrier l'ait emprunté, mais il a été trop malin pour laisser son arme trainer.

— Surtout que la porte de l'ancienne cuisine a été rabotée et les gonds huilés, à l'insu de tout le monde. C'est aussi ce qui m'a incité à faire des recherches de ce côté-là, dis-je.

Nous décidâmes de revenir en arrière par le souterrain et rentrâmes dans la cuisine par où nous étions venus. J'étais très déçu de ne avoir pas trouvé l'arme du crime.

Bon sang ! elle doit bien être quelque part ! je suis sûr que le meurtrier l'a cachée pas loin d'ici. En tout cas, c'est sûr, il est passé par ce souterrain.

crimes et flagrants délires : Vendetta Normande - Histoire terminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant