sept // monstre

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Map Of The Problematique, Muse

Marcus, à la réflexion, se sentait d'un côté touché par l'amour impossible mais sincère de Harry envers la petite Nola; de l'autre, coupable de l'avoir soupçonné d'avoir joué un rôle dans cette affaire des plus sordides. C'est pourquoi, après cette fameuse nuit, il décida de consacrer un peu plus de temps à son ami.

Le jeudi qui suivit, au lieu de s'attabler devant son ordinateur portable, il prit sa voiture et alla faire les courses à Montburry. Harry, en rentrant de sa journée à Burrows, s'exclama tout étonné :

—   Oh, Marcus! Vous n'auriez pas dû.

—   Ne dites pas n'importe quoi. Vous aviez envie de manger de la pizza ce soir encore? se moqua Marcus.

Harry roula les yeux et le suivit jusque dans la cuisine.

—   Vous allez voir, continua Marcus, déterminé, je vais nous préparer un repas digne de ce nom. Que dites-vous d'un canard à l'érable et au café?

—   Ça m'a l'air délicieux.

—   Ça le sera, enfin si je réussis la recette.

—   Tant que vous ne brûlez pas la maison..., ironisa Harry.

Marcus, penché sur le magret de canard, releva la tête avec un grand sourire aux lèvres.

—   Je ne m'appelle pas Daisy, tout devrait bien aller.

Harry, adossé contre l'îlot, éclata de rire.

—   Au moins, ses biscuits au chocolat sont maintenant comestibles.

Marcus entreprit de retirer le gras du canard avec méticulosité sous le regard curieux de son ami. Au bout d'un moment, il releva la tête vers lui, le couteau de cuisine dans les airs.

—   Vous savez, je n'ai plus dix ans, vous n'êtes pas obligé de me surveiller.

Harry s'esclaffa.

—   Bon, bon, puisque ma présence vous dérange, je m'en vais. Mais avant...

Il tendit la main par-dessus le magret de canard et attrapa sa boîte en fer, toujours là sur le plan de travail.

—   Vous allez nourrir les mouettes?

—   Pourquoi pas? répliqua Harry.

—   Je veux dire, à cette heure?

Son ami haussa les épaules.

—   Nola, elle, les nourrissait à toute heure de la journée. Quand elle venait à Goose Cove, elle adorait les regarder, de la terrasse ou de la plage. Elle insistait pour qu'on leur lance des mies de pain. Maintenant qu'elle n'est plus là, j'imagine que l'habitude m'est restée.

Il lui sourit d'un air triste avant de tourner les talons, sa boîte dans les mains, pressée contre son cœur.

Marcus soupira avant de retourner à son canard. Jusqu'à présent, il avait cru bien connaître son ami, voire son meilleur ami, alors que depuis le début, il lui manquait la plus importante des pièces du puzzle quebertien : Nola Kellergan. Il comprenait mieux maintenant pourquoi Harry était resté seul toute sa vie, et cette réalisation le poussait non à le prendre en pitié, mais à rester à ses côtés.

N'était-ce pas ce qu'un vrai ami se devait de faire, après tout?

À partir de ce jour, il se mit donc à faire la cuisine de temps en temps, même si son hôte, les yeux au ciel, insistait qu'il n'avait pas à le faire. Il sortait aussi parfois du bureau pour s'installer, lorsque le soleil était au rendez-vous, sur la terrasse avec son ordinateur portable ou encore au salon près de la baie vitrée, dans l'unique but de passer du temps avec Harry qui, lui, corrigeait les travaux de ses étudiants.

Rimbaud et LolitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant