♀ CHAPITRE 47 ♀

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Nous courions dans les couloirs, sans regarder derrière nous. Les filles étaient particulièrement silencieuses, ce qui nous arrangeait bien. Mais quelque chose perturba ce faux calme : un coup de feu. Puis un autre, comme en réponse au premier. Je me souvins alors de l'idée d'Adam : donner des armes aux civils. Une idée plutôt stupide à vrai dire.

Alex se retourna vers moi, le regard vide. Je lui faisais signe de continuer à avancer. Nous arrivâmes finalement dans un couloir, où nous faisait face une grosse porte à double battant, avec un boîtier à code pour l'ouvrir. Les lumières rouges du couloir se reflétaient sur les poignées de fer de la porte. Alex se mit alors à courir en direction de l'issue. Mon cœur jouait de la batterie dans mon thorax. Grâce au Black-out, nous pourrions normalement sortir sans problème. D'un coup de hanche, il fit pression sur les poignées de fer, ouvrant la grande porte.

Nous nous trouvâmes alors sur le parking privé d'Heaven. Des gens courraient dans tous les sens, des coups de feu retentissaient. Alex nous emmena à l'abri derrière une voiture. Les filles étaient en panique, et je tentais de rassurer Élisa, en vain. Alex me regarda longuement.

— Noa, je suis désolé.

— De quoi.. ?

— Vous garder avec moi serait trop dangereux, je vais prendre ma fille et l'emmener, il vaut mieux nous séparer. Je suis sûre que tu sauras t'occuper d'Elisa, bonne chance...

Sur ces mots, il s'élança dans le parking et disparut derrière les voitures. Je ne réalisais pas encore, Alex m'avait abandonné. Nous étions seules. Au beau milieu d'une guerre entre les civils et Heaven. Je m'apprêtais à passer la tête près du coffre de la voiture, pour m'assurer que la voie était libre, lorsqu'un homme tomba à la renverse devant nous. Un frisson de peur me remonta le long du dos. L'homme était mort, criblé de balles. Par reflexe je lui cachai les yeux, la portant à l'autre bout de la voiture. Sa respiration se faisait de plus en plus pressante. Il fallait qu'on sorte d'ici, et vite.

Élisa toujours dans les bras, je m'élançai et me cachais derrière une voiture vingt mètres plus loin. Il fallait avancer petit à petit, en restant prudentes. Ma petite protégée s'agrippait à moi de toutes ses forces. Plus on se rapprochait de l'entrée, plus les coups de feu s'intensifiaient. Des gémissements terribles déchiraient l'air, mélangés aux tirs, créant une symphonie abominable.

Je m'élançai de nouveau vers une voiture un peu plus en avant, lorsque je me stoppai net. Un homme s'était arrêté de courir face à moi. Cet homme, à la barbe blanche et au visage rond, Franck. J'étais soulagée, il allait nous faire sortir, il avait probablement une voiture. Je posai Élisa au sol, laissant mes nerfs à vif se calmer. J'allais m'avancer vers lui, lorsqu'il leva son bras droit vers moi. Tout l'espoir que j'avais osé nourrir jusqu'à présent retomba lourdement. Il tenait un revolver dans sa main.

— Franck ? Dis-je la voix tremblante. Qu'est-ce que vous...

— Donnez-moi Élisa.

— Pardon ? M'étouffai-je. Mais enfin, qu'est-ce q...

— Vite, postillona-t-il. Donnez-la-moi ! Grâce à son sang, je serais celui qui a sauvé l'humanité !

La petite s'agrippa à ma jambe, se cachant à moitié derrière moi. Le désespoir menaçait de me submerger. Il était devenu fou.

— Franck, vous savez que je ne vous la donnerai pas, vous savez que je viens avec elle.

Son visage se ferma, je ne voyais plus dans ses yeux que de la haine. Il tendit les muscles de son bras, il était en train de me viser. Je crispai les miens, les dents serrées.

— Je vais tirer ! Vociféra-t-il.

Au fond de moi, je savais qu'il ne le ferait pas. J'espérais. Il y avait Élisa tout de même ! Mais pourtant, le canon de l'arme était toujours pointé dans ma direction.

Puis, tout se passa très vite. Un coup de feu, quelqu'un qui s'interpose, un corps qui tombe au sol. Je ne réalisais pas encore, j'étais en vie, mais pourtant Franck avait tiré. Elisa hurlait et pleurait à chaudes larmes, tout en secouant mon pantalon. Je posais mon regard sur une forme floutée par mes larmes. Quelqu'un s'était pris la balle à ma place. Lorsque l'individu au sol tourna la tête dans ma direction, mes jambes me lâchèrent et je tombais au sol, à hauteur de la petite. La bouche béante, je pleurais. J'avais l'impression d'avoir avalé une grosse boule de coton. Je rampai près du corps du garçon. Les bruits autour de moi ne formaient plus qu'un seul et unique son, bourdonnant dans mes oreilles. Je ne remarquai plus la présence des autres personnes autour.

— Non, non, non, pleurai-je la gorge nouée.

Il me sourit faiblement, pourquoi est-ce qu'il avait fait ça ?! Qu'est-ce qui lui avait pris ? Je tremblais comme une feuille, les yeux rivés sur la tache rouge qui s'élargissait de secondes en secondes. Je cherchai quelque chose pour stopper l'hémorragie, et sans réfléchir, je retirais mon haut. Je le froissai en boule et fis pression sur la plaie. De sa grande main, il attrapa mon poignet, comme pour me dire que c'était inutile.

— Maxime ! Hurlai-je. Tu ne peux pas mourir, t'as pas le droit de me faire ça !

Il me sourit simplement, laissant s'écouler un filet de sang du coin de sa lèvre. Je hurlais à m'en déchirer les poumons, à m'en écorcher la gorge. J'appelai au secours, en vain. Le regard vide de Maxime était plongé dans le mien. Je le secouai, lui ordonnai de ne pas me laisser. Mais c'était trop tard, il était parti. Mon cerveau se recouvrit d'un voile de velours noir. Ma vue devenait de plus en plus floue. Et j'avais cette irrésistible envie de vomir. J'étais en train de sombrer. Et puis, j'entendis comme un cri lointain, voilé par un épais drap sombre. Le cri se rapprochait, mais je n'arrivais pas à distinguer le moindre mot. J'avais le regard cloué sur le cadavre de Max. Le cri fut ensuite accompagné de secousse. Quelqu'un me secouait comme un prunier. Mais mon regard ne bougeait pas, et je n'arrivais toujours pas à entendre correctement.

Je sentis mon corps se soulever. Quelqu'un essayait de me porter, de m'emmener loin de Maxime. Je ne pouvais pas le laisser là, son corps gisant sur le sol. D'un geste tremblant, je tendis ma main vers lui. Mais les cris reprirent, il me sembla alors qu'on criait mon prénom.

J'étais à bout de forces, fatiguée de me battre, fatigué d'avancer. Je me laissais faire, le regard vide. On m'emmena loin de lui. J'avais l'impression que j'étais à présent dans une voiture, et que deux personnes s'occupaient de moi. Deux silhouettes informes et floues se dessinaient devant moi, sans que je puisse savoir de qui il s'agissait. Je fermais les yeux à bout de forces, et mon ouïe revint peu à peu.

— Qu'est-ce qui c'passe bon sang ? Hurla quelqu'un.

— Maxime est mort mon gars, mort !

— Quoi ? S'étouffa le premier. Mais.. Mais...

— Roule, dépêche espèce d'idiot ! Lui ordonna le deuxième.

— Qu'est-ce qu'elle a Noa ?! S'inquiéta le premier. Elle est blessée ?

— À ton avis Sherlock ! Maxime s'est sacrifié pour Tigresse, tu crois qu'elle le prend comment ? Je crois qu'elle est dans les vapes, Noa tu m'entends ? Noa...

Non, je n'étais pas encore dans les vapes. Mais j'étais incapable de répondre. Et finalement, les ténèbres m'enveloppèrent pour de bon.

HEAVENWhere stories live. Discover now