♀CHAPITRE 34♀

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Cela faisait bien deux bonnes grosses heures que je marchais dans Paris. Un Paris toujours aussi pressé, aux rues bondées. C'est comme si tout allait bien, comme si la vie avait toujours été comme ça. Les hommes prenaient le métro, étaient attablés aux terrasses de café, s'attardaient dans les parcs. La vie battait son plein. Cela me fit un pincement au cœur. Je me sentais tout d'un coup complètement inutile.

Je mangeai une barre de céréale, tout en marchant en rasant les murs, la capuche sur la tête. Je n'en avais croisé aucun. Pourtant, c'était les heures auxquelles ils faisaient leurs rondes. Je continuai mon chemin, scrutant les rues à la recherche des hommes en noirs.

Finalement, je repérai un de leurs véhicules. Pendant deux ans, deux longues années, j'avais passé mon temps à les fuir. Et aujourd'hui, je m'apprêtais à me jeter dans leurs bras. Mais c'était pour la bonne cause, j'en était convaincue. Je rodais près du camion, mais ne voyait aucun homme en noir à l'horizon.

Je les trouvais enfin au bout de dix minutes, attablés à une terrasse de café. Le tout était d'attirer leur attention sans que ce soit trop flagrant. J'évaluai la situation, et décidai de me lancer. A quelques mètres devant eux, je dérobais discrètement (mais pas trop) le portefeuille d'un homme. Comme je l'avais prévu, il hurla au voleur, tout en me poursuivant. J'arrivai au niveau des traqueurs, mon cœur accélérait à la vitesse de la lumière, l'espace d'une seconde je regrettai ma décision, mais l'un d'eux se leva et me plaqua au sol. Je me débattis comme une lionne. Je pris conscience de ce que je venais de faire, mais il était trop tard pour faire marche arrière. L'homme en noir me releva brusquement, et retira ma capuche. Son collègue écarquilla les yeux et s'approcha.

— Regardez ce qu'on a là, dit-il.

Il prit un scanner et le positionna devant ma rétine.

— C'est bon, dit-il.

Ils me passèrent les menottes. Cela me faisait rire intérieurement. Ils étaient censés nous emmener dans un lieu sûr, où nous serions soignées. Leur façon de faire n'étais pas vraiment en accord avec leurs grands discours.

Ils me poussèrent jusqu'au camion, en entrant je découvris d'autres filles. De jeunes filles, presque toutes de mon âge a vue d'œil. Un silence régnait à l'arrière de la camionnette lorsqu'ils me firent monter. Je devais être leur dernière prise du jour puisqu'il prirent immédiatement la route. Pendant le trajet, je me demandai si les autres avaient remarqués mon absence. Peut-être que Sacha dormait encore. Peut-être que Maxime serait triste ? Bon sang, je devais vraiment arrêter de penser à lui !

Le trajet fut long, et très ennuyant. Lorsque nous nous arrêtâmes, le stress commença à prendre possession de mon corps. Les deux hommes nous firent sortir, et nous nous retrouvâmes devant l'entrée d'Heaven.

Au-dessus de nos têtes se dressaient deux grandes ailes en pierre blanche. C'était beaucoup plus impressionnant vu de près. Nous fûmes mises à la file indienne et escortées jusqu'à la grande porte d'entrée. Nous traversâmes une grande cour de bêton, gardée par des hommes en combinaison et armés. Etait-ce vraiment comme ça que les états voyaient le paradis ? J'avais plutôt l'impression d'aller en prison.

Un homme derrière un grand bureau blanc semblait nous attendre dans le Hall. J'étais la première de la file, et l'homme en noir me poussa jusqu'à l'homme au guichet.

— Nom, prénom, Âge. demanda-t-il froidement.

— Noa Leroy, 19 ans.

— C'est bon, à droite, marmonna-t-il. Suivant !

Cette procédure me rappela mes cours d'Histoire sur les guerres mondiales, je frissonnai. Je fus séparée du reste du groupe et mise dans une pièce d'une blancheur aveuglante. C'était indéniablement un cabinet médical au vu des meubles de l'endroit.

Au bout de quelques minutes une femme se présenta, et congédia l'homme. Je fus surprise, puis je me rappelais la théorie d'Adam. Elle devait être stérile. J'hésitai à lui poser la question. Je me ravisai au dernier moment.

— Alors, ton nom, grogna-t-elle.

— Leroy.

Elle releva la tête, probablement à cause du ton sur lequel j'avais répondu. Elle soupira et commença à m'ausculter. Une fois qu'elle eut terminé, elle rappela le garde. Celui-ci me poussa dans le couloir où je retrouvai les filles du camion. Nous marchâmes quelques mètres avant d'entrer toutes dans une nouvelle salle blanche. On nous distribua des habits : chemises blanche et pantalon blanc. Ils prenaient un peu trop au sérieux le mot " Heaven ". Ils se croyaient vraiment au paradis. Un homme vînt nous récupérer, toujours sans nous dire quoi que ce soit. Il nous fit signe de le suivre, ce que nous fîmes. Les filles ne bronchaient pas, elles étaient probablement résignées.

Nous traversions des couloirs, et nous passâmes devant une immense baie vitrée d'au moins deux mètres de haut, qui donnait sur un très grand parc de jeu d'intérieur. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai regardé de l'autre côté. Et je l'ai vu, parmi les autres petites filles. Elle était là, jouant le sourire aux lèvres. Dans ma poitrine se fut comme un feux d'artifice, mon cœur battait la chamade, des larmes de joie s'immiscèrent à la commissure de mes yeux. Sans réfléchir aux conséquences, je me jetais contre la vitre de plastique.

— Élisa ! Hurlé-je. Élisa je suis là !!!

Les filles et l'homme qui m'escortait se retournèrent en sursautant de surprise. Je hurlais à m'en déchirer les poumons, à m'écorcher la gorge. Élisa finit par tourner la tête vers moi, j'eût à peine le temps de la voir courir dans ma direction, qu'on m'emmenait déjà loin d'elle. Je me débattais de toute mes forces, je voyais son visage d'ange tordu de tristesse. Sa tête collée à la vitre, je la voyais pousser des cris sans les entendre. Mon cœur se déchirait en deux. Les hommes me maintenaient fermement alors que j'hurlais à ma sœur que j'allais venir la chercher. Que je ne l'abandonnerais pas. Mes cris se mélangèrent à mes sanglots, et une douleur aiguë dans mon bras me fit tourner violemment la tête. Comme une bête enragée je criais sur ses gens, je pleurais, mais j'étais trop faible. La dernière chose que j'avais vu était Elisa, emmenée par une femme aux lunettes ronde. Puis ce fut un rideau de larmes qui bloqua ma vue, suivie d'un blackout total dans mon cerveau. 

HEAVENOnde histórias criam vida. Descubra agora